29 oct. 2016


" Le lièvre de Vatanen "   de Arto Paasilinna  14/20

En Finlande, dans une forêt près d'Helsinki, deux amis un rien cyniques, un journaliste et un photographe reviennent de la campagne quand leur voiture heurte un lièvre sur la route. Le véhicule s'arrête dans le soleil rasant en cette fin de journée de la Saint Jean. Vatanen part à la recherche de l'animal, il le récupère et lui fabrique une attelle pour tenter de sauver une patte arrière cassée. Puis par désœuvrement, ou simplement malheureux, ne sachant plus très bien ce qu'il attend de la vie, il s'enfonce délibérément dans la forêt le lièvre sous le bras. 

De là vont naître une foultitude d'aventures plus ou moins cocasses au travers de toute la Finlande. Elles se veulent une réflexion sur nos véritables désirs profonds. Les questions se bousculent alors pour Vatanen, rejaillissant invariablement sur nous-même : Sommes-nous heureux dans la vie de tous les jours ? D'où vient notre désenchantement ? Sommes-nous condamnés à subir une vie terne et sans joie ? Notre vie est-ce nous-même qui nous nous la sommes construite indépendamment des autres ? Comment faire pour vivre en accord avec nous-même ? Avons-nous rencontré beaucoup de forces coercitives qui nous ont fait dévier de notre but initial ? Devons-nous tout balancer, le bébé avec l'eau du bain, pour partir à l'aventure là où nous porte notre aspiration naturelle ? Cela en vaut-il la peine ? Et puis qui sommes-nous vraiment ? Victimes ou coupables dans ce monde déshumanisé et mercantile ? Ou les deux à la fois ? En un mot : Sommes-nous HEUREUX ? 

Tel que je l'ai compris, ce livre ouvre énormément de questions, mais prudemment, il laisse chacun trouver ses propres réponses. 

Paradoxalement, malgré la puissance de toutes ces interrogations, il règne sur ce roman, qui est considéré comme un roman culte dans les pays nordiques, un humour sous-jacent, baroque et burlesque dû à une ivresse de liberté qui laisse ouvert tant de portes, que d'intrépides courants d'airs farfelus et espiègles s'y engouffrent sans vergogne. Et la plume d' Arto Paasilinna sait y faire dans ce domaine. 

Ecrit en 1975, ce roman avance d'étape en étape au rythme des chapitres, nous faisant parcourir une ballade à pied dans les grandes étendues finlandaises. Le lièvre sert de fil rouge, une liaison animal à toutes les péripéties bucoliques que va traverser Vatanen ; cet homme qui se sent perdu au sens figuré, et qui petit à petit va réorganiser sa vie autour d'autres priorités. Dans cette recherche du sens de la vie, Vatanen va braver un gigantesque feu de forêt, va coucher à côté d'une personne décédée (sans le savoir), va sauver une vache d'une mort certaine, va être confronté à l'appétit vorace d'un corbeau, puis au voisinage inquiétant d'un ours, etc... On le voit, Arto Paasilinna ne manque pas d'imagination et de fantaisie tragi-comique pour nous surprendre et nous interroger. Il met le doigt sur l'absurdité de rechercher le bonheur au travers d'une société vorace et outrancière de consommation en nous poussant en dehors des sentiers battus vers les plaisirs simples de Dame nature. D'ailleurs l'écriture aussi ne fait pas d'arabesques érudites et intempestives, elle s'exprime pleinement dans une simplicité bienfaitrice, le fond et la forme se rejoignent pour nous offrir  une bouffée d'air salvatrice dans cette ode à la nature.

Cependant, passer l'originalité du propos et le risible de certains chapitres, il se passe réellement peu de chose, le propos initial est vite éculé. Peut-être manque-t-il un fond de consistance, une trame plus approfondie, plus copieuse. Malgré tout il reste cet art de savoir prendre son temps, il reste un questionnement opportun de nos propres vies, il reste que l'on ne pourra plus voir un lièvre sans penser au personnage de Vatanen, il reste un grand souffle d'air frais aux odeurs de pinède, il reste l'idée que l'on peut toujours dire non au système, que rien n'est forcément définitif, bref il reste l'espoir peut-être futile qu'il peut exister des lendemains moins routiniers, certes plus aléatoires, mais avec des joies plus pures.



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