22 mai 2018

" Les frères Holt "   de Marcia Davenport   16/20



      A New-York, dans les années 50, deux cadavres en état de décomposition avancée sont retrouvés dans les ruines de ce qui fut une belle maison bourgeoise. Les corps sont ceux des frères Holt, Seymour et Randall, les propriétaires de la demeure. Issus de la bourgeoisie new-yorkaise, éduqués, cultivés et distingués, ils ne pouvaient que réussir dans la vie. Que leur est-il arrivé ? Et pourquoi l'intérieur de la maison ressemble à un vrai capharnaüm ! Le mystère est total !

      S’inspirant d'un fait divers terrible, Marcia Davenport en fait une oeuvre inouïe et cauchemardesque. Elle remonte à l'enfance des deux frères pour élaborer une emprise psychologique due à leur grand-mère tyrannique. Marqués à vie, ces deux charmants bambins aux caractères pourtant bien opposés - l'un étant aussi extraverti et colérique que l'autre est timide et tendre - ne parviendront jamais à faire leur propre vie. De manière inexpugnable, des fils invisibles les lient à cette machiavélique maison familiale, jamais ce cordon ombilical ne pourra être coupé, telle une malédiction glissant de génération en génération. Dès lors, chamboulant l'ordre d'un roman classique, cette bâtisse à étages devient le véritable protagoniste de l'oeuvre. Il y a comme un relent hitchcockien derrière cette diabolique histoire.

      Ce qui est remarquable, c'est cette savante construction du livre, qui, peu à peu, fait subir à son lecteur une oppression allant toujours croissante, à l'instar de celle des deux frères. La fin tombe comme une libération. Heureusement, quelques échappées salvatrices - notamment aux couleurs du lac de Côme et de son charmant village de Bellagio - ouvrent une fenêtre sur un grand bol d'air pur, permettant de clore la lecture en apnée. 

      Le point fort du roman est l'étude psychologique très approfondie des deux frères. Tel un jeu de construction, Marcia Davenport édifie patiemment, étape par étape, leur progression psychique, grossissant d'agoraphobie jusqu'au point de non retour.

      Ce récit nous donne un excellent exemple de cette manie appelée "syllobomanie", consistant à une accumulation excessive d'objets indépendamment de leur utilité et de leur valeur. Cet entassement démesuré peut aller, en cas extrême, jusqu'à empêcher toute circulation dans les pièces d'une maison.

      Un roman où la puissance néfaste du passé empêche l'homme de s'accomplir, un roman où la dignité morale brise des destins, enfin un roman où il faut savoir donner ou jeter, sous peine de se voir réduit à l'impossibilité de vivre, tout simplement.


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