D'un côté, Georges, un militant dans l'âme, toujours près à en découdre avec les fascistes de tout acabit. De l'autre, Samuel, un grec d'origine juive émigré en France, suite à la dictature des colonels. Mais Samuel souffre d'une grave maladie. Il obtient de Georges une promesse, pourtant difficilement tenable, celle de monter la pièce Antigone d'Anouilh avec une troupe d'acteurs de confessions multiples. La seule et unique représentation doit avoir lieu à Beyrouth le 1er Octobre 1982, soit en plein coeur de la guerre civile qui déchire la ville. Belle et pauvre Beyrouth : écartelée entre cinq factions issues des composantes politiques, religieuses ou ethniques de la société libanaise. Ce sont justement des hommes et femmes issus de cette ville en ruines qui seront choisi pour interpréter l'oeuvre d'Anouilh. Comédiens improbables, écartant un temps leur haine réciproque pour apporter de l'humain dans l'inhumain. Un faisceau de lumière dans les ténèbres.
Bouleversant et magistral sont les deux premiers mots qui me viennent une fois la dernière page lue. Comment rester indifférent à cette violence aveugle et absurde entre palestiniens, druzes, maronites, chiites et juifs ? Le symbole est beau : voler deux heures à la guerre pour rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour en ruine et jardin délabré. Une trêve poétique, une parenthèse de paix pour faire fi des différences de chacun et les faire communier, deux heures de temps, dans une autre dimension grâce à la puissance de l'Art.
Sorg Chalandon nous donne un exemple de plus de cette haine inlassablement inhalée par l'intermédiaire des religions. Tant de morts inadmissibles au nom d'un Dieu hypothétique qui gonfle d'irresponsabilité tout croyant, se voyant ainsi légitimé dans son combat contre toute autre croyance. Force est de reconnaître que l’obscurantisme à une telle puissance de nuisance, qu'elle nous ferait presque croire à l'existence du Diable !
Chacun des protagonistes est confronté à des forces noires qui les dépassent, même Georges, malgré sa montagne de bonne volonté, y cédera. La violence est-elle inéluctablement un maelstrom qui un jour ou l'autre nous happera tous ? L'Art a-t-il une chance pour pouvoir sauver le monde ? Se battre pour la paix a-t-il un sens ? Telles sont les questions abordées avec humilité dans cette tragédie sans nom.
Avec une grande maîtrise Sorg Chalandon tire des parallèles entre la jeune fille de Georges, Louise, élevée bien au calme dans un pays en paix, et les enfants de Beyrouth, fatalement meurtris, et soumis à la folie d'hommes croyants. L'auteur, par la simple chute d'une boule de glace dans le parc Monceau, exprime la relativité de toutes choses selon la position géographique de l'observateur. Ne devrait-on pas mesurer chaque chose de la vie à l'aune des pires exactions commises en ce vaste monde ? Autre écho allant dans le même sens : les réflexions des acteurs multiconfessionnels, qui, en raison de leur origine et de leur histoire personnelle, ont, de la pièce Antigone, des visions totalement divergentes. Comme si, suivant la confession religieuse d'où on observe un travail artistique, son interprétation sera fatalement distincte, et presque inaudible depuis les visions d'une autre croyance. Expliquant ainsi bien des choses, et ridiculisant tant de positions ignorantissimes.
La plume vivante de Sorg Chalandon imprime au récit une force supplémentaire. Elle intensifie les émotions, au point de parfois souffrir à sa lecture tant l'amour, l'amitié et la haine suintent de ces mots. Rarement un auteur aura autant mis en relation la force de son histoire avec celle de ses écrits.
Tout du long, le roman est bercé par le Pie Jesu du requiem de Duruflé, une oeuvre qui augmente s'il en était besoin, la dimension affective de l'ensemble.
Pour conclure, une oeuvre remarquable et tragique, impossible à oublier, telle une ode criant la vie face à tout obscurantisme primaire.
Bouleversant et magistral sont les deux premiers mots qui me viennent une fois la dernière page lue. Comment rester indifférent à cette violence aveugle et absurde entre palestiniens, druzes, maronites, chiites et juifs ? Le symbole est beau : voler deux heures à la guerre pour rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour en ruine et jardin délabré. Une trêve poétique, une parenthèse de paix pour faire fi des différences de chacun et les faire communier, deux heures de temps, dans une autre dimension grâce à la puissance de l'Art.
Sorg Chalandon nous donne un exemple de plus de cette haine inlassablement inhalée par l'intermédiaire des religions. Tant de morts inadmissibles au nom d'un Dieu hypothétique qui gonfle d'irresponsabilité tout croyant, se voyant ainsi légitimé dans son combat contre toute autre croyance. Force est de reconnaître que l’obscurantisme à une telle puissance de nuisance, qu'elle nous ferait presque croire à l'existence du Diable !
Chacun des protagonistes est confronté à des forces noires qui les dépassent, même Georges, malgré sa montagne de bonne volonté, y cédera. La violence est-elle inéluctablement un maelstrom qui un jour ou l'autre nous happera tous ? L'Art a-t-il une chance pour pouvoir sauver le monde ? Se battre pour la paix a-t-il un sens ? Telles sont les questions abordées avec humilité dans cette tragédie sans nom.
Avec une grande maîtrise Sorg Chalandon tire des parallèles entre la jeune fille de Georges, Louise, élevée bien au calme dans un pays en paix, et les enfants de Beyrouth, fatalement meurtris, et soumis à la folie d'hommes croyants. L'auteur, par la simple chute d'une boule de glace dans le parc Monceau, exprime la relativité de toutes choses selon la position géographique de l'observateur. Ne devrait-on pas mesurer chaque chose de la vie à l'aune des pires exactions commises en ce vaste monde ? Autre écho allant dans le même sens : les réflexions des acteurs multiconfessionnels, qui, en raison de leur origine et de leur histoire personnelle, ont, de la pièce Antigone, des visions totalement divergentes. Comme si, suivant la confession religieuse d'où on observe un travail artistique, son interprétation sera fatalement distincte, et presque inaudible depuis les visions d'une autre croyance. Expliquant ainsi bien des choses, et ridiculisant tant de positions ignorantissimes.
La plume vivante de Sorg Chalandon imprime au récit une force supplémentaire. Elle intensifie les émotions, au point de parfois souffrir à sa lecture tant l'amour, l'amitié et la haine suintent de ces mots. Rarement un auteur aura autant mis en relation la force de son histoire avec celle de ses écrits.
Tout du long, le roman est bercé par le Pie Jesu du requiem de Duruflé, une oeuvre qui augmente s'il en était besoin, la dimension affective de l'ensemble.
Pour conclure, une oeuvre remarquable et tragique, impossible à oublier, telle une ode criant la vie face à tout obscurantisme primaire.
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