26 déc. 2021

 Souvenirs pâtissiers du Noël 2021.






















                                      Et pour finir, l'indémodable Dinde de Noël, tout en chocolat blanc !


6 déc. 2021


" Autant en emporte le vent "   de Margaret Mitchell   16/20


      Publié en 1936, Prix Pulitzer en 1937, adaptation au cinéma en 1939 par Victor Fleming.

      2020, nouvelle traduction par Josette Chicheportiche.

      Géorgie 1861. Une jeune fille de seize ans, Scarlett O'Hara, a devant elle l'avenir rayonnant et prometteur d'une riche héritière de Tara : la grande et prospère plantation de coton de son père. Malheureusement, au loin, la guerre civile gronde et risque de faire plonger le pays tout entier dans un chaos meurtrier et dévastateur. De surcroît, Scarlett vient d'avoir le cœur brisé par l'annonce du futur mariage d'Ashley Wilkes avec une autre qu'elle. Ainsi s'amorce cette fresque intemporelle sur l'amour et la guerre, où l'on verra une Scarlett d'abord ingénue et gâtée devenir au fil des épreuves une jeune femme volontaire et autoritaire, puis exaspérante, mettant tout en oeuvre pour sortir de la misère et garder sa terre natale chérie : Tara. Les conventions et la morale n'en sortiront pas indemnes, mais la volonté de se tirer d'affaire est à ce prix pour une Scarlett devenue mi-ange mi-démon.

     Pensant, à l'image du film qui en fut tiré en 1939, qu'il ne s'agissait que d'une simple bluette à rebondissements multiples, entre Scarlett O'Hara futile et espiègle et un Rhett Butler arrogant et macho, juste bonne à émoustiller un large public féminin à la recherche de beaux sentiments, je n'aurais jamais songer à me lancer dans la lecture dantesque de ces quelques 1400 pages. Néanmoins, quand les éditions Gallmeister ont décidé de publier la saga, je me suis dit, avec juste raison, qu'il devait y avoir bien d'autres choses dans l'oeuvre hormis la classique histoire d'amour. Et bien m'en a pris, car ce livre est d'une telle richesse narrative et historique qu'à côté, le film me semble d'une fadeur abyssale.

      En effet, le roman comporte d'abord toute une dimension sociale de la condition féminine de l'époque. Tel le classique : soit belle avant tes 20 ans, marie-toi, accouche d'une tripotée d'enfants, mais surtout tais-toi ! Ne t'avise pas d'avoir des velléités politiques ou des envies de dirigeante d'entreprise. Naturellement rien de cela dans le film, bah voyons !

      Puis le roman explore tout le conflit politique qui dura longtemps encore après la fin de la guerre de sécession entre les sudistes, soit les démocrates et les nordistes, soit les républicains. Vous avez bien lu, les droits de l'Homme sont à l'époque défendus par les républicains, ceux de Bush ou de Trump ! Pas une once de tout cela dans le film.

      Ensuite, le livre explique concrètement la naissance du Ku Klux Klan, avec les diverses privations qu'ont eu à subir les sudistes de l'après guerre, notamment l'interdiction de vote. Sans oublier, d'après Margaret Mitchell, les effets néfastes de l'alcool sur la population noire, devenue libre, envers les femmes blanches désormais privées de la protection de leur mari mort à la guerre. Ainsi, l'affable Ashley et le second mari de Scarlett, le généreux Franck Kennedy, adhèrent ouvertement au KKK. Croyez-vous que le film l'évoque ? Que nenni !

      Enfin, le roman possède toute une notion psychologique, doublée d'une admirable subtilité dans le développement des personnages, notamment en la personne de Mélanie Hamilton, la femme d'Ashley, une femme d'une bonté magistrale, altruiste, ne voyant que le bien dans chaque individu, une très grande dame comme on aimerait en rencontrer tous les jours. Je n'oublie pas son pendant masculin, l'ancien soldat unijambiste Will, un homme dévoué et désintéressé, captant merveilleusement la psychologie de chacun afin de ménager toutes les susceptibilités. Un homme en or. Mais aucune trace de ce bon Will dans le film !?!

      Pour finir ma comparaison discriminatoire, Scarlett accouche de son premier enfant, Wade, issu de son mariage initial. Malheureusement, le petit bonhomme n'apparaît pas dans le film. Je veux bien qu'un scénario doit garder l'essentiel, mais Wade est loin d'être un personnage secondaire, il oblige Scarlett à s'adapter, d'où l'origine de certaines tensions et revendications face à Rhett Butler. 

      Par contre, malgré le souffle romantique de l'histoire, malgré la belle plume de l'autrice, malgré le raffinement du traitement de l'évolution des protagonistes, il y a un gros problème de représentativité du peuple noir. En effet, dans les différentes plantations de coton décrites par Margaret Mitchell, tous les esclaves sont heureux de leur sort. Pas un mot de travers, pas une pensée d'émancipation ne vient ternir la magnifique entente entre les propriétaires terriens et leur personnel noir ! On croit rêver ! Et l'auteure en rajoute en précisant en plusieurs fois l'infériorité du peuple noir. Dès lors, une lourde question est soulevée : quand une grande oeuvre possède une extraordinaire qualité littéraire, doublée d'une psychologie féminine novatrice pour l'époque, doit-on crier au génie, malgré sa vision idéalisée de l'esclavage, malgré une victimisation systématique des sudistes, malgré de petites mais non moins signifiantes métaphores simiesques ? Il est certain qu'il faut recontextualiser l'oeuvre dans son temps, mais aujourd'hui, où les questions de discrimination sont sur le devant de la scène, on ne peut raisonnablement pas glorifier une telle représentation de l'esclavage, même s'il faut la nuancer en la replaçant dans son lourd carcan historique.

      Best-seller colossal et ambitieux, exaltant la douce époque de la vie d'avant la guerre de sécession ou les noirs et les blancs vivaient en parfaite harmonie, un vrai conte de fée ! Mais aussi et surtout roman initiatique où l'émergence et la maturité d'une jeune femme se bâtit sous le feu d'une succession sans secession d'épreuves sociologiques, militaires et naturellement... amoureuses !