" Constellation " de Adrien Bosc 13/20
Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1949, le quadrimoteur Constellation F-BAZN d'Air France se crashe sur l'une des îles de l'archipel des Açores. Aucun survivant, 48 personnes y perdront la vie, dont le célèbre boxeur français Marcel Cerdan, et Ginette Neveu la violoniste prodige âgée de 30 ans. En dehors de ces deux personnalités mondialement connues, Adrien Bosc redonne vie aux 46 autres anonymes. Anonymes peut-être, mais dont la vie de certains fut loin d'être un long fleuve tranquille. C'est avec une douce précision et grande délicatesse, que l'auteur visite ainsi le passé de tous les passagers réunis ensemble par un facétieux et fatal destin. Ce livre est aussi le résultat d'une longue enquête fouillée sur les circonstances de la catastrophe (qui laissera malgré tout encore une grande part d'ombre).
Grande émotion à la lecture de certains parcours de vie, vibrant au soleil des sentiments, notamment cette Jenny Brandière, française de Cuba, qui revient en France en juin 1949 au chevet de sa fille gravement accidentée. Son mari malade à la Havane précipite le retour de la mère et de sa fille qui embarquent sur le Constellation F-BAZN le 27 octobre 1949 !
Sans oublier les cinq bergers basques partant tenter leur chance aux Etats-Unis, dans l'espoir de faire fortune. Ils ont de 19 à 25 ans, parmi eux une femme : Thérèse Etchepare, 20 ans. Eux aussi s'envoleront sur le Constellation F-BAZN d'Air France, le 27 octobre 1949.
Et pour finir, il y a cet homme, Ernest Lowenstein, juif allemand, émigré en France à la fin des années 30, qui se maria avec une polonaise à Paris. Puis il s'engagea dans la légion étrangère en Algérie. Un enfant né, sa femme se réfugia au Maroc, il la rejoignit en 1945, avant d'immigrer aux Etats-Unis. Il divorça à Reno en septembre 1949. Pour ses affaires il partit en Europe, mais pris de remords, considérant avoir agi trop vite, il décida de s'envoler reconquérir son ex-femme par le vol Constellation F-BAZN d'Air France.
Ah j'oubliais, il y a cette 49 ème personne, une victime par ricochet, dont le désespoir abyssal éclabousse encore la mémoire de ma lecture !
Tous ces récits sont poignants et bouleversants. Comme si la mort se vengeait d'on ne sait quoi ! Créant le malheur, le néant et la consternation ! D'autant qu'Adrien Bosc met en perspective certaines coïncidences, certains hasards, qui ne sont peut-être après tout que cela. A moins qu'un diable quelconque se soit diverti à agencer ces atypiques itinéraires de vies pour les faire se télescoper en plein ciel, comme un macabre baroud d'honneur ? Cependant, devant toutes ces histoires individuelles on peut s'aventurer à parler de l'effet papillon, qui, comme un jeu de domino enchaîne des causes lointaines pour provoquer des enchaînements, des hasards qui aboutiront à la constitution hétéroclite des passagers du vol Constellation F-BAZN d'Air France.
Devant cette vaste cohorte de morts (toute sauf anonyme maintenant) et la mise en abîme du texte d'Adrien Bosc, le lecteur prend conscience du côté capricieux et vacillant de l’existence sans pouvoir, en fin de compte, l'appréhender rationnellement. Et c'est peut-être mieux ainsi.
Malheureusement, une partie du livre part sur des routes qui n'ont qu'un lointain rapport avec le sujet, à l'instar de ce dernier chapitre centré sur Blaise Cendrars, où on évoque la perte de son bras, la mythologie et l'astronomie, mais qui n'apporte strictement rien au roman. Dommage !
Un premier roman plein d'émotion, plus journalistique que romanesque. Adrien Bosc, en détective, nous fait mieux saisir les sillons subtils du passé, ce voyage sans retour, cette tragédie aux innombrables ramifications. Comme une magnifique tentative de rassembler ces multiples brillants perdus au sol, pour les réunir au ciel en une étonnante et nouvelle constellation.
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