Fait d'armes peu connu de nos jours, mais partie intégrante de la mémoire collective des irlandais, Insurrection relate le soulèvement qui eut lieu le lundi de Pâques du 24 avril 1916 à Dublin. Baptisé aussi " Pâques sanglantes ", cet événement dramatique résulte de l’excès de misère et de servitudes dont les irlandais sont victimes depuis si longtemps. Vivant sous l'occupation et le joug de l'autorité anglaise, ces privations font naître de grands sentiments nationalistes bien légitimes. Tout au long de l'histoire de cette colonisation des révoltes eurent lieu, toujours matées dans le sang, mais ce jour là, après s'être emparé de la poste de Dublin, un certain Patrick Pearse proclama la république irlandaise devant une foule médusée. Dès lors, rien ne sera plus comme avant, même si le coup de main fut écrasé, le ver irlandais fut désormais bien niché dans le fruit colonial anglais, l'indépendance ne sera plus qu'une question de temps.
Insurrection raconte ce fait d'arme de cinq jours, tel que l'a vécu de son début jusqu'à son échec Bartly Madden, un jeune irlandais cherchant à rentrer dans son Connemara natal pour se marier et s'installer comme fermier, malheureusement, impliqué malgré lui dans l'attaque de la grand poste, il adhérera au mouvement contestataire jusqu'à son épilogue.
La magie du roman de Liam O'Flaherty est d'être au centre de l'action humaine, de partager avec chaque mutin les raisons de sa présence : parfois gorgées de motivations plus ou moins utopiques, ou tout simplement par pur désœuvrement, avec pour certains, une volonté d'en découdre chevillée au corps, et pour d'autres, une poésie dans l'acte qu'ils réalisent, comme la recherche d'une inaccessible étoile, un aboutissement, loin de leur vie décousue d'opprimé et de colonisé.
Devant l'acte de rébellion de ces quelques centaines d'irlandais, les réactions sont multiples, certains approuvent la cause qu'ils défendent, d'autres plus nombreux, leur jettent des flots d'invectives à la tête : Chiens de rebelles, on devrait les fusiller... alors que des irlandais, des patriotes, se font tuer au front. Ils sont payer par les allemands. N'oublions pas que nous sommes en 1916, et qu'en France la guerre fait rage depuis deux ans. Inhérent à cela, et devant la fervente critique de la population, les insurgés, meurtris des combats et des bombardements, souffrirent profondément de la solitude des incompris.
Le peuple irlandais a beau être composé dans l'essentiel de catholiques pratiquants, les dénonciations vont bon train. C'est difficile à croire que de bons chrétiens irlandais puissent faire de choses pareilles, déclare Mrs Colgan, dont le fils fait partie des insurgés. Ou, devant une colonne de vieux soldats irlandais, réarmée par les anglais pour combattre les révoltés, un chef des insoumis déplore : C'est bien triste... de voir des combattants de notre race partir se battre contre ceux qui tentent de leur offrir la dignité de la liberté. Une autre personne déplore : Riches ou pauvres, ils sont tous pareils, ils lèchent les bottes de leurs ennemis qui les méprisent pour leur lâcheté. Quelle sorte de race sommes-nous ? Sans vouloir juger, Liam O'Flaherty nous questionne sur ce que serait notre comportement face à l'oppression. Peu importe toutes les affirmations antérieures, seule la confrontation directe révèle les caractères. Sous des forces coercitives, certains se métamorphosent en résistants, d'autres que l'on croyait braves muent en lâches. On ne sait sur soi-même que ce que l'on a affronté.
Parenthèse pour souligner l'utilisation fréquente du mot "race" qui dénote l'ancienneté de sa rédaction : 1950, puisque, faut-il le rappeler ? il n'existe qu'une seule race au monde.
Mine de rien, Liam O'Flaherty précise l'incompréhensible position de l'église, dont le pouvoir était considérable à l'époque, son avis faisait loi, son autorité était notoire. Cette église donc avait appris aux irlandais à se prosterner face à l'ordre impérial et à fuir toute doctrine ou association prêchant la révolte contre l'oppresseur anglais. Bonjour l'indépendance religieuse ! Cette église n'est finalement bonne qu'à endoctriner le peuple pour faire mousser ses intérêts propres, comme d'habitude ! Ses représentants ne sont bien souvent que des prédicateurs habités par la haine. Moi qui lis pléthore de romans historiques, je me dois de constater une évidence : quasi tous sont traversés péjorativement par une religion ou une autre, et qu'à chaque fois, elles sont synonymes d'obscurantisme. L'humanité comprendra-t-elle un jour que toutes ces histoires pieuses ne sont que des hypothèses, des légendes, rien de moins, mais rien de plus. La foi est une question individuelle et privée, et doit le rester.
A la fois récit historique et poignant, raconté avec une verve sans faiblesse, Insurrection se veut un hommage à tous ces hommes se battant avec dignité pour recouvrer la liberté au travers de la souveraineté de leur pays, cette belle et sauvage Irlande, éternellement verte et pluvieuse.
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