27 avr. 2019





HAÏKU   Partie CXXIII

°°°°°°°°°

journée de vent fort
devant les bourrasques
je retiens mon souffle


avec ce vent d'avril
dehors tout oscille
sauf le ciel bleu


sous les hurlements du vent
tout le monde se tait
même les loups


 au jardin venté
la neige d'avril
des fleurs du poirier


toute la vie
dans le souffle
de la nature



" Les corrections "   de Jonathan Franzen   11/20

      Apparemment, la famille Lambert ne diffère pas des autres. Néanmoins, derrière cette affabilité de surface se nichent des attirances, des exigences et des revendications relativement inavouables. De blessures en réconciliations, Alfred et Enid et leurs trois enfants, Gary, Denise et Chip, essayent de justifier leurs divergences, comme une plaidoirie à leurs contradictions.

      A la fin de cette lecture interminable, plus de 700 pages d'un texte genre forêt vierge, je suis très partagé. Je dois faire partie, à la lecture de certaines critiques, des esprits chagrins, de ceux qui trouvent toujours à redire. Mes critiques précédentes prouveront le contraire, quand j'aime, j'aime, mais là, devant ce déferlement de tout, il y a surdosage et overdose.

      Jonathan Franzen plonge à nouveau dans son sujet préféré : la famille, pour la froisser, l'écorcher, la déchirer, afin de la mettre devant ses propres contradictions. Chez les Lambert, il y a d'abord le père, Alfred, un ingénieur taiseux, à la retraite des chemins de fer, un conservateur d'une probité exemplaire qui lui sera souvent reprochée. Puis sa femme Enid, une mère au foyer, très croyante, toujours obnubilée par les valeurs caduques d'un autre temps. Son obsession : réunir toute la famille pour les fêtes de Noël. 
      Côté enfants, Gary est le fils aîné, il bosse dans le domaine très rémunérateur de la finance. Marié à Caroline et père de trois enfants, il se croit supérieur par sa réussite sociale et souhaite régenter son entourage, cependant, il n'assujettit personne, et surtout pas Caroline, qui fait de son mari ce qu'elle veut.
      Chip, son frère, est un intellectuel sans aucune assurance. Professeur d'université, il se fait virer pour faute grave, puis il s'embringue dans une aventure aléatoire et lucrative en Lituanie.
      Denise, la petite dernière, est cheffe cuisinière dans un restaurant coté de Philadelphie. Puis, comme son frère, elle est licenciée pour faute grave.

      Avec cette distribution resserrée, Jonathan Franzen sème des grains de sable par poignées pour gripper le doux ronron du moteur familial. Ainsi, les reproches longtemps tus et les disputes inévitables se succèdent dans une farandole endiablée. Malgré cette discorde apparente, nouée de critiques acerbes, un lien est là, ce lien de fratrie, qui, sans le dire, fait naître une certaine entraide, plus ou moins pérenne, plus ou moins assumée, mais ce lien existe, peut-être même à leur insu.

      Cette dissection familiale est universelle : chacun de nous s'y retrouve à un moment ou un autre, tout est réaliste. Qui n'a jamais voulu apporter de corrections à l'éducation reçue de ses parents ? Qui n'a jamais voulu s'éloigner d'un cadre familial oppressant ? Et au final, pour quels résultats ? D'autres erreurs ne se sont-elles pas glissées dans l'épaisseur du nouveau trait à peine esquissé ? Nos certitudes de trentenaires sont-elles les mêmes vingt ans après ? Rien n'est simple dans le magma de la vie, cette vie quotidienne qui n'est autre qu'une discipline de haut niveau.

      Avec ce roman à la fois tendre et émouvant, ironique et cynique, libérateur et universel, Jonathan Franzen brasse, outre le thème familial, celui des convenances sociales, du capitalisme avec ses débordements (pléonasme ?), de l'homosexualité non dite, de la vieillesse et de la maladie grave. A partir d'une situation de départ relativement banale, l'auteur, grâce à une plume agile et diserte, déploie un éventail de circonstances où le ressentiment à un goût de fiel amer. La critique est impitoyable, l'auteur décrypte remarquablement bien les chaos de la société américaine.

      Avec tout cet avant-propos plutôt alléchant, où peuvent bien se nicher mes grosses réticences ? C'est simple, dans la profusion infini de tout. D'abord la longueur du texte, certes, il faut prendre le temps de poser des situations, mais là, nous sommes dans un épanchement pathologique. Combien de fois me suis-je dis que ce passage là n'apportait rien, alourdissait l'ensemble, le plombait inutilement ?
      Puis, avec ce style ampoulé où toute fluidité est bannie, avec un vocabulaire forcené aux allures d'érudit, en somme, avec l'énergie furibonde de celui qui veut éblouir son lectorat, le plaisir de lecture est globalement gâché. D'ailleurs, devant le côté tarabiscoté et abscons de certaines phrases, une relecture me fut nécessaire, mais malgré cela, l'obscurité de la prose et de la syntaxe me restaient encore en travers... des yeux !  Et puis, ces mots : Pétaouchnok ou haïku et tant d'autres, dont je connais le sens et qui sont employés en dépit du bon sens, justement. A moins que tout ceci ne soit dû à la traduction ? Une possibilité que je ne rejette pas.
      Enfin, il y a ces considérations adventices interminables sur le domaine financier et ses résurgences qui m'ont perdu un nombre incalculables de fois. On n'est pas dans un essai sur la finance et l'économie !

      Tant de détails superflus, inintéressants et démesurés font naître un ennui incommensurable. Je ne peux m'empêcher de songer à ce qu’aurait pu être ce livre avec une édulcoration judicieuse. Seulement voilà, dans un excès de narcissisme fou, Jonathan Franzen met sur papier tout un savoir mégalomane. A moins qu'il ne soit payer au mot écrit, dans ce cas, il doit être millionnaire !!!




25 avr. 2019



HAÏKU Partie CXXII

°°°°°°°°°

Notre-Dame de Paris -
miracle de séduction
entre le profane et le sacré


ses pierres racontent
les strates de l'histoire
tel un livre ouvert


les deux tours de Notre-Dame
enlacées avec tendresse
par les bras de la Seine


comme Quasimodo
la cathédrale de Paris
aujourd'hui... bancale


images de l'incendie
outre la tragédie
d'une effroyable beauté


de pierres et de bois
celle que l'on croyait éternelle
est comme nous... mortelle


Une piscine qui se mange !















Une reine des neiges tout en chocolat !






A très vite !

22 avr. 2019



HAÏKU Partie CXXI

°°°°°°°°°

Notre-Dame de Paris
dessinée depuis des siècles
par l'art et la foi


bâtie de la main de l'homme
pour unique dessein
atteindre le ciel


siècle après siècle
Notre-Dame est le chef-d'oeuvre
des compagnons du devoir


sur l’île de la cité
tout en harmonie
une symphonie de pierres


quand les forces de l'esprit
sont aux services de l'art
Notre-dame de Paris naît



16 avr. 2019




HAÏKU   Partie CXX

°°°°°°°°°

15 avril 2019
aux travers des siècles
les larmes d'Hugo


Notre-Dame de Paris
toute habillée de rouge
pour une diabolique soirée


cathédrale en feu
même pour une telle Dame
Dieu est impuissant


dans le ciel bleu
le rouge du destin
tout est éphémère


spectacle de désolation
j'entends les cris
des vieilles pierres


splendeur architecturale
de presque mille ans
rien n'est immortel


12 avr. 2019




HAÏKU   Partie CXIX

°°°°°°°°°

autour de Tokyo
mille cerisiers en fleurs
prélude aux beaux jours


sous les fleurs de cerisiers
l'humanité se déchire
aveugle à la beauté


le chêne centenaire
trop trop jaloux
des cerisiers en fleurs


en ce monde si abîmé
un dernier espoir
les cerisiers en fleurs


la fierté du Japon -
les fleurs de cerisiers
et Ghosn en prison


 Un dimanche de wedding cake :





















A très vite...

5 avr. 2019




HAÏKU   Partie CXVIII

°°°°°°°°°

matinée de brume -
jusqu'au soir
rêver les yeux ouverts


demi-jour
demi-nuit
équinoxe de nos vies


les yeux clos
pour mieux voir
nos faces cachées


quand la mer et l'horizon
se confondent
gommer nos différences


oublier les brumes de demain
pour mieux vivre
la lumière d'aujourd'hui



1 avr. 2019


" L'art de perdre "   de Alice Zeniter   18/20


      Quand la société française débat sur la délicate question de l'identité, Naïma, petite fille de harki vivant à Paris, se questionne une fois de plus sur le pays d'Ali son grand-père, un montagnard kabyle né en Algérie. Jusqu'alors ce passé n'avait été pour Naïma qu'une toile de fond sans trop d'intérêt, même si, stigmatisée par sa peau brune, elle supporte régulièrement des commentaires discriminatoires. Aujourd'hui, dans une France qui endure une vague d'attentats islamistes, elle souhaite s'imprégner de ses origines, boire à la source de ses racines familiales dont personne n'a jugé bon de l'entretenir, même son père, arrivé en France en 1962, refuse, dans un mutisme indéverrouillable, de raconter son Algérie. Sa grand-mère Yema pourrait peut-être répondre, mais la barrière de la langue s'y oppose, en effet, elle ne parle que le berbère, langue incompréhensible pour Naïma. Son grand-père étant décédé depuis longtemps, Naïma se retrouve seule avec ce questionnement légitime : Pourquoi l'Histoire a fait de son grand-père un harki ? Pourquoi ce silence assourdissant sur la vie d'avant ? Comment transformer cette négation du passé en affirmation du présent ? A l'occasion de l'organisation d'une expo sur l'oeuvre d'un artiste algérien, son patron lui demande de partir sur place à Alger. Même si réticences existent, comme un malaise non définissable, l'aubaine est trop belle de rassembler les chaînons manquants de son histoire familiale et de mettre enfin des images sur un pays qu'elle ne connaît pas et où son père est né.

      Ceci n'est que le prologue, l'histoire de Naïma débutant bien avant Naïma, il faut revenir en arrière, au temps de son grand-père Ali, fermier kabyle, mais également tirailleur algérien pendant la seconde guerre mondiale. Pour son fait d'arme à Monte Cassino, il fut d'ailleurs décoré par la France. Quand la guerre d'Algérie éclate, sa conscience est tiraillée entre les deux camps : La France ou le FLN. Pour protéger sa famille quel est le bon choix ? Il choisira sans véritablement choisir, les faits et les exactions choisiront pour lui. Suite aux accords d'Evian, en 1962, fuyant les règlements de compte, il s'embarque pour la France avec sa famille laissant tout derrière eux...

      Abondamment documenté et entretenu par un grand souffle narratif, L'art de perdre est un roman qui va bien au-delà d'une simple épopée, il interroge tout lecteur sur ses origines : appartient-on à un pays parce ses aïeux y ont vécu ? parce que l'on y est né ? ou parce que l'on y vit ? Le souci d'appartenance est-il valable pour chaque individu ? Est-ce la forme extrémiste d'un patriotisme déguisé en nationalisme qui crée ce besoin ? L’altérité est-elle une richesse ou une tare ? Vous avez quatre heures !?!

      Sur plus de 600 pages, la jeune Alice Zeniter, 31 ans, signe un roman très abouti, sans prendre parti, elle pose l'équation algérienne sur la table, un vrai échiquier où tout est imbriqué, où tous les points de vues sont défendables, et malheureusement où tous les moyens d'arriver à ses fins sont invités. Dans cet imbroglio historico-politico-indépendantico-sociétal, la raison et la sagesse n'ont pas leur place, seule, la folie des hommes creuse les sillons sanglants de l'Histoire, comme trop souvent.

      L'un des points incontournables du livre, créant un abîme entre les générations, est ce désir fou d'Ali d'intérioriser la honte et le chagrin, d'être devenus des harkis et de subir des pressions physiques et symboliques des français de souche. Cet abaissement rejaillit sur son fils Hamid, également muré dans un silence coupable, comme si le déshonneur était inéluctable pour la descendance d'Ali. D'où toutes ces familles où foisonnent les non-dits : sources d'incompréhension avec les générations à venir, comme les échos d'un traumatisme effroyable en résonance perpétuelle entre les montagnes de l'Histoire.

      Par sa prose, par sa recherche constante du mot juste, Alice Zeniter met le doigt ou plutôt la plume sur ce qui est au coeur de ce déchirement intime des harkis : la langue. Cette langue qu'il faudra absolument et péniblement apprivoiser pour réussir, en partie, à s'affranchir. Langue d'utilité, langue de respect, puis langue d'avenir. On devine pour une écrivaine, la joie de porter sur un piédestal la force du mot, notamment quand Ali fait inconsciemment la distinction entre un fellah (un rebelle, un bandit) et un moudjahidin (un soldat de Dieu) pour nommer un militant du FLN, car instinctivement, tout est déjà dans le vocabulaire, chaque mot à un sens précis, chaque mot nous implique.
      Et puis, à mes yeux ce titre : L'art de perdre est magnifique, il y a une élégance, il y a tout à la fois une courtoisie, une légèreté et une sérénité. Telle la beauté de celui qui échoue, la grâce échue à ceux qui ne seront jamais premier, le charme paradoxal de ce qui est abîmé ou le raffinement inouï du savoir-vivre.

      Mon seul petit regret vient de la quasi absence d'une période épouvantable de l'Algérie, celle de la décennie noire 1991/2002, celle où le gouvernement algérien lutta, entre autre, contre le FIS : le Front islamique du salut. Les répercutions en France de cette guerre civile qui fit en Algérie autour de 100 000 morts, traitées en une ou deux phrases, auraient méritées un développement à l'image de l'ambition du roman. Omission dommageable.

      Avec cette saga sur trois générations d'une même famille, Alice Zeniter signe une oeuvre remarquable et remarquée (honorée du Goncourt des lycéens) sur l'immigration et l'identité dans une France d'hier et d'aujourd'hui, une France toujours pas remise de son passé colonialiste, une France qui pourra avancer quand elle ne verra plus son métissage comme une souillure, mais comme une chance.