Ce roman, en grande partie autobiographique, relate 20 ans d'improbables relations entre l'écrivaine hongroise Magda Szabo et sa femme de ménage et concierge Emerence Szeredas. Pourtant, beaucoup de choses les opposent ; l'une est plutôt jeune, l'autre nettement plus âgée ; l'une a fait des mots son métier, l'autre abhorre tout ce qui touche aux livres ; l'une n'est strictement qu'une intellectuelle, l'autre est une stakhanoviste du travail manuel. Difficile de faire plus antinomique... néanmoins une amitié pour le moins singulière va se nouer entre ces deux femmes. Amitié qui oscille constamment entre attraction et répulsion.
Le point le plus mystérieux dans l’attitude d'Emerence se noue autour de la porte de son domicile qu'elle laisse volontairement close à tous sans exception. Comme si toute intrusion de la part d'autrui risquait de rendre impur le "temple sacré" de la concierge. Cacherait-elle un secret inavouable ?
L'essentiel de ce roman repose exclusivement sur l'impétueuse personnalité d'Emerence. Une femme au passé hors norme qu'elle ne livre qu'avec parcimonie à ceux qui ont la chance de faire partie de ses confidentes, de plus, chacune d'elles reçoit un fragment systématiquement différent. Reste au lecteur à recomposer le puzzle pour appréhender la vie d'Emerence dans son ensemble, ce qui peut vite devenir fastidieux !
Ecrit avec une plume élégante et stylée, ce récit se veut profondément intimiste et viscéralement psychologique, sans oublier un soupçon non négligeable de spiritualité, tout ceci, naturellement, assujetti à la vision décalée, mais non percluse de bon-sens, d'Emerence.
La porte est une ode à la liberté, aux silences et à la solitude, doublée d'une allégorie sur le Temps, ce que nous en faisons, son importance à certains moments, puis son insignifiance à d'autres, notamment la mort. Cette mort, telle la dernière porte, celle qui ouvre sur l'inconnu et qui se referme sur une vie devenue souvenirs lointains, puis inéluctablement, tas de poussière.
La porte se veut aussi une réflexion sur nos propres ambiguïtés, celles qui font que nous avançons avec d'altruistes pensées et de nobles intentions, mais de là à mettre ces belles paroles en application, la marge est colossale.
La porte est enfin et surtout un roman d'amour entre deux femmes aux attentes différentes, entre deux mondes au passé si éloigné. Magda Szabo signa là un hymne à la magnificence des relations humaines, un bel hymne à l'altérité.
Outre quelques petites longueurs facilement appréhendables, mon seul bémol relève de l'agencement de l'ensemble, tout est raconté par brides, plus ou moins éparses, tel un foutu kaléidoscope. Si on aime se perdre dans les méandres d'une narration ductile au parfum évanescent, le plaisir sera là. Par contre, si on verse plus vers une architecture traditionnelle et carrée, on risque de perdre pied de temps en temps. Puis... irais-je jusqu'à dire qu'un effet de manche des plus douteux vient nuire à la crédibilité de l'histoire... trop tard c'est dit !
Intéressant récit autobiographique, je veux bien, mais abusivement romancé pour accentuer le machiavélisme de certaines situations qui n'en avaient nullement besoin. Maintenant, à vous de vous faire votre avis... et de me le transmettre !
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