Sur une grande île sauvage située au sud-est de l'Alaska, Jim emmène son fils de 13 ans, Roy, afin d'y survivre à la manière d'une robinsonnade pendant un an. Le paysage, d'une beauté somptueuse pour un touriste, n'a rien d'accueillant pour des naufragés volontaires : tout en forêts humides et montagnes escarpées. Ayant subit de nombreux échecs dans sa vie sentimental, Jim entrevoit dans cette expérience extrême l'occasion d'une profonde réflexion sur lui-même, afin de rebondir et de s'offrir un nouveau départ. Seulement, l’impréparation de ce séjour, sur le plan matériel comme affectif, transforme vite cette expérience... en cauchemar.
Contrairement à ce que pourrait laisser entendre ce préambule, ce roman n'a rien d'écologique. La nature sauvage sert juste de révélateur à la situation de grand malaise dans lequel Jim est plongé. Croyant purger son inadaptation à la vie de couple par cette catharsis glaciale, il creusera encore plus l'abysse de son mal-être. D'ailleurs, partir, changer de lieu ou voyager loin, comme solution pour s'éloigner de ses propres tourments n'est évidemment qu'une douce illusion ou un fallacieux trompe-l'oeil.
La force de ce récit éclabousse le lecteur à la moitié du roman, quand celui-ci pense saisir ce qui va immanquablement suivre, l'auteur oriente l'histoire dans une direction tout à fait inattendue, basculant irrémédiablement dans l'effroyable et l'horreur. Le lecteur a beau imaginer toutes sortes d'hypothèses, plus ou moins fantaisistes, la violence de la révélation le stupéfie.
Avant tout, ce huis-clos glaçant - au sens propre comme figuré - est un livre sur l’inconstance de l'homme, sur sa fragilité, sur ses lâchetés, sur ses veuleries et ses multiples trahisons débouchant sur d'incalculables conséquences. Le lire ne peut être que bénéfique, tant les pièges de l'individualité sont pléthores, inexcusables et de surcroît interminables de ramifications.
Au final, la nature avec ses bêtes sauvages, son humidité et sa froidure est loin d'être la partie la plus néfaste du roman, comme toujours, l’élément le plus nocif vient de l'homme en apportant et en libérant le cataclysme.
Poignant, déroutant et émouvant, Sukkwan Island est un roman noir comme le chaos, qui longtemps après sa lecture vous poursuit encore par l'effroi qu'il distille.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire