" La cité des nuages et des oiseaux " de Anthony Doerr 17/20
Pas facile de faire un résumé tant l'histoire se dilate sur plusieurs époques jumelées avec une multitude de lieux, quand il ne s'agit pas de l'espace ! L'auteur nous entraîne dans la Constantinople du XVème siècle jusqu'à un futur, pas si lointain que cela, où l'humanité joue sa survie, en passant par les années, 40, 50, 60, 70 jusqu'à nos jours. Mais rassurez-vous, il est aisé de suivre le fil tant les personnages sont bien différenciés, et les situations bien dissemblables. Chacun des protagonistes partage un point commun qui modifie sensiblement leur destin : un ancien texte grecque aussi énigmatique que fascinant où le pouvoir de l'imaginaire semble sans frontière.
La force intrinsèque de ce roman atypique vient de ce manuscrit antique ayant réussi non seulement à traverser les siècles, même s'il a beaucoup souffert, mais également à unir le passé, le présent et l'avenir dans une célébration de la littérature. Il nous parle aussi, de tous ces livres, innombrables, qui n'ont pas réussi à s'affranchir des multiples destructions humaines ou temporelles (incendie, moisissure, censure, inondation, autodafé). Donc, de cette gigantesque somme de savoir irrémédiablement perdu, désormais tourbillonnant, sous le vent de l'Histoire, dans la poussière d'eux-mêmes et des siècles succédant aux siècles.
Le plaisir du lecteur vient de l'assemblage, petit à petit, des pièces de ce puzzle disséminé entre lieux et époques. Idéal pour stimuler l'imaginaire et mettre à l'honneur l'emprise que peut avoir la littérature sur nos pauvres esprits en recherche d'espaces libérateurs. D'autant que l'auteur glisse un message écologique, comme un danger mortel auquel l'humanité doit faire face intelligemment, si elle ne veut pas finir par s'effriter et disparaitre comme tant et tant de ces écrits évaporés dans la nuit du monde.
Anthony Doerr souligne le rôle essentiel des librairies, des bibliothèques et de tous ces passeurs, ces conservateurs qui ont su, au fil du temps, recopier les manuscrits et les transmettre aux générations futures.
Néanmoins, même si un bandeau rouge intitulé : Chef d'oeuvre, ceinture le livre, sur certaines séquences l'avancée de la narration tarde à s'affirmer, d'autres scènes se répètent tel un écho involontaire, et cela frustre notre envie d'en savoir plus, de s'approcher de l'osmose finale.
D'une singulière originalité, ce roman glorifie l'objet livre, car, en fin de compte, peut-être ne reste-t-il que la littérature pour sauver le monde.