" L'amie prodigieuse " de Elena Ferrante 12/20
Deux amies d'enfance, Elena et Lila vivent dans un quartier pauvre de Naples pendant les années 1950. Lila est une jeune fille entière, qui dit ouvertement ce qu'elle pense, sans ciller des yeux, c'est une meneuse, une défricheuse, une effrontée. Elena est subjuguée par la force intérieure de son amie, qu'elle porte en haute estime. Bien qu'elles soient douées toutes les deux pour les études, leur chemin va diverger : Lila abandonnera l'école pour travailler avec son frère et son père dans une cordonnerie familiale, tandis qu'Elena, soutenue par une zélée institutrice, ira au collège puis au lycée, sous le regard perplexe de ses parents. L'espiègle vie fera souvent se croiser le chemin des deux amies, désormais plus éloignées, avec en filigrane une Naples menaçante, percluse de corruption, au moment où se profile à l'horizon le chambardement de l'économie de marché, avec l'arrivée de la télévision et de l'électroménager.
C'est une histoire d'amitié avant tout, parfois faite de jalousie, de spoliation et d'insatisfaction, comme la vie quoi !
Lila, par son extravagance, son audace et ses capacités intellectuelles, sera l'aiguillon qui dynamisera Elena, qui la propulsera à un haut niveau d'étude, lui permettant de se révéler à elle-même et de s'affirmer aux autres.
Elena Ferrante par le truchement de ses héroïnes nous croque le portrait d'un quartier populaire de Naples avec ses joies, ses misères, ses tensions incessantes entre clans, ses haines si immémoriales qu'on n'en connaît plus l'origine. Tout ce petit peuple, cette plèbe (comme dirait l'auteure) se démène pour rester à la surface d'un monde qui bouge de plus en plus, et qui menace de les submerger.
Certes ce résumé apparaît bigrement alléchant, cependant j'ai eu du mal à rentrer dans l'histoire, à m'y passionner. Pour être honnête, j'ai dû patienter jusqu'à la moitié du roman (qui comporte 430 pages) pour enfin y adhérer vraiment. Pourquoi ? D'abord je me suis perdu moult fois avec les noms des nombreux jeunes personnages, confondant l'un avec l'autre, déformant ainsi la narration. Puis viennent des banalités, des platitudes qui rallongent la sauce, mais ne font pas franchement avancer le récit. Et enfin cette Camorra napolitaine manque de présence, d'affirmation, au point que je me suis demandé pourquoi tant de gens semblaient enthousiasmés par ce roman. Puis, petit à petit, des fulgurances, des fantaisies, des hardiesses sont apparues derrière le paravent, éveillant ainsi mon intérêt qui ne cessera dès lors de croître, mais que de temps perdu en baguenauderie !
Il est fantaisiste et original de noter que cette Elena Ferrante est totalement inconnue visuellement, en effet on ne dispose d'aucune photo ou d'interview d'elle... ou de lui, car peut-être est-ce un homme qui se cache derrière ce nom !
Dans "L'amie prodigieuse", les frontières entre le dedans et le dehors sont poreuses. La particularité de l'amitié entre ces deux fillettes, Elena et Lila, s'est construite dans un monde qu'elles se sont créées pour peut-être mieux se prémunir de la violence issue des conditions de vie de leurs familles et du quartier en général. C'est sans aucun doute le privilège de l'enfance. A travers la fascination qu'exerce Lila sur Elena, les souvenirs de l'école, le personnage de la maîtresse, la découverte de l'écriture, la force de l'oralité, bref, leur chemin respectif emprunte (empreinte) des destins différents. Nous sommes embarqués par la force des sentiments, de la honte, de la violence à travers un foisonnement de fratries, de familles, qui n'échappent pas dans ce Milan des années 50 à des drames. Elles grandissent, connaissent leurs premiers émois sur fond de déloyauté. Elena Ferrante, l'auteure (fera le choix de ne pas se dévoiler en publiant ses premiers romans), est remarquablement traduite par les Editions Gallimard. Dans "L'amie prodigieuse" (sortie en Folio), elle campe le décor de cette amitié entre deux amies d'enfance. Avec "Le nouveau nom", elle nous emmène naturellement du passage de l'enfance à l'âge adulte parfois précipité par le désir de quitter le milieu familial et de changer d'appartenance sociale. Mais comment appartenir tout en s'identifiant et sans être déloyal ? Deux destins qui résonnent en nous. A travers cette saga, L'auteure nous tient en haleine ; on se souvient alors que l'enfance abrite des émotions fortes qui nous habitent tout au long de la vie. Rappelons-nous que c'est "le berceau de l'humanité". Vivement le 3ème roman de cette saga largement annoncée pour ce début d'année 2017 ! Bonne année ! Virginie, lectrice et libraire.
RépondreSupprimerCertes, la profusion de personnages et l'absence de pertinence de certains passages m'ont chagriné, cependant, difficile de ne pas développer d'empathie à l'encontre des deux héroïnes, Elena et Lila. Prochainement je lirai la deuxième partie " Le nouveau nom ", que je critiquerai dans ces mêmes pages. Néanmoins une question m'interpelle : Le fait de partager des points communs avec les personnages d'un roman, qu'ils soient émotionnels ou autres, influence-t-il positivement sur notre jugement futur dudit livre ? A contrario, lire un roman très éloigné de nos sentiments profonds se ressent-t-il dans l'avis que l'on en donnera ? Le fait de poser la question est peut-être déjà une manière de répondre ! Votre avis sera le bienvenu.
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