" L'arbre du pays Toraja " de Philippe Claudel 12/20
Arrivé à la mi-temps de sa vie, Philippe Claudel, cinéaste et écrivain, est un homme grandement blessé par la disparition prématurée de son meilleur ami et producteur. Il prend la plume, le temps de réfléchir, de s'interroger, de se baisser pour cueillir les fleurs du mal, les analyser, leur faire dire ce qu'elles n'avouent jamais. Comment accepter la mort de son ami ? Est-il possible de la traduire en un avenir acceptable ? D'avancer sans lui ? Dès lors le roman entre dans le domaine philosophique.
Philippe Claudel tente d'appréhender ce concept absurde et abscons qu'est la mort au sein de nos sociétés modernes, comme celles archaïques du pays Toraja d'Indonésie, où un arbre creusé sert de sépulture aux enfants décédés. L'homme referme la petite tombe par un entrelacs de branches vivantes du même arbre, et, les années passant, l'ouverture se clôt entièrement, et le petit humain finit par faire partie intégrante du végétal, telle une renaissance de l'enfant au travers de la prospérité de l'arbre. Une manière intelligente de tromper la mort, de s'en affranchir, de la métamorphoser en une autre forme de vie, au final de concevoir la vie tel un long fleuve infini, qui coule sereinement vers ailleurs, emportant toutes ces âmes vers l'océan des possibles !
Le roman est truffé de parenthèses, de méditations sur son métier de cinéaste, sur le hasard de ses rencontres, sur son engagement amoureux, le vieillissement des corps, sur la relation à l'autre, et sur la force de la littérature, celle qui guérit l'âme des tourments de la vie.
Vu le sujet on aurait pu logiquement s'attendre à un roman plombant, ouf il n'en est rien. Derrière le mur sépulcral, la vie fourmille de partout, au travers des infirmières, de son ex-femme, des acteurs qu'il fréquente, de sa voisine d'en face, etc...
Je l'ai ressenti comme un livre qui magnifie l'amitié, la vraie, la pure, celle qui enthousiasme, celle qui laisse un abîme quand elle n'est plus, fauchée par la mort, mais qui laisse un souvenir imputrescible.
Malgré tout, l'ensemble peut paraître un peu décousu, d'autant qu'il y a des trous, des ellipses, comme une succession d'images aux liens distendus, effilochés. J’aurais aimé voir un chouilla plus de matières consistantes, plus de liants, notamment quand il évoque cette civilisation indonésienne, sans approfondir l'idée, on reste inévitablement sur sa faim avec ce qui donne son titre au livre, ce fameux arbre du pays Toraja. C'est comme un repas littéraire qui débute avec une magnifique entrée, mais dont les plats suivants ne sont plus à la hauteur du premier. Philippe Claudel aime survoler, montrer mais ne pas démontrer, c'est fâcheux !
Néanmoins, ce livre a un intérêt essentiel celui de se questionner sur la mort, donc sur la vie. Même si les réponses peuvent laisser dubitatifs par leur nombrilisme et leur cliché passe-partout. Cependant, au fond, qu'est-ce-que cela signifie vraiment " Etre vivant " ? Chacun à certainement son propre avis, sa propre réponse.
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