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27 août 2025

" La forêt des ombres "   de Franck Thilliez   13/20

      Pendant l'hiver 2006, quatre personnes vont s'isoler dans un chalet en plein cœur de la Forêt Noire allemande, tandis qu'à l'extérieur, la neige et le froid règnent. 

      Arthur Doffre, un homme riche et paraplégique y a invité David Miller, thanatopracteur de profession, sa femme et leur fille pendant un mois. Le temps pour David, auteur de thriller occasionnel, d'écrire un roman sur un tueur en série commandé par leur généreux hôte.

      Vite, le macabre va prendre le dessus, des peurs folles et une psychose indicible vont s'installer. Ne reste qu'une seule solution : combattre l'impensable.

      Dans ce huis clos, la paranoïa et la mythomanie vont s'immiscer peu à peu, allant jusqu'à propager un doux poison pernicieux dans l'esprit du lecteur.

      N'ayant jamais lu de Franck Thilliez, je me suis longtemps interrogé sur la mise en place des différents éléments et leurs utilités, tant tout me paraissait alambiqué, compliqué et invraisemblable. Puis, peu à peu, des jonctions se sont opérées, pour s'achever dans une résolution finale complète. Je dirai néanmoins que le récit, à mon goût, manque cruellement de crédibilité, mais bon, des lecteurs peu exigeants y trouveront certainement leur compte. Tant mieux pour eux. Quant à moi, je m'inclinerai devant l'imagination débordante de Franck Thilliez, mais attention à l'admissibilité de l'histoire narrée.


20 août 2025

 " Les yeux de Mona "   de Thomas Schlesser   18/20

      Quand brusquement, Mona, une petite fille de 10 ans perd momentanément la vue, ses parents et le monde médical s'inquiète : que lui ait-il réellement arrivé, d'autant que les examens ne révèlent absolument rien de suspect ?

      Son grand-père maternel décide de lui faire profiter du temps indéterminé qui lui reste, sait-on jamais. Ainsi, pendant une année, il va l'entraîner dans les musées pour lui permettre de découvrir les merveilles incroyables du partrimoine artistique de l'humanité ; tout cela en 52 rendez-vous hebdomadaires.

      Ensemble, ils vont sillonner le Louvres, Orsay et Beaubourg. Botticelli, Vermeer, Goya, Courbet, Manet, Monet, Turner, et tant d'autres artistes vont les émerveiller, les émouvoir, les interroger. Ainsi, à travers ces oeuvres, Mona va apprendre la notion de doute, la mélancolie, la révolte ou l'introspection. De cette manière, si un jour la cécité la menace à nouveau, elle pourra se remémorer toute la beauté du monde.

      Heureusement, ce roman n'est pas que cela, même si il y a déjà de quoi nourir notre curiosité ; en effet, les liens familiaux tressés entre les différents membres de la famille sont là pour faire naître une véritable empathie. Même si le roman approche les 500 pages, on aimerait vivre plus longtemps la passion qui anime Mona pour son grand-père Dadé, un homme comme tout le monde rêverait d'en connaître un dans sa vie et pouvoir en profiter longtemps. Par effet miroir, moi aussi j'ai eu un grand-père remarquable, malheureusement je n'ai pas eu la chance d'en bénéficier longtemps. Les jours sombres ou les nuits blanches, je me dis que j'ai eu la chance de le connaître... et c'est déjà beaucoup. Mais revenons à nos moutons.

      Ces 52 oeuvres, dont certaines sont incompréhensibles au premier abord sont expliquées simplement, même si parfois la tension narrative se met en retrait sous la puissance absolue de l'Art, l'ensemble est harmonieux et équilibré. 

      L'érudition du grand-père est époustouflante, certainement un peu trop pour être crédible, on dirait une I.A. Néanmoins, je peux comprendre qu'il fallait un tel personnage pour que Mona se révèle à elle-même, qu'elle nous éblouisse à son tour par ses analyses pertinantes au fil des oeuvres, et puis les chats ne font pas des chiens.

      Comment ne pas se laisser séduire par le charme de ce roman gorgé de tolérance, de compréhension et d'érudition ? Comment ne pas tomber sous le magnétisme du grand-père et sous l'enchantement de Mona ? un terreau si fertile sur lequel les graines de la connaissance n'ont aucune difficulté à pousser. Comment refuser de ce laisser emporter par le courant de la culture, pleine de sagesse et d'intelligence ?

   En 1995, Le monde de Sophie, de Jostein Gaarder permettait de s'initier au monde de la philosophie, de la même façon Les yeux de Mona permet une initiation au monde de l'art.

      Bref, il s'agit avant tout d'une douce invitation à mettre un pied, ou même les deux, dans un univers artistique qui pour certains est abscons. Sans en avoir l'air, ce roman nous invite à la tolérance, à nous apprendre à regarder, à observer patiemment avant tout jugement, et à penser par nous-même sans se laisser influencer par quiconque. En peu de mots : une belle invitation à l'ouverture d'esprit. 


2 août 2025

 

" Sidérations " de Richard Powers   5/20

      Moi qui m'intéresse à la cosmologie et aux autistes, je pensais prendre un grand plaisir à la lecture de ce livre chaudement recommandé un peu partout. Badaboum ! Pour reprendre ironiquement le titre, je suis tombé en sidération par un tel vide "spacial ". D'ailleurs, je n'ai pas envie de faire l'effort d'en faire le spitch, si ce n'est qu'un père universitaire et astrobiologiste vit avec son fils autiste de 8 ans et demi. 

      Sous prétexte de nous faire lire des postulats et des théories dont l'intérêt est très limite, Richard Powers nous bourre le crâne avec une lapalissade : l'Homme est mauvais, il détruit tout, la nature, les animaux et l'Homme lui-même. Bah ça alors, c'est une sacrée nouvelle ! Comment ai-je pu passer à côté d'une telle révélation ?

      Estourbi par des vagues de données scientifiques barbantes, lassé par la relation père/fils aride et amorphe, fatigué de commentaires planétaires qui n'aboutisse à rien et chagriné de n'avoir aucune empathie pour les deux protagonistes, j'ai plié bagage avant le point final. D'ailleurs, je me rapelle avoir eu aussi beaucoup de mal avec son fameux roman : L'arbre monde, un roman aux thèmes qui me sont très chers, mais noyés sous un babillage intempestif. Tout ceci est vraiment dommage, cet auteur à une vision écologiste comme je l'aime, cependant, dès qu'il passe à l'écriture l'ensemble est dissous dans un blablabla franchement chiant. Désolé.


26 juil. 2025


" Les enfants du capitaine Grant "  de Jules Verne 18/20

      En prenant de l'âge, certaines lectures de jeunesse me reviennent en mémoire ; et pourquoi ne pas en relire certaines dans le dessein de s'imprégner de cette adolescence, quelque peu égarée dans les limbes notre mémoire ? L'autre intérêt est d'en avoir une lecture plus mature, donc plus critique, mais avec toujours l'insoucience de nos premières années.

       Le 26 juillet 1864, dès la découverte de trois messages tronqués retrouvés dans une bouteille issue de l'estomac d'un requin-marteau, Lord Glenarvan et sa femme Lady Helena décident de secourir le capitaine Grant et deux de ses hommes, rescapés d'un naufrage et perdus depuis deux ans sur un rivage de l'hémisphère sud quelque part le long du 37° de latitude. Sans attendre, ils prennent la mer sur leur propre bateau : Le Duncan, un rapide yacht marchant à voile et à vapeur. A bord, le couple est accompagné des deux enfants du capitaine Grant, d'un cousin de Lord Glenarvan et d'un géographe français. Ensemble ils affronteront mille dangers, qu'ils soient dus à la nature elle-même ou aux autochtones.

      Il s'agit du plus long roman écrit par Jules Verne, décliné en trois parties : la traversée de la Patagonie, puis du sud de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. La géographie tient pour une large part de l'aventure, en effet, pour l'époque, ce roman à des intentions pédagogiques incontestables destinées à la jeunesse de cette deuxième partie du XIXème siècle ; d'où le rôle du savant Paganel, un homme aussi érudit que distrait. D'ailleurs cette distraction apporte une note humoristique allègeant la montagne de connaissances intarissables de cet homme de science.

      Outre la géographie, moult thèmes viennent enrichir l'oeuvre, notamment la toute puissante Providence ; le ressenti suite à la disparition d'un parent ; la force inébranlable de la volonté ;  une grande foi dans la solidarité ; l'altérité avec la représentation et l'acceptation de l'autre, ici le sauvage ou du moins l'étranger ; la terrifiante anthropophagie des peuples Maoris et le parcours initiatique du jeune Robert Grant. 

      Malgré toute la richesse de ce roman il faut noter deux choses : Primo, l'invraisembabilité de l'histoire narrée, en effet, nos personnages auront à vaincre toutes les galères possibles et imaginables, rien ne leur sera épargné : un séisme dans la Cordillère des Andes, une avalanche de pierres, l'attaque d'un condor puis d'une horde de loups rouges affamés, des tornades de poussière, une inondation gigantesque dans la Pampa, une tempête colossale dans l'océan Indien, la confrontation avec une terrible bande de brigands, la condamnation à mort par une tribu cannibale, une éruption volcanique au Chili, et j'en oublie, bref, malgré tout cela, l'équipage du Duncan et tous nos protagonistes rentreront entiers !?! Et je ne parle pas des lois du hasard qui les favorisent constamment, surtout quand le pire semble inévitable. La volonté de Jules Verne est que chaque épisode soit un prétexte à enseigner la géologie, la faune, la flore, la culture des peuples des contrées traversées, et l'essentiel est d'apprendre tout en se distrayant, peu importante donc le manque de crédibilité du roman.

      Secondo, bien sûr il faut remettre le récit dans le contexte de l'époque, néanmoins, je me suis senti gêné par les comparaisons des aborigènes avec les singes ; et tous ces peuples autochtones que les colons veulent civiliser de gré ou de force. De surcroît, il y a les "bons sauvages", ceux qui aident nos voyageurs dans leur périple, et les "mauvais sauvages", ceux qui n'acceptent pas d'être envahis par des européens colonisateurs. Sans compter une allusion ambiguë à un requin appelé poisson-juif, référence aux relents antisémites. Et que dire des préférences d'un jaguar concernant la couleur de peau de ses victimes. Une fois encore, ce roman écrit en 1865/1866 donne l'état d'esprit d'une époque révolue qui ferait un scandale grandement justifié aujourd'hui. 

      En gardant tout cela en tête, il est très agréable de voyager en compagnie de telles personnages et de partager avec elles ce tour du monde improbable mais si extraordinaire.


20 juil. 2025

 


" Malheur aux vaincus "   de Gwenaël Bulteau   14/20

      Alger la Blanche en 1900. Dans la demeure de la riche famille Wandell un massacre vient d'y avoir lieu : six personnes y ont été assassinées : des maîtres et des domestiques.

      Les premiers éléments de l'enquête laisse croire que deux forçats, détachés du bagne et embauchés pour des travaux dans cette même résidence, auraient profité de cette aubaine pour prendre la poudre d'escampette et recouvrer leur liberté, quitte à tuer pour cela.

      L'enquêteur, le lieutenant Koesler, mêne les premières  investigations dans une ville où l'antisémitisme fait rage, divisant la population des colons français.

      Sous prétexte d'une enquête, Gwenaël Bulteau nous fait le portrait d'une Algérie française qui craque sous toutes ses coutures. Comment vivre apaissé dans un pays où les échos de l'affaire Dreyfus résonnent, où apparaissent des milices qui sillonnent les rues, où des vélléités d'indépendance s'expriment de plus en plus, où une jeunesse orpheline livrée à elle-même vie de vols et de pillages, et où la population algérienne de souche est toujours considérée comme sujets et non pas comme citoyens français à part entière avec leurs droits et leurs devoirs ? A partir de ce canevas surtendu, le lieutenant Koesler devra enquêter en louvoyant avec finesse, d'autant plus qu'il s'avère qu'une effroyable expédition coloniale en Afrique noire, menée quelques mois auparavant, est liée à l'affaire impliquant la famille Wandell.

      L'enquête est pleine de rebondissements et de suspense. Avec talent, l'auteur mélange intelligemment les hommes et les femmes avec leur époque. Il en tire un roman se basant sur un fait réel : afin de parachever la conquête de l'Empire français en Afrique Centrale, les capitaines Voulet et Chanoine étaient chargés de conquérir les territoires allant du Sénégal jusqu'au lac Tchad. Faute de moyens logistiques, ils pratiquèrent la technique de la terreur pour se faire obéir, en cas contraire, toute la population étaient massacrée ou menée en esclavage et les villages détruits. Tous ces carnages au nom de la sacro-sainte civilisation. En vérité, tout découle du contexte de concurrence entre les nations européennes pour la colonisation de l'Afrique. Toujours cette éternelle histoire de profit avant la moindre considération pour la vie humaine.

      Malgré tout, j'exprime quelques bémols : Aucun des protagonistes n'existent vraiment au yeux du lecteur, ils sont rapidement esquissés, empathie impossible ; l'assassinat de René Josse ne sera jamais clairement expliqué ; l'histoire d'amour, inhérente à chaque récit est ici réduite à sa plus stricte existence. Heureusement que le fond historique remet les pendules à l'heure dans un pays où même de nos jours, les passions sont encore exacerbées, comme si les feux de la colonisations ne pourront jamais s'éteindrent.


1 juil. 2025

 " Le livre des deux soeurs "  de Amélie Nothomb   15/20

      Il y a bien longtemps qu'un roman de la plus connue des romancières belges ne m'avait interpellé à ce point là. J'ai été touché, voire profondément ému par cette relation parents/enfants, effet miroir sûrement. Bien sûr Amélie pousse le bouchon un peu loin avec ce manque d'amour véritable des parents pour leur première fille (la seconde aura droit au même régime), cependant c'est une situation si courante qu'elle en devient universelle. Ainsi, pour compenser, l'aînée déversera tout son amour sur sa petite soeur, la réciproque les conduira à un duo fusionnelle, si nécessaire à leur existence.

      Mon autre centre d'intérêt pour ce livre tient à la puissance de la parole dîte à un enfant, des mots qu'un père ou une mère peut prononcer entre deux portes mais qui néanmoins marquent sérieusement une personne à la sensibilité exacerbée. Ainsi, rien n'est futile pour des oreilles émotives.

      Je veux bien qu'un certain manque de crédibilité vienne gréver cette histoire familiale, frôlant l'univers du surréalisme, on devrait ainsi parler d'un conte, cela serait plus judicieux, néanmoins, roman ou conte, les thèmes abordés ne manquent nullement de pertinence.

      Côté écriture, cela ne vole pas bien haut. Un exemple avec un beau pléonasme : " Tristane contemplait interminablement... " Quand on contemple cela dure généralement longtemps, non ? Cependant, si l'on part du principe que l'histoire nous est racontée du point de vue de l'enfant ou de l'ado, on y prête moins attention.

      Sans crier au génie, ce roman plaisant est une ode à la sororité et une mise en perspective de la puissance des mots. Cependant, un beau message suinte à toutes les pages : tout le monde à un besoin criant d'amour, et j'y souscris des deux mains ! Bah... Euh... Je ne suis peut-être pas objectif sur ce coup là. Tant pis, pour une fois, vous me pardonnerez.


29 juin 2025



 " Le jardin de cendres " de Françoise Chandernagor   18/20

      Séléné, fille de Cléopâtre et reine de Maurétanie, se demande, après le décès de ses trois premiers enfants, si la grande Isis l'honorera d'un nouvel enfant qui pourra régner à la suite de son mari : le roi Juba II. Pour mettre toute les chances de son côté elle entame un voyage sur la route des sanctuaires propices à la fécondité : Grèce, Asie Mineure, Syrie, etc. A la même époque, non seulement Rome domine le bassin méditerranéen mais il asservit, il écrase, il tyrannise toute personne n'allant pas dans le sens de la volonté de l'empereur, surtout quand il s'appelle Caligula.

      Avec ce quatrième tome de La reine oubliée, Françoise Chandernagor clôt admirablement sa saga antique autour de la vie de Séléné Cléopâtre. Elle est une historienne passionnée et une talentueuse romancière. Car logiquement l'antiquité est pleine de vides, peu de traces sont là pour nous faire saisir les passions, les destinées, les psychologies multiples de tous ces hommes et femmes, connus ou peu connus, qui ont vécu et fait l'histoire de l'Empire romain. Ainsi, douée d'une plume hors du commun et d'un sens de la narration vertigineux, l'autrice nous dresse et nous tresse un canevas le plus fidèle possible en reconstituant un monde depuis si longtemps disparu. Certes, pour arriver à ses fins,  elle invente, elle laisse courir les chevaux d'une imagination débridée, elle contorsionne l'Histoire, néanmoins, si cela a pour dessein de lui faire de très beaux enfants, qui va s'en plaindre, à part les vieux grincheux ?

      De surcroît, elle nous démontre que les phases d'expansions de toute société, que ce soit d'un point de vue culturel, politique ou économique, se voit condamné, à plus ou moins long terme, inexorablement, à sa propre perte. La montée en puissance est immuablement suivi d'une dislocation et d'un retour au chaos.

      Séléné est épatante et exceptionnelle en femme vaincue par Rome, en proie au deuil, au chagrin, mais qui ne renonce jamais. Elle garde constamment au fond d'elle la volonté farouche de prendre sa revanche sur Rome, et de faire régner un nouveau Ptolémée, et pourquoi pas en Egypte ?

      Malgré tout, comme dans les tomes précédents la multiplicité des protagonistes, leurs innombrables mariages, leurs aussi nombreux divorces contraints ou pas, et leurs progénitures, font, qu'à un moment ou un autre, chaque lecteur finit par perdre pieds, moi le premier. Il suffit juste de se laisser porter par la vague tumultueuse de la narration ou de se référer à l'index final pour les plus pointilleux.

      Entre splendeur et cruauté, Françoise Chandernagor nous passionne avec les mœurs sanguinaires sous trois empereurs romains : Octave, Tibère et Caligula.


 " Panorama "   de Lilia Hassaine   8/20

      J'étais fortement attiré par l'idée de départ : dans un futur proche, Paxton est une ville où la plupart des maisons ou appartements ont des murs transparents. Le dessein de ce modèle étant que chacun ne peut plus rien cacher de son intimité et surtout de tout acte de violence. Voilà enfin un environnement pacifié où tout le monde surveille tout le monde ; la vie idéale sans la moindre violence. Par opposition, plus loin, vit une population moins aisée dans la cité des Grillons, qui elle, a conservé ses murs bien opaques. Un jour, dans son logement de verre, un couple avec leur fils disparaîssent. Fait invraisemblable et pourtant réel. Helen, une ex-commissaire reprend du service mener l'enquête afin d'expliquer l'inexplicable.

      Le concept de départ avait de quoi séduire, mais le traitement qui en a suivi m'a laissé sur ma faim. D'une part à cause d'une narration amorphe, sans grande expressivité, tout à l'air de se dérouler au ralenti, dans un climat stérile, ouatté et étouffant. L'ensemble semble s'engluer dans une poisse tenace. J'aurais aimé de l'envergure, que l'on sorte de ce cadre resserré pour prendre de l'ampleur, que l'on élargisse les horizons. En effet, qu'en est-il du gouverment et de l'ensemble du pays ? Il n'en ai jamais question. Et d'autre part la résolution finale manque de nuances, elle s'enfonce dans une conception binaire du bien et du mal. Vivons-nous vraiment dans un monde où tout est blanc ou noir ? La bourgeoisie d'un côté et la France des travailleurs de l'autre ? On en est encore là ? Le coeur de chacun est-il si mesquin, si étriqué ? 

      Là où Orwell avec 1984 faisait grandir un monde, Lilia Hassaine part d'une bonne idée pour la contraindre à la faire rentrer dans une impasse de pensée impensées. Serait-ce à croire que dans le futur les individus seront toujours aussi bêtes les uns que les autres et que toutes réflexions poussées seraient bannies de leur cerveau. Peut-être dû aux plastiques et aux perturbateurs endocriniens que l'on absorbe tous les jours ?

      A voir tous les avis critiques qui encensent ce roman, j'ai l'impression d'être à contre-courant. Tant pis, je ne puis applaudir avec la foule sans me renier ; cependant cela m'ennuie car l'ébauche d'entrée en matière me faisait espérer d'autres perspectives. Bien sûr il aurait fallu plus de pages, donc plus travail. C'est certainement la différence entre un livre que l'on oublie peu de temps après sa lecture, et un livre qui nous poursuit toute une vie.

     Tout ça pour ça !?!

27 juin 2025


 " Zulu " de Caryl Férey   15/20

      Enfant de zoulou, Ali Neuman voit son père pendu et son frère aîné brûlé par les milices de l'Inkatha qui se battent contre l'ANC, alors clandestin. Pas facile la vie en Afrique du Sud où différents groupes armés et éthniques se font une guerre sans merci. Pour éviter d'autres abjections, Ali et sa mère fuient le Boutoustan du Kwazulu.

      Des années plus tard, post-apartheid, Ali est promu Chef de la police de Cape Town. Il y promène son physique imposant et sa cohorte de démons intérieurs sur des enquêtes trop souvent glauques et sordides. Un jour est découvert un corps de jeune fille blanche au visage défoncée, puis un deuxième ; les deux victimes, issues de famille aisée, avaient une nette attirance pour différentes drogues. Apparemment, mais les apparences sont souvent trompeuses, une nouvelle came semble en train d'annihiler la jeunesse dorée de Cape Town.

      Dans cette enquête, Ali et ses deux fidèles inspecteurs, devront prendre beaucoup trop de risques pour comprendre la réalité d'un pays perclus par d'innombrables fléaux : éternel racisme, drogues multiples, sida omniprésent, milices en tout genre, innombrables gangs, corruption à tous les étages, etc. Ainsi, grâce à un travail de documentation important, Caryl Férey nous dessine le portrait d'une Afrique du Sud toujours en proie à ses vieux démons de haine raciale, comme une impossibilité de se guérir de l'Apartheid. La drogue et la corruption aggravent les problèmes, où, trop souvent, une violence sans nom à coup de tortures inhumaines est le seul dialogue possible entre deux belligérants irréconciliables.

      L'immersion est totale et glaçante, Caryl Férey sait y faire pour nous mettre sous les yeux un pays aux passions exacerbées. Il nous fait frôler les frontières de la raison dans cette symphonie macabre où seule la mort ricane.

      Mon seul bémol viendra d'un nombre de protagonistes pléthore. Je me suis perdu plusieurs fois dans les rues de Cape Town et dans cette foultitude de personnages aux noms vite oubliés.

      Certes, Zulu est un roman instructif et passionné mais à l'ambiance ténébreuse et douloureusement éprouvante.

      Candidement je me demandais, après une telle lecture aussi bouleversante que traumatisante, qui est encore prêt à aller faire une belle excursion bien dépaysante en Afrique du Sud ?


18 juin 2025


 " Laissez bronzer les cadavres " De Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid   12/20

      Dans un hameau pierreux et abandonné du midi de la France se repose un vieux couple d'artistes fatigués. Ils seront vite rejoints par une femme dépressive et hystérique accompagnée de son enfant et de sa nounou, ajoutons-y un avocat bien véreux et un groupe de gansters en quête d'un refuge, aux mains pleines d'or mais couvertes de sang, le tout, sous un soleil écrasant. Le cadre est donné, que l'enfer commence !

      Depuis le temps que j'entendais parler de Jean-Patrick Manchette et devant le nombre important de fans qui l'encensent, il fallait que je m'y plonge un jour ou l'autre en débutant par son premier livre écrit avec Jean-Pierre Bastid.

     Tout le roman se déroule sur une journée et presque sur le même lieu ; l'histoire débute par l'attaque d'un fourgon blindé et s'achève par le comptage des cadavres. Pas vraiment de place pour la moindre psychologie, ça défouraille à tout va comme dans un jeu vidéo, ou, pareil aux fusillades homériques digne d'un film de Quentin Tarentino. 

      Ecrit en 1971, ce roman signe l'arrivée du néo-polar, celui qui cherche à se démarquer de la grande influence américaine. Sans crier au génie, ce polar "moderne" vaut avant tout pour sa galerie de portraits caricaturaux, son rythme débridé encore accéléré par des chapitres courts, et ses furieuses fusillades. Ce roman marque avant tout une époque et un style original qui claque comme un baffe en pleine tronche.

      Même si l'orchestration des scènes d'action est réussie, il me manque une considération sociale et politique racontant le passé de nos dangereux hurluberlus, d'ailleurs souvent associées à Jean-Patrick Manchette, mais absent de ce titre. Il ne me reste plus qu'à me pencher sur ses autres romans, peut-être y verrai-je s'élever mon intérêt pour cet auteur ?

      

12 juin 2025


 " Impact "   de Olivier Norek  

 ?/20 Je ne peux noter assurément un argumentaire aussi juste qu'accablant ; il s'agit plutôt de réveiller des consciences trop longtemps endormies.


      Devant l'abyssal probléme du réchauffement climatique avec le rejet de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, en y ajoutant la destruction de la vie dans les océans, plus l'exploitation outrancière des forêts tropicales et une pollution affolante de nos terres et de l'air que nous respirons, Olivier Norek nous propose de façon romancée et radicale un moyen d'améliorer durablement notre environnement, par l'intermédiaire de son protagoniste principal : Virgil Solal, témoin direct de milliers de victimes dues à l'extraction du pétrole au Nigéria et père d'une petite fille qui décèdera très vite, victime de la pollution généralisée. 

      Bien sûr, on tombe ici dans un singulier extrêmisme, cependant Olivier Norek est malin, il nous pose l'équation en face : comment faire pour que nos enfants puissent vivre dans un monde sain et qui perdure, quand les politiques de tous pays ne prennent la moindre mesure d'envergure pour qu'il y est un demain viable ? En effet, une grande majorité de nos scientiques, pour ne pas dire la totalité, nous disent que nous fonçons tête baissée dans le mur, néanmoins aucune mesure sérieuse n'est prise pour essayer de diminuer notre action létale sur le climat. Que faire pour empêcher le suicide de l'humanité ? De nos enfants ? De nos petits enfants ? A moins d'actions drastiques et universelles, tout est perdu, inéluctablement.

      Pour nourir son propos, Olivier Norek enrichit son texte de déclarations réelles d'hommes politiques ou de grands industriels, de chiffres de scientiques et d'articles de journaux ; cela a de quoi glacer n'importe quel parent ou grand parent. Par moment ce roman prend l'allure d'un essai, voire d'un réquisitoire contre ces impuissants qui nous dirigent et contre les lobbies qui écrasent tout. Evidemment le fond l'emporte sur la forme, on n'est pas là pour faire de la grande littérature mais pour lancer un dernier cri d'alarme avant la disparition de l'humanité, et c'est réussi. Par contre, je suis surpris que ce livre sortie en octobre 2020 n'ai pas fait plus de bruit que cela dans les médias, il y avait pourtant de quoi alimenter bien des discussions et de créer le débat. Comme s'il fallait étouffer sa sortie pour garder le contrôle.

      Avec ce brûlot, Olivier Norek nous propose une réflexion vitale sur le sort de l'humanité. Qui osera dire qu'il a tort ?


5 juin 2025


 " Le rêve du celte "   de Mario Vargas Llosa   19/20

      Dans une prose digne des plus grands, Mario Vargas Llosa nous raconte la vie d'un homme oublié de l'Histoire : Roger Casement, pourtant son parcours exceptionnel fait d'ombre et de lumière mérite éminemment de retenir notre attention ; il fut un fervent combattant anticolonialiste, un défenseur des droits de l'Homme et des cultures indigènes et un artisan de la future indépendance de l'Irlande.

      Le roman débute en 1916 à Pentoville, près de Londres, Roger Casement vient d'être condamné à mort pour haute trahison. En effet, sa volonté chevillée au corps d'oeuvrer pour l'émancipation de l'Irlande, l'a conduit à pactiser avec l'ennemi allemand, crime impardonnable aux yeux d'un Empire Britannique englué dans les tranchées de la première guerre mondiale. En isolement total, dans sa cellule, le condamné se remémore les étapes cruciales de sa vie.

      En tant que jeune homme idéaliste d'origine irlandaise, il a 20 ans en 1884, quand il se joint, en tant que consul, à une expédition au Congo dont fait également partie le célèbre aventurier des terres africaines : Henry Morton Stanley. Sur place il assiste à l'exploitation du caoutchouc dans les forêts du Congo, alors propriété du roi Léopold II de Belgique. Au fil des ans, il ne peut que constater les effroyables conditions de vie des peuplades autochtones, considérées comme esclaves par les colons qui n'hésitent nullement à les torturer, voir à les assassiner quand les indigènes ne rapportent pas les quantités exigées. Ulcéré par cette barbarie sans nom, Roger Casement écrira un rapport qui fera grand bruit dans l'Empire Britannique.

      En 1910, maintenant diplômate du Foreign Office, Roger Casement se voit confier la mission de se joindre à une commission d'enquête sur des assassinats commis sur des autochtones dans des exploitations d'hévéas à la frontière entre le Brésil et le Pérou, où opére une compagnie anglaise, côtée à la bourse de Londres : la Peruvian Amazon Compagny. Là aussi, Roger Casement fera l'amère constatation que le sauvage n'est pas celui que l'on croit, que l'argent roi peut acheter toutes les consciences et que la violence est sans limite quand le profit prime avant tout. De surcroît, par effet papillon, la corruption s'étend à tous les niveaux de la société dans les régions d'extractions.

      De retour en Angleterre, écoeuré par toutes formes de colonialisme exacerbant l'âme noire des colons, il prend conscience que son pays natal vit lui aussi sous le joug de la botte britannique. Dès lors, il n'aura de cesse de tout mettre en oeuvre pour obtenir l'indépendance de l'Irlande, sans trop réfléchir à la méthode employée.

      Non seulement Mario Vargas Llosa exhume une fascinante et contreversée figure historique, mais il déploie un talent fou pour la replacer exactement dans son époque. Egalement avec maestria il pénètre dans l'âme de Roger Casement, nous dévoilant l'entièreté de ses tourments, de sa personnalité, de ses attirances, sexuelles ou intellectuelles. Au final, il en ressort un homme intègre et passionné, portant au plus haut les valeurs d'un humanisme universel, néanmoins, sa volonté politique irréfléchie le conduira à une disgrâce auprès de ses plus chers ami(e)s. 

      Par delà la vie d'un homme, Mario Vargas Llosa pose devant nous l'atroce réalité de notre condition humaine. Comment le profit idôlatré peut-il transformer un homme en monstre sanguinaire ? L'économie libéral permet-elle tout ? Doit-on accepter que notre confort dépende du sacrifice de millions de vies humaines, même s'ils sont à l'autre bout du monde ?

      Ce roman dérange, ce roman nous tend un miroir. Ne rien dire, ne rien changer à sa vie n'est-il pas un signe flagrant de collaboration au système ?

      Publié en 2010, cette biographie nécessita une énorme documentation. Mario Vargas Llosa, qui obtient le prix Nobel de littérature la même année, dut faire un travail formidable de recherche pour s'immerger à ce point dans la tête de Roger Casement. Je salue son travail qui permet de faire ressurgir des abysses du passé un homme de valeur, quelqu'un de bien, tout en ne gommant pas ces errements liés à l'indépendance de l'Irlande. En chaque homme ou femme, il y a toujours une part de contradiction. Vivre avec des exigences morales est si difficile dans un monde si cynique.


27 mai 2025



" Le volume du temps "   Volume 1 et 2, de  Solvej Balle   6/20

      Au départ, l'idée est excellente : une jeune femme vit indéfiniment la même journée : le 18 novembre. Elle est la seule à en avoir conscience, le reste de son entourage fait comme un reset en pleine nuit, pour revivre un nouveau 18 novembre. Et cela dure plus de mille jours. Et encore, je n'ai lu que deux volumes sur l'ensemble des sept.

      Naturellement, on peut y entrevoir une réflexion philosophique sur le train-train aliénable de nos vies. A quoi bon vivre toujours le même quotidien jour après jour ou année après année. Bien... cependant, une fois cela exprimé on tombe dans une flânerie plombante autour de ce thème. Des variations sont au rendez-vous, telles celles de Jean-Sébastien Bach d'après Goldberg. Néanmoins, les variations de Solvej Balle sont beaucoup plus modestes, cela ronronne, tourne en rond et se répète encore et encore, tel un disque rayé, jusqu'au bout du premier tome. Et le deuxième ? Nouvelle variation, mais dans l'Europe entière cette fois-ci, celle bien sûr du 18 novembre, cependant, là non plus, rien de transcendant, on élargit nos horizons pour en revenir au même point, malheureusement pas final.

      Bref, deux romans ennuyeux et indigestes à l'extrême. Idéal pour trouver le sommeil, ce ne sont pas les rebondissements qui vont vous maintenir éveillé, il n'y en a pas un seul ! 

      Est-il nécessaire de préciser que je ne lirais pas les autres volume ?

      

15 mai 2025

 


" Le déluge "   de Stephen Markley   19/20


      Indéniablement, voici le livre bible que j'attendais, naviguant autour de nos consciences face au réchauffement climatique. Certes, beaucoup d'écrits concernent ce sujet d'actualité brûlante, mais jamais avec autant de pertinence et de réalisme. Stephen Marckley est un écrivain prophète. Dans cette incroyable fresque, tout y est plausible : les catastrophes comme les réactions humaines. J'ai franchement eu l'impression de lire notre futur immédiat jusqu'à l'année 2040. Pour écrire ces plus de mille pages, très documentées, Stephen Markley a mis plusieurs année, et cela se ressent, tant la précision chirurgicale, le talent narratif et l'intelligence scientifique du récit ne peuvent s'épanouir que dans le temps long. Le résultat est époustouflant.

      Et que dire de l'analyse extra-fine du comportement humain, de ses errances, de ses engagements, de ses contradictions, de ses renoncements et de ses sacrifices ? Nous sommes décortiqués sur l'autel du profit et de nos égoïsmes. Peu aurons le courage d'aller au bout de leurs idées, peu seront prêts à risquer leur peau pour que le monde ait une possibilité d'avenir, sérieusement détériorée, certes, mais un lendemain peut encore exister.

      L'histoire débute en 2013 en Californie, quand un scientique écrit un livre sur le dérèglement climatique et qu'il reçoit des menaces de mort. De surcroît, il se heurte à un puissant déni des politiques, de ses congénères et du monde entier. Néanmoins, des supers ouragans et des méga-feux lui donneront vite raison, mais rien ne bougera politiquement pour autant. 

      Ce roman fleuve brasse le destin de pléthore de personnages, notamment Kate, une militante écologiste, intrépide et charismatique, qui, à force de défie l'échiquier politique devient, au gré de ses actions pacifiques, l'icône d'une génération ; Ashir, un génie de l'analyse prédictive ; Shane, elle aussi une militante écologiste qui n'hésite pas à s'attaquer aux infrastructures gazières et pétrolières, face à un pouvoir qui ne veut rien céder ; Keeper, un junkie capable du pire comme du meilleur ; ou encore le Pasteur, un ancien acteur hollywoodien recyclé en leader politique de la l'extrême droite. Tous seront amenés à faire des choix devant l'effrondement d'un monde révolu.

      Seul petit bémol, le foisonnement des protagonistes qui complique la lecture, cependant, dans le dessein de multiplier les points de vue pour accéder à toutes les sensibilités de la citoyenneté américaine, il faut brasser large, quitte à écrire un roman à la fois choral et monde.

      Ce roman est un verre d'eau glacée en pleine gueule. Il nous attrape par le colback et met de mots et des maux effroyables sur ce processus de destruction irréversible uniquement dû à l'Homme. Que tout ceux qui explosent leur bilan carbone, se penchent sur ces pages  hyperréalistes. L'apocalyspe est à nos portes, l'humanité entière est concernée, que chacun agisse en sa conscience en remettant en question son individualisme et ses mesquins profits. Qui est prêt à condamner tous nos enfants à mourir en suffocant ? Qui est prêt à payer les conséquences d'une guerre civile ? Qui peut accepter de se prendre le mur de la réalité climatique en pleine face sans bouger le petit doigt ? Qui ? On ne pourra pas dire que l'on ne savait pas. 

      

8 mai 2025

 " La cour des mirages "   de Benjamin Dierstein 13/20

      Avec l'élection de François Hollande en mai 2012 et le triomphe de la gauche, ce sont les purges anti-sarkozystes qui ébranlent les différents ministères, en particulier au sien du ministère de l'intérieur. Ainsi, la commandante Laurence Verhaeghen quitte la DCRI pour la brigade criminelle de Paris, au fameux 36 quai des orfèvres. Elle est rejointe par un ancien collègue Gabriel Prigent, toujours sérieusement hanté par la disparition de sa fille, six ans plus tôt.

      Dès leur retour au 36, ils sont confrontés à une scène de crime effroyable : un cadre politique a massacré sa femme et son fils avant de se pendre. L'enquête débouchera sur des réseaux criminels et pédophiles, sur la prostitution de luxe et sur l'évasion fiscale.

      D'emblée, ce qui me frappe est l'écriture de Benjamin Dierstein. Il copie celle de James Ellroy : des phrases courtes, un rythme saccadé, un style immersif. D'ailleurs l'auteur ne s'en cache pas, sa vocation d'écrivain lui est venue après avoir lu Ellroy. Très bien. Malheureusement, ce foisonnement incessant et hystérique m'agace un peu ; et que dire de ces anaphores présentes une page sur deux et qui ne servent strictement à rien, si ce n'est à irriter son lectorat et à rallonger un roman déjà assurément volumineux ?

      Néanmoins, le fond s'avère effroyablement passionnant. Benjamin Dierstein réussit le tour de force de mêler des politiques de premier plan aux crimes les plus sordides lorgnant vers une immonde pédophilie très lucrative pour individus désespéremment immoraux, tout cela couronné par le pouvoir suprême, celui de l'Argent Roi, capable de toutes les corruptions et de toutes les permissivités.

      Ce roman est un vaste opéra basé sur la cruauté et sur l'horreur. Certes, l'Homme n'en sortira pas grandi, bien au contraire, cependant Benjamin Dierstein met le doigt sur l'un des travers les plus odieux de l'humanité : la pédophilie dans toute son abjection la plus sordide, d'ailleurs le dessin de couverture avec ce nounours, baignant dans une flaque d'eau ou de sang, est là pour nous mettre en garde d'un texte naviguant sur un bouillon de culture glauque et innommable ; surtout à ne pas mettre entre toutes les mains ; d'autant que dès l'incipit, le ton est donné : l'indicible sera au rendez-vous.

      Mon autre bémol porte sur le foisonnement des personnages, des démêlées de l'enquête et des considérations politiques, j'ai parfois perdu le fil de l'histoire avant de retrouver un point d'appui, puis de me voir déboussolé derechef et d'enfin raccrocher mes wagons dans les dernières pages. J'oubliais les longs passages qui font écho à l'actualité politiques, mais qui ne sont que des copiés collés de nouvelles distillées par la radio. Bref, lecture éprouvante et inoubliable à tous les points de vue. Suis-je prêt à renouveler l'expérience avec Benjamin Dierstein aux manettes ? La question se pose.


28 avr. 2025


" Les démoniaques "   de Matthias Köping   17/20


      Emporté par la lecture passionnée de son dernier roman publié : Cartel 1011, critiqué récemment sur ce blog, j'ai voulu en savoir plus sur cet auteur de roman très noir, d'où ce flash-back sur son tout premier livre.

      On est très vite plongé dans le bain de l'horreur dès l'incipit, la suite est du même acabit : drogue, proxénétisme, pédophilie, inceste, tortures, viols et assassinats, l'ensemble sous le joug d'une violence épouvantable. Certes, ce roman est trash, mais il décrit parfaitement comment un réseau mafieux réussit à s'implanter dans un coin apparemment tranquille de la campagne normande : Viaduc-sur-Bauge. Bien sûr, la corruption gangrène tous les niveaux de la société ; aidée en cela par la perversion nichée dans l'âme noire de certaines personnes influentes. Aucun niveau d'empathie ne peut jouer pour ces êtres abjects.

      Cependant, au milieu de ces ténèbres sans fond, un fil ténu d'humanité jaillit de cette fange. Il est symbolisé par deux personnages victimes dans leur chair des monstruosités de "L'Ours", le mafieux qui règne d'une main de maître sur la région : Kimy et Henri. Elle, est la propre fille de "L'Ours", rêvant de se venger de ses immonbrables et intolérables souffrance, lui, un prof ayant perdu sa fille quelques années plus tôt, et ne vivant que dans son souvenir.

      On peut souligner quelques incohérences dans le déroulé de l'action, mais elles sont vite balayées par la force intrinsèque du vent de folie qui file vers un épilogue ténébreux qui ne m'a pas franchement surpris, rapport aux petits cailloux semés ici ou là.

      Il faut avoir le coeur bien accroché pour s'élancer dans cette lecture glauque et malsaine, cependant, la plume percutante de Matthias Köping nous emporte, comme rarement, dans un tourbillon de furie ayant pour effet de nous faire tourner les pages tel des hystériques, si impatients d'en savoir plus. Il s'agit d'un page-turner type, néanmoins pour public averti. Âmes sensibles, passez votre chemin.


15 avr. 2025


" Madelaine avant l'aube "   de Sandrine Collette   18/20


      Tout lecteur se souviendra longtemps de cette petite Madelaine, une enfant affamée et sauvage, surgit de la forêt une nuit, et faisant irruption dans ce minuscule hameau en pleine campagne. L'autrice ne dit rien de l'époque, cependant, nous sommes au coeur d'un moyen-âge douloureux pour le simple paysan, obliger de donner une grande partie de sa récolte aux seigneurs des lieux. Comme si cette autorité ne suffisait pas, il doit subir les affres d'un climat aléatoire, capable de ruiner ses plantations de printemps par plusieurs jours de gelée tardives. Et que dire du fils du seigneur, un indivu ignoble, capable de choper n'importe quelle paysanne pour lui faire subir ses moindres désirs ? Sans oublier les périodes d'épidémie. Pas facile la vie dans le hameau Les montées pour celui qui n'est pas noble.

      Madelaine sera recueilli par la vieille Rose, une femme sachant préparer des onguants capables de soigner beaucoup de maux. Par son courage et sa détermination, elle fera l'admiration des autres habitants, notamment des deux femmes jumelles : Ambre et Aelis, de leurs maris : Eugène et Léon et de leurs enfants. Néanmoins, au fond d'elle, la flamme d'une rage inextinguible demeure, folle de justice, elle sait qu'un jour cette petite flamme presque innocente brûlera ce monde.

      Pour bien prendre conscience de la dureté du monde des malheureux qui cultivent une terre qui ne leur appartient pas, rien de mieux que cette lecture. L'idée sous-tendue en arrière fond est celle qui nous confronte à l'injustice la plus criante. Que faire ? Accepter de plier éternellement l'échine devant une autorité violente et inique, tout en permettant de garder une existence de nécessiteux, ou, relever la tête, rester debout et fier, dire l'arbitraire et l'inéquitable, au risque d'en payer le prix lourd ? Alors, se taire ou protester ? Accepter le joug ou se rebeller ? Vivre petitement ou mourir dignement ? Questionnement universel.

      En dehors de sonder notre instinct de révolte, Sandrine Collette, grâce à une plume enhardie de maîtrise, interroge également nos liens familiaux, sont-ils indépassables ou faut-il s'en affranchir pour mieux faire naître d'autres liens tout aussi forts.

      S'il fallait une critique, un léger bémol, je dirais que l'histoire peine un peu à se mettre en branle. On passe par quelques rallongements d'écriture avant d'embrayer sur un narratif captivant. Néanmoins, je me demande si le calme trompeur du début n'est-il pas uniquement là dans le dessein de nous saisir d'autant plus par la suite ?

      Je me suis toujours demandé comment Sandrine Collette, à l'air si inoffensif, au sourire si engageant, à l'oeil qui frise, pouvait écrire des livres si effroyables ? Déjà son tout premier roman : Des noeuds d'acier, nous plongeait dans l'horreur d'une séquestration, et là, elle continue et persiste dans la voie du roman glaçant et inévitablement inoubliable. De surcroît, par quelques figures d'écriture, je la sens prendre un grand plaisir à nous manipuler ; cachant une vérité pour mieux nous l'offrir en cadeau ensuite.

      Par sa force et son intensité, Sandrine Collette nous dresse un portrait d'un petit bout du monde écartelé entre humanité et sauvagerie, celui des hommes, mais aussi celui d'une nature elle aussi inflexible dans son impériosité avec ses exubérances dévastatrices. A force de douleurs et de rage, le monde des hommes de peu, réussiront-ils à faire plier l'autre monde qui les asservi ? Affreusement noir, ce roman nous offre une étincelle d'espoir. Seulement une étincelle.


30 mars 2025


 " La perfection du tir "   de Mathias Enard   13/20

      Tout au long du roman, nous ne connaîtrons pas le nom du personnage central, juste qu'il est un soldat tireur d'élite ; nous ignorerons également dans quelle armée il se bat ; nous ne saurons pas non plus où se déroule l'action, néanmoins, tout porte à croire que nous sommes à Beyrouth, au Liban, dans les terribles années de guerre civile débutée en 1975. Aux yeux de Mathias Enard, l'important n'est pas là, car il se focalise en priorité sur l'état psychologique de son héros. 

      Ainsi, dès l'incipit, le lecteur se retrouve dans la tête de ce soldat tireur d'élite, dont le seul plaisir, en ce monde où le diable a élu domicile, est de tuer, peu importe que sa cible soit un homme, une femme, un enfant ou un animal ; sans le moindre état d'âme il tue et tue encore. Son meilleur ami, Zak, est un soldat lui aussi peu recommandable : en plus du tueur qu'il est lui aussi, il torture et viole sans vergogne. On tremble encore pour la jeune fille, Myrna, que notre tireur d'élite embauche pour venir s'occuper de sa mère dont l'état frôle la folie.

      Tout le roman se déroule dans un monde abandonné aux fouches du mal. Toutes raisons d'espérer sont jetées au néant. La loi du chaos règne sur ce pays en déreliction, là encore, se roman pourrait porter allègrement le titre d'un livre de Donald Ray Pollock : Le diable, tout le temps.

      L'idée de Mathias Enard est d'élaborer le processus démoniaque qui transforme un jeune homme équilibré en bête féroce sans conscience, dont le seul plaisir, la seule jouissance est d'exécuter l'acte de tuer, comme un acte solennel. Certes, je comprends bien la perversion de la guerre sur les hommes, cependant certains passages sont en dehors de ma compréhension : comment accepter que l'on s'oppose à un viol, tout en ne voyant rien de répréhensible à assassiner la personne violée ?

      Roman noir sans espoir, et encore, c'est un euphémisme.


26 mars 2025


" La vie en sourdine "  de David Lodge   12/20

      Desmond est un professeur de linguistique, récemment à la retraite ; malheureusement, il a de gros problèmes d'audition. Lors d'un vernissage, alors qu'il n'entend et donc ne comprend pas un traître mot de ce qu'on lui dit, il répond par politesse et au petit bonheur la chance à une étudiante venue des States. 

      En partie autobiographique, ce roman, comme tout ceux de David Lodge, flirte entre l'humour et le tragique. Il sait tirer le cocasse de chaque situation avec une adresse, une verve, et même une tendresse, chaque fois renouvelées, notamment avec les tracas innombrables que doivent affronter quotidiennement les porteurs d'appareils auditifs.

    Néanmoins, bien qu'amusantes, les démélées de Desmond avec sa femme, ses enfants et son père, traînent souvent en longueur. On aimerait qu'il se déroule plus de choses intéressantes et pittoresques dans sa vie. Heureusement qu'Alex Loom, l'étudiante américaine au comportement énigmatique, est là pour mettre du piment, et ainsi maintenir une attention bien vacillante par ailleurs. On lui doit, du reste, les meilleurs passage du roman : des conseils hilarants pour réussir un suicide parfait ; inoubliable. Egalement un bon point émotionnel avec la visite, pleine de gravité, du camp d'Auschwitz ; respect.

      Malgré ces bonnes idées, l'histoire peine à aboutir. Il s'agit du tout premier roman que je lis de cet auteur, j'espère faire meilleur pioche la prochaine fois.


22 mars 2025


 " Sweet Harmony "   de Claire North   15/20

      Harmony Meads est une belle jeune femme belle qui habite Londres. Sa carrière professionnelle, en tant qu'agent immobilière pour yuppies, s'annonce radieuse. Le couple qu'elle forme avec Jiannis fait sensation dans les soirées branchées de la City. La vie est merveilleuse pour Harmony, jusqu'à ce qu'un petit grain de sable apparaisse, symbolisé par un simple bouton sur le visage. Dès lors, la belle mécanique du bonheur va s'enrayer.

      Dans cette dystopie quasi comtemporaine, Claire North part du principe que tous nos problèmes de santé, de beauté et d'intelligence peuvent entièrement gérés par la nanotechnologie, à l'intérieur même du corps. Il existe un régime de base pour éviter les maladies les plus graves, néanmoins pour accéder au niveau supérieur, vers des extensions très attirantes, l'échelle des prix s'envole vers des sommets. Quand on a commencé à goûter à des améliorations de son corps, comment résister à tout vouloir corriger et optimaliser ? Dès lors, la spirale infernale est amorcée, les dettes ne peuvent que s'accumuler et la chute inéluctable.

      Néanmoins et honnêtement, que ferions-nous si la technologie nous permettait ses corrections ? Remarquez, la chirurgie esthétique en est déjà une version simplifiée. Aurions-nous la sagesse d'accepter notre patrimoine génétique sans broncher et d'autoriser le temps à laisser ses marques sur et dans notre corps ? 

      Naturellement, la firme qui propose ces évolutions perfectionnées, Fullife, engrange de nombreux abonnements, transformant une avancée technologique en mine d'or financière incommensurable. L'argent, toujours lui, qui pervertit tout et tout le monde.

      Ce court roman d'anticipation soulève le lourd problème du culte de l'apparence allié à la pression sociale et à la marchandisation de la santé. Le monde manquant grandement de sagesse, cette dystopie prend dès lors une dimension réaliste. De quoi faire peur, vraiment peur.