26 avr. 2024

 " La vénus de Botticelli Creek "  de Keith McCafferty   15/20

      Une Vénus de Botticelli, au cœur des Rocheuses dans le Montana, cela a de quoi séduire. De plus, cette beauté aux cheveux d'or, vient de disparaître au milieu de la forêt, là où vivent une meute de loups : glaçant et fichtrement attirant à la fois. De surcroît, cette déesse possède une sœur, plus âgée, mais tout aussi ravissante que la disparue, et qui met tout en branle pour parvenir à retrouver sa sœur cadette. Voilà le début d'une enquête qui à tout pour nous tenir en haleine, d'autant que dans le même secteur un homme est retrouvé embroché sur l'andouiller d'un cerf mort. Accident, meurtre ? Décidément, que se passe-t-il dans les forêts enneigées et paisibles de la vallée de Madison ?

      Paradoxalement, ce qui séduit avant toute chose, ce n'est pas l'intrigue, qui déroule son fil tel le cours d'une rivière de montagne prenant son temps pour serpenter autour du fort dénivelé du relief, non, ce qui provoque l'adhésion ce sont les portraits des nombreux protagonistes. En effet, Keith McCafferty prend beaucoup de pages pour leur donner une vraie existence, avec beaucoup de dialogues à l'appui. Que ce soient les enquêteurs (hommes et femmes), les guides touristiques (femmes et hommes) qui sont aussi pêcheurs à la ligne, mais aussi fabricants de mouches, les écologistes (favorables à la réintroduction des loups), le gourou d'une secte animaliste ou d'autres personnages secondaires, chacun et chacune à son moment d'existence propre. Ainsi, tous ont des problèmes avec leurs relations affectives : on se tourne autour, on hésite, on réfléchit trop, puis on ne réfléchit plus. Tout cela mène à une danse lancinante, incessante mais jamais indécente... quoique ! On en finit peu à peu par oublier l'intrigue principale pour vivre autre chose : de grands moments de relations humaines, et ce n'est pas plus mal, car on peut aisément deviner certaines révélations finales.

      Ainsi, paisiblement, on se laisse bercer par le chant lointain des loups, par les noms poétiques des variétés de mouches ainsi que celles des truites et par les paysages du Montana où au milieu coule... on sait quoi depuis un certain film.

      Bref, ce roman s'identifie à un polar pépère, qui prend le temps d'avoir le temps. Un singulier moment suspendu en plein cœur de Mère nature. Sauvage et vivifiant.


9 avr. 2024

 


La trilogie des mousquetaires d'Alexandre Dumas.   18/20

Les trois mousquetaires ; Dix ans après ; Le vicomte de Bragelonne.

      Un jour ou l'autre, tout le monde a lu, est en train de lire ou lira "Les trois mouquetaires", cette oeuvre faisant partie du patrimoine français. Pour ceux, certes peu nombreux, qui ignore ce récit, en voici un succinct résumé : Venant de Gascogne, d'Artagan, un tout jeune homme ambitieux, rejoint à Paris la compagnie des mousquetaires du Roi Louis XIII. Là, il se fait trois amis pour la vie : Athos, Porthos et Aramis. Une mission les attend : sauver la Reine de France, Anne d'Autriche, lourdement compromise dans une affaire de coeur et d'état. Contre nos valeureux mousquetaires, deux grands ennemis s'activent : le cardinal de Richelieu et la redoutable Milady. 

      Entrainé par un tel roman d'aventure, captivant à l'extrême, il devient évident de s'embarquer pour "Vingt ans après", dont voici un bref résumé : Nos héros, un rien fatigués mais le coeur vaillant, reprennent vie sous un contexte politique différent : Louis XIV, encore trop jeune pour accéder au pouvoir, voit sa mère en prendre la régence avec l'aide de Mazarin. Si la première partie évoquait le siège de la Rochelle  et l'assassinat de Buckingham, cette deuxième partie oriente les intrigues autour de la Fronde et de l'exécution de Charles 1er d'Angleterre. Toujours beaucoup de chevauchées, d'exploits et de malice au programme.

      Inversement proportionnel au lectorat colossal de la première partie, la troisième voit ses lecteurs infiniment moins nombreux. En vérité, peu de personnes savent qu'elle existe, de plus son nombre de pages dépasse à lui seul les deux précédentes parties, et, de surcroît elle décrit des mousquetaires sur le déclin, démodés, épuisés, qui ne comprennent plus grand chose à leur époque, et qu'à l'exception d'un seul, tous mourront sous la plume d'Alexandre Dumas. Petit résumé : Mai 1660, le jeune vicomte de Bragelonne arrive au château de Blois, porteur d'une lettre annonçant au frère de Louis XIII l'arrivée prochaine de Louis XIV et de sa cour. Peu de temps après, un homme, qui n'est autre que le fils de Charles 1er, demande audience au Roi pour lui demander son aide afin de reprendre la couronne d'Angleterre. Mazarin refuse ouvertement, dès lors, dépité, dépouillé de son royaume, l'insignifiant Charles tombe par hasard sur Athos qui lui propose son aide. On trouve également dans cette utime partie la célèbre légende de l'homme au masque de fer, idéal pour sidérer son lectorat. Ce dernier tome est placé sous le signe d'une franche désillusion, d'un profond accablement et d'une grande mélancolie. Ces hommes ne sont plus de ce temps, seul Aramis, par sa capacité d'adapation s'accrochera aux branches, mais une page est définitivement tournée, une autre va s'écrire, sans eux.

      Avec cette trilogie, Alexandre Dumas s'affirme comme un grand écrivain d'Histoire. Bien sûr, dans le dessein de voir ses intrigues s'harmoniser autour des nos quatre héros, l'auteur ne craint pas de distiller ici ou là quelques anachronismes ; sans oublier de d'accroître, plus ou moins, la vie de ses quatres protagonistes principaux, qui ont réellement existés. Ainsi d'Artagnan est vraiment mort pendant le siège de Maastricht, le 25 juin 1673.

      Néanmoins, si les deux premières parties sont menées tambour battant, dans "Le vicomte de Bragelonne", un long développement central concerne la cour royale et ses diverses amours, avec suspicions et jalousies ; notamment concernant la favorite du roi, la célèbre Louise de la Vallière. Là,malheureusement, le récit peine à avancer, il patauge de longues pages durant dans une mélasse de sentiments d'un ennui abyssal. Ce sera mon seul bémol. 

      Par contre, la plume d'Alexandre Dumas, est à l'image de ses mousquetaires, elle virevolte, elle s'envole, pour finir par toucher. A noter l'emploi amusant et intriguant de l'imparfait du subjonctif, un temps d'un autre temps.

      Au final, une expérience de lecture plein de bruit et de fureur, de détresse et d'amour, de chevauchées et de courage. Soit 4000 pages totalement inoubliables. Et rien de mieux pour reviser agréablement son histoire de France et d'Angleterre. A bon entendeur, bonne lecture !