Lili est une femme de 33 ans, avec détermination, un beau jour, elle décide de quitter ses amis, son pays, pour changer radicalement de vie ou tout simplement pour se sentir vivante ! Elle choisie alors de partir pour l'île de Kodiak, en Alaska, et de se faire embaucher à bord d'un de ces bateaux qui pêchent la morue noire, le crabe et le flétan. Pourtant d'une frêle constitution, mais gonflée d'une rage folle de reconnaissance aux yeux de ses collègues hommes, dont elle partage la vie en mer ainsi qu'à terre, elle supporte allègrement l'humidité constante, une grande fatigue inévitable, une peur incontournable et des blessures multiples.
Plus tard, son but ultime sera de rejoindre la pointe Barrow (le point le plus septentrional de l'Alaska et des Etats-Unis, pour s'y asseoir paisiblement, les jambes dans le vide, et d'y admirer l'océan glacial arctique, avant de délibérément, tel un but ultime : se jeter dans le vide...
A vrai dire, Lili tient de la bête enragée. Elle affronte tout avec une force incroyable, avec la volonté chevillée au corps d'assouvir son idéal : vivre en toute liberté face aux forces de la nature, dans un univers extrême pour jouir au maximum du vrai sens de la vie.
Il faut la voir se battre, sur un bateau ballotté des humeurs de la mer, tout en éviscérant pendant des heures des centaines de morues, leur découpant la tête, leur arrachant les tripes, la laitance ou l'appareil génital ! Cette femme, recouverte des pieds à la tête de tous ces abats sanglants, manipule avec une grande dextérité le couteau telle une vraie sauvage, d'ailleurs parfois, comme possédée par le démon de l'extermination massive, elle gobe le coeur encore chaud et toujours battant de ses innocentes victimes, telle un succube, un bourreau venu des enfers pour faire expier on ne sait quel crime au peuple des océans ! Au point de voir son attitude excessive finir par faire peur aux autres pêcheurs, perplexes devant son comportement.
Une réflexion judicieuse balafre nos certitudes, en effet, dans le confort de nos quotidiens qui finit par nous anesthésier, nous aliéner quelque peu, comment faut-il s'y prendre pour avoir encore la sensation d'être vraiment libre et sans la moindre barrière virtuelle, afin d'être réellement maître de son existence ?
Depuis sa parution, ce roman bénéficie d'un emballement médiatique fou, d'un encensement hystérique, d'ailleurs les nombreux prix qu'il a reçu prouve l'adoration qu'il suscite auprès d'un large public. Cette dithyrambe m'a naturellement émoustillé les neurones... pourtant, sa lecture achevée, j'ai bien du mal à faire partie de la ferveur générale. Mais pourquoi suis-je donc à contre-courant de cet engouement ?
Je ne peux dénier à ce roman, fortement autobiographique, de bons moments de littératures, notamment quand elle raconte la première sortie en mer de Lili, ou qu'elle décrit son amour de la liberté, idem pour la bataille livrée par Lili afin de venir à bout d'un flétan, grand poisson plat qui combat de toute sa puissance pour rester en vie, sans oublier le récit de son abnégation pour s'immiscer dans le monde impitoyable et misogyne des pêcheurs, mais cela fait peu pour justifier tant de gloire.
Cependant, au fil des chapitres, j'ai eu comme l'impression d'une répétition, d'un bégaiement tant la narration de chaque sortie en mer prenait le même schéma : bosser avec peu de repos, seul diffère : le poisson pêché (morue noire, flétan...) De même à chaque retour de pêche, on décharge le poisson, on répare les palangres, puis, comme une réflexe pavlovien, on se précipite dans les bars, pour n'en ressortir qu'ivre dans le meilleur des cas, ivre mort dans le pire ! Rien de nouveau sous le soleil. Et ce refrain se répète indéfiniment, certes avec quelques variantes, mais à la marge.
Personnellement, j'aurais aimé avoir des informations sur la vie de Lili avant son départ. Tel que cela est écrit par Catherine Poulain, ses motivations paraissent effroyablement puissantes et définitives. Alors j'ai supputé des raisons terribles à sa fuite, le spectre des possibilités est extrêmement large, allant d'un sordide inceste sordide jusqu'au crime de sang, ou pire encore !
Et puis, en cours de lecture, instinctivement j'ai tiré un parallèle avec Jack London, c'était inévitable, lui aussi a écrit sur ce grand Nord, lui aussi s'est confronté à la mer, à la nature dans ce qu'elle a de plus brut, de plus pure, lui aussi a relaté l'ensemble de ses péripétie dans une oeuvre qui ne cesse de m'enthousiasmer. La comparaison est à mes yeux d'une logique implacable, malgré quelques fulgurance qui dénote de vrais talents d'écriture, l'ensemble pêche par des longueurs pénalisantes et rédhibitoires.
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