27 juin 2016




 "Avicenne ou La route d'Ispahan"    de Gilbert Sinoué  18/20

Voici une passionnante biographie romancée de l'homme qui fut appelé à son époque par tous ses nombreux disciples : Le Prince des Savants, le plus grand des Médecins, le Maître par excellence !

Avicenne, ou Abou Ali Ibn Sina, ou Cheikh el-Raïs puisque c'est de lui qu'il s'agit, est né en 980 à Afshéna, tout près de Boukhara, dans une Perse antique agitée par des dynasties arabes qui guerroyaient allègrement entre elles. Mort en 1037 à Hamadan, après une vie consacrée principalement à la médecine, il fut d'ailleurs le médecin le plus renommé de son temps, et cela dès... 18 ans ! C'est à lui notamment que l'on doit la trachéotomie.

Cet homme se passionna tout au long de sa vie pour le savoir, au point de devenir aussi un brillant philosophe, et un grand connaisseur en astronomie, en chimie et en psychologie. Il fut également un écrivain prolifique, laissant après sa mort plusieurs ouvrages qui firent date dans l'histoire de la médecine.

La vie d'Avicenne est racontée par la voix d' Abou Obeïd el-Jozjani, son disciple, qui le suivit pendant 25 ans dans toutes ses aventures, pour le meilleur et pour le pire.

C'est avec grandiloquence que Gilbert Sinoué nous emporte, tel un tapis volant aux confins de cet Orient si mystérieux, sur les traces de ce savant hors norme. On ne s'ennuie pas une page devant l'avalanche de pérégrinations romanesques qu'il vécut. Il est surprenant d'apprendre en ce début de XIème siècle, qu'Abou Ali Ibn Sina fut tour à tour nomade, exilé, vizir, prisonnier, évadé, et vizir une seconde fois ! Quelle vie !

Cependant, outre ses qualités intellectuelles, Avicenne menait ce qu'on appelle une vie dissolue, se livrant aux excès du vin, et aussi... à ceux de l'opium, sans oublier les femmes, pour lesquelles il eut un très large penchant. Bref, cela fait un peu tache pour l'un des plus grands savants de l'Islam. D'ailleurs ses attitudes subversives lui furent souvent reprochées par ses contradicteurs, souvent perclus de jalousie. Mais que voulez-vous, même les plus grands ont leurs travers !

De Boukhara à Ravy (ancienne Téhéran), de Gurgan à Hamadan, en passant par les rives de l'Amou-Darya au bord de la mer des Khazars (ancienne mer Caspienne), de la tempête de sable du désert de Kavir à la froidure cinglante des prisons de Fardajan, Gilbert Sinoué nous transporte dans les pays des mille et une nuits, où rivalités politiques, trahisons, batailles, maladies et amours forment une trame à la fois exaltante, émouvante et ensorcelante.

Il ressort en filigrane, qu’Avicenne était désemparé par l'iniquité humaine, et meurtri par l'injustice et l'avidité des princes. Il avait aussi bien conscience des risques d’obscurantisme et d'intolérance qu'amèneraient inexorablement les temps à venir, trop de conflits, de jalousies, et de lois religieuses couvaient. D'ailleurs certains de ses livres furent brûlés, mais ceux qui ont réussi à parvenir jusqu'à nous, dénotent que les diverses appellations dont fut gratifié Avicenne, n'étaient pour le moins nullement usurpées.

Certaines critiques disent que l'on est plus près d'une hagiographie que d'une biographie, je peux le comprendre, mais porter à la connaissance du plus grand nombre, la vie de cet homme extraordinaire, vaut bien quelques envolées épiques un rien outrancières qu'on pardonne allègrement, tant le fond est puissant, l'homme phénoménal et son esprit prodigieux.

Mine de rien, ce roman nous parle de ces peuples arabes du temps passé, qui surent prendre le relais des grecs et des romains, pour porter le savoir à une dimension jamais atteinte par l'humanité. Il est peut-être utile de préciser qu'à la même époque dans ce qui est appelé aujourd'hui l'Europe, les sciences n'en étaient qu'à leurs premiers balbutiements, alors qu'au Moyen-Orient elles étaient non seulement étudiées, mais pratiquées, à grande échelle. On ne peut dénombrer le nombre d'écoles ouvertes pour l'enseignement, tant elles furent pléthores. Il est bon à savoir aussi que le premier hôpital au monde fut ouvert en l'an 800 à... Bagdad ! Eh oui ! Pour les curieux, en persan on ne disait pas hôpital, mais bimaristan, de istan le lieu et bimar malade. De rien !

Malheureusement, cette période d'intense activité intellectuelle dans le monde arabe sera peu à peu mise à mal par le poids écrasant des religieux, qui, suivant leur propre lecture du Coran, souhaiteront calmer les ardeurs des chercheurs et limiter les contacts de l'empire arabe avec les civilisations extérieures. Les recherches des savants arabes souffriront de cette chape de plomb, avant de succomber dans le néant pour des siècles. A la fin du moyen-âge, l’Europe fera renaître ces disciplines techniques et scientifiques pour supplanter définitivement les recherches issues des pays arabes.

Enfin pour terminer, Gilbert Sinoué précise, tiré du Coran page 364, que l'Islam interdit à un musulman de verser le sang d'un autre musulman. Sans commentaire.

Bref un roman pour apprendre et pour voyager, l'idéal quoi !!!



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