Apparemment, la famille Lambert ne diffère pas des autres. Néanmoins, derrière cette affabilité de surface se nichent des attirances, des exigences et des revendications relativement inavouables. De blessures en réconciliations, Alfred et Enid et leurs trois enfants, Gary, Denise et Chip, essayent de justifier leurs divergences, comme une plaidoirie à leurs contradictions.
A la fin de cette lecture interminable, plus de 700 pages d'un texte genre forêt vierge, je suis très partagé. Je dois faire partie, à la lecture de certaines critiques, des esprits chagrins, de ceux qui trouvent toujours à redire. Mes critiques précédentes prouveront le contraire, quand j'aime, j'aime, mais là, devant ce déferlement de tout, il y a surdosage et overdose.
Jonathan Franzen plonge à nouveau dans son sujet préféré : la famille, pour la froisser, l'écorcher, la déchirer, afin de la mettre devant ses propres contradictions. Chez les Lambert, il y a d'abord le père, Alfred, un ingénieur taiseux, à la retraite des chemins de fer, un conservateur d'une probité exemplaire qui lui sera souvent reprochée. Puis sa femme Enid, une mère au foyer, très croyante, toujours obnubilée par les valeurs caduques d'un autre temps. Son obsession : réunir toute la famille pour les fêtes de Noël.
Côté enfants, Gary est le fils aîné, il bosse dans le domaine très rémunérateur de la finance. Marié à Caroline et père de trois enfants, il se croit supérieur par sa réussite sociale et souhaite régenter son entourage, cependant, il n'assujettit personne, et surtout pas Caroline, qui fait de son mari ce qu'elle veut.
Chip, son frère, est un intellectuel sans aucune assurance. Professeur d'université, il se fait virer pour faute grave, puis il s'embringue dans une aventure aléatoire et lucrative en Lituanie.
Denise, la petite dernière, est cheffe cuisinière dans un restaurant coté de Philadelphie. Puis, comme son frère, elle est licenciée pour faute grave.
Avec cette distribution resserrée, Jonathan Franzen sème des grains de sable par poignées pour gripper le doux ronron du moteur familial. Ainsi, les reproches longtemps tus et les disputes inévitables se succèdent dans une farandole endiablée. Malgré cette discorde apparente, nouée de critiques acerbes, un lien est là, ce lien de fratrie, qui, sans le dire, fait naître une certaine entraide, plus ou moins pérenne, plus ou moins assumée, mais ce lien existe, peut-être même à leur insu.
Cette dissection familiale est universelle : chacun de nous s'y retrouve à un moment ou un autre, tout est réaliste. Qui n'a jamais voulu apporter de corrections à l'éducation reçue de ses parents ? Qui n'a jamais voulu s'éloigner d'un cadre familial oppressant ? Et au final, pour quels résultats ? D'autres erreurs ne se sont-elles pas glissées dans l'épaisseur du nouveau trait à peine esquissé ? Nos certitudes de trentenaires sont-elles les mêmes vingt ans après ? Rien n'est simple dans le magma de la vie, cette vie quotidienne qui n'est autre qu'une discipline de haut niveau.
Avec ce roman à la fois tendre et émouvant, ironique et cynique, libérateur et universel, Jonathan Franzen brasse, outre le thème familial, celui des convenances sociales, du capitalisme avec ses débordements (pléonasme ?), de l'homosexualité non dite, de la vieillesse et de la maladie grave. A partir d'une situation de départ relativement banale, l'auteur, grâce à une plume agile et diserte, déploie un éventail de circonstances où le ressentiment à un goût de fiel amer. La critique est impitoyable, l'auteur décrypte remarquablement bien les chaos de la société américaine.
Avec tout cet avant-propos plutôt alléchant, où peuvent bien se nicher mes grosses réticences ? C'est simple, dans la profusion infini de tout. D'abord la longueur du texte, certes, il faut prendre le temps de poser des situations, mais là, nous sommes dans un épanchement pathologique. Combien de fois me suis-je dis que ce passage là n'apportait rien, alourdissait l'ensemble, le plombait inutilement ?
Puis, avec ce style ampoulé où toute fluidité est bannie, avec un vocabulaire forcené aux allures d'érudit, en somme, avec l'énergie furibonde de celui qui veut éblouir son lectorat, le plaisir de lecture est globalement gâché. D'ailleurs, devant le côté tarabiscoté et abscons de certaines phrases, une relecture me fut nécessaire, mais malgré cela, l'obscurité de la prose et de la syntaxe me restaient encore en travers... des yeux ! Et puis, ces mots : Pétaouchnok ou haïku et tant d'autres, dont je connais le sens et qui sont employés en dépit du bon sens, justement. A moins que tout ceci ne soit dû à la traduction ? Une possibilité que je ne rejette pas.
Enfin, il y a ces considérations adventices interminables sur le domaine financier et ses résurgences qui m'ont perdu un nombre incalculables de fois. On n'est pas dans un essai sur la finance et l'économie !
Tant de détails superflus, inintéressants et démesurés font naître un ennui incommensurable. Je ne peux m'empêcher de songer à ce qu’aurait pu être ce livre avec une édulcoration judicieuse. Seulement voilà, dans un excès de narcissisme fou, Jonathan Franzen met sur papier tout un savoir mégalomane. A moins qu'il ne soit payer au mot écrit, dans ce cas, il doit être millionnaire !!!
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