4 nov. 2016


" Le bonheur national brut "   de François Roux  19/20


Mai 1981. Dans les Côtes d’Armor vivent quatre amis, ils ont tous 17 ans et s'apprêtent à passer leur bac. Ils sont tous issus de milieux différents. D'abord il y a Paul Savidan, le narrateur, grand fan de Barbara, il n'a qu'un seul but dans la vie : devenir acteur, au grand dam de son père qui veut absolument lui faire poursuivre des études de médecine afin de prendre son cabinet de gynécologue, sans oublier son orientation sexuelle qui n'est pas là pour simplifier les choses. Le deuxième, Rodolphe Lescuyer, l'ambition chevillée au corps de se lancer dans la politique, fait déjà partie de fédération locale des Jeunes Socialistes. Le troisième, Tanguy Caron, résolument de droite, se voit comme futur cadre dans une grande entreprise. Le dernier de la bande, Benoît Messager, a raté son bac mais ne s'en fait pas pour autant, c'est un marginal une sorte de rebelle, il pense trouver le bonheur ailleurs, notamment dans l’art photographique.  

Avec la fin des années lycée, leurs parcours se dispersent : Paul monte à Paris, Tanguy et Rodolphe étudient à Rennes, Benoît reste au pays. Puis le temps passe, le quatuor évolue, et les espoirs et les espérances de bonheur du début ne sont pas toujours au rendez-vous. Paul se cherche toujours, d'autant que sa carrière sur les planches tarde à démarrer. Rodolphe devra faire des compromis pour avancer politiquement. Tanguy vendra son âme au diable, pour se maintenir dans les hautes sphères de l'entreprise. Et Benoît, sur une rencontre due au hasard deviendra un photographe reconnu et renommé. Tous s'épuisent à tenter d'exister dans un monde partial où rien n'est donné. Les idéaux de leur enfance sont loin. Chacun aura ses propres désillusions, le monde est ainsi fait.

François Roux vient d'écrire un roman magnifique de part en part. Sa maîtrise de l'écriture et de son sens narratif impressionne fortement, et cela sur plus de 750 pages ! Dans les longs romans, il y a souvent des passages où l'on s'ennuie fortement, où l'on aurait aimé de la concision, souhaité un élagage qui redynamise l'ensemble. Ici non, malgré sa longueur il n'y a rien de trop, au contraire, on en redemande encore. Son talent magnifie les morceaux de bravoure, les dialogues, les scènes de confrontation, de crise existentielle. D'autant qu'il narre la petite et la grande histoire pour notre plus grand bonheur de lecture. Ah si tous les livres avaient cette force intrinsèque, cette aisance de narration, cette lecture de nos vies, cette description de nos complexités !

Les parcours amoureux de chacun sont épatants de pertinence et de réalisme. François Roux n'élude aucun doute, aucune souffrance. Il s'intéresse à nos motivations profondes, nos révolutions personnelles, celles qui font mal aux autres mais que l'on ne peut pas nier, celles qui nous poussent en avant, mais qui auront besoin d’accommodements plus ou moins vertueux. 

A la fois roman d'apprentissage et chronique d'une génération, ce roman d'une virtuosité folle nous fait revivre les trois dernières décennies, rétablissant le climat social et politique d'une époque charnière, au travers de la vie de quatre jeunes hommes, pleins d'illusions, comme nous l'étions nous-même !

Une vraie réussite, à lire absolument. D'ailleurs, fait rare, je n'ai pas la moindre critique à formuler, c'est un signe !

François Roux, un écrivain à suivre les yeux fermés !



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