Lors d'un voyage scolaire en Allemagne, un jeune professeur de lettres découvre, au camp concentrationnaire de Buchenwald, la photographie d'un prisonnier dont la ressemblance avec son père le stupéfie, avant de l'interroger, puis de l'obséder. Dorénavant, impossible de vivre dans la sérénité ; fouiller le passé familial devient pour lui une obsession vitale, d'autant que son grand-père paternel est loin de lui ressembler. Désormais, seul la vérité pourra le rasséréner, même si pour cela, il devra pénétrer les méandres visqueux de l’impensable, tous ces chemins de la médiocrité qui ont trop vite fait de transformer des hommes ou des femmes, quand l’occasion se présente, en pervers impitoyables.
Avec l'exhumation de ce secret de famille, Fabrice Humbert plonge au coeur de l’innommable. Depuis son enfance, son personnage principal est hanté par la peur et la violence. Leur origine respective est-elle tapie dans les silences assourdissants de son père ? Comme s'il pressentait tout jeune une mystification dont il est la victime, un lourd tombereau de non-dits. Lesquels en s'immisçant, par vagues incessantes dans le corps et l'esprit, alimentent ses nuits de cauchemars. Sa quête devra soulever de pesantes barrières familiales, et braver les interdits.
Fabrice Humbert écrit, d'une plume soignée et intelligente, un roman sur le Mal absolu et sur la Shoah. Délicate et dangereuse ambition, car raconter et autopsier cette monstrueuse cruauté demande un certain doigté, ce sujet brûlant ne supporte pas l'amateurisme, il ne permet pas de dire n'importe quoi. Et l'auteur, grâce à la prudence qui convient, réussit un roman protéiforme en jouant sur divers registres, qu'il soit mythologique, historique ou poétique, toujours ils participent à illustrer une vision de ce mal intérieur, que chacun de nous pourrait laisser éclater à la face du monde. S'il y a une chose qui sous-tend tout cela, c'est que tous ces monstres qui ont défigurer le visage de l'humanité étaient des humains comme vous et moi. Des hommes que les circonstances ont propulsé sur le devant de la scène et où leur frustration a pu se libérer dans une noirceur abominable. Gardons en mémoire que toute forme de dictature permet l'affranchissement de notre intelligence animale sadique et perverse, comme une sorte d'ensauvagement autorisé par l'état : le couple Koch, Karl et Ilse, ou plus encore Martin Sommer, le bourreau du bunker de Buchenwald, en forment de terribles exemples.
Afin de décortiquer les racines de la tyrannie et de donner plus de force à son propos, Fabrice Humbert invite dans ses réflexions Goethe, Hannah Arendt, Antonin Artaud ou Ronsard.
L'origine de la violence est un roman audacieux, à la fois personnel et universel qui ose explorer la face cachée de l'Homme. Un grand livre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire