Deux ans avant sa mort en 1891, Guy de Maupassant connaît une idylle avec une jeune modèle et peintre russe : Lioubov Vassilkova, de leur unique étreinte naît Alexis. A l'âge de 13 ans, celui-ci repart avec sa mère pour Saint Pétersbourg où la révolution gronde. On le retrouve en 1936 à Moscou, où Alexis, devenu psychiatre, fait partie de l'entourage très proche de Staline. Celui-ci, voyant sa personnalité de névrosé et de paranoïaque découverte par Alexis, l'envoie au goulag sibérien de Mirny. Notre Alexis s'initie alors à la franc-maçonnerie avant de s'évader promptement... etc, etc, etc. Infini est la route !
Pauvre Maupassant ! Que vient faire son nom dans cette galère ? Que n'ait-il fallu qu'il serve juste de caution ? Ravir Guy au nez et à la barbe de ses admirateurs pour un coup de pub mercantile afin de vendre un roman... quelconque !
Peut-être suis-je sévère et injuste, mais ces péripéties, que tant de gens ont encensés, y compris le respectable et atypique Gérard Collard, m'est apparu comme un foutage de gueule ou l'arnaque littéraire de l'année. Je m'explique : Alexis Vassilkov est un homme impavide, nul sentiment ne le traverse, ou si peu. Sa vie pendant les purges staliniennes, puis son arrestation et sa déportation dans un goulag au milieu d'assassins qui s'étriquent allègrement, laissent notre homme de marbre, tout ceci le laisse froid, comme-ci les millions de morts inhérentes à la politique sanglante de Staline, ne le concernaient pas !?!
En outre, devant l'empilement de situations qui ne doivent rien au hasard d'une vie, j'ai franchement eu l’impression que Bernard Prou s'est emparé de son débonnaire Alexis pour aller le balader partout où il se passait quelque chose d'historique. Ainsi, d'innombrables éléments clés de l'Histoire et d'événements anecdotiques comme cette ascension en ballon du 24 juillet 1904, ont été vécus, en chair et en os, par notre "reporter tintinesque " : Alexis l'omniprésent, Alexis l'invulnérable, Alexis l'éternel placide, Alexis le guérisseur, Alexis le saint ou plutôt : Saint Alexis, prenez soin de nous... Amen !!!
De plus, pendant sa sévère détention au goulag, il connaît à son tour une idylle, avec la belle et tendre yakoute prénommée Ayami, celle-ci tombe enceinte en 1937 pour accoucher le 4 avril 1939 !?!
De surcroît, sa mère qui tient un rôle très important dans la toute première partie du roman, disparaît corps et âme par la suite ! Cette même mère vit à Leningrad pendant le siège nazi qui dura plus de 1000 jours : aucun mot là-dessus, comme-ci cette partie là de l'histoire n'avait pas inspiré notre Bernard Prou !?!
Et enfin, notre Guy Maupassant national, lui aussi passé rapidement aux oubliettes. A quoi bon s'encombrer avec les morts !?! Se servir d'un tel personnage littéraire pour faire si peu, quel dommage.
Avec sa rapidité de progression échevelée, bondissant d'une strate historique à l'autre, l'auteur se refuse de faire exister ses protagonistes, tous sacrifiés sur l'autel des rebondissements ininterrompus, certainement pour ne pas laisser aux lecteurs une once d'ennui. Mais parcourir 90 ans de l'histoire de la France et de la Russie, avec tous ces drames, en moins de 400 pages, relève de la gageure, de l’idiotie et de l'absurdité.
Néanmoins, malgré ce déferlement de critiques, je dois reconnaître l'agréable plaisir de quelques traits humoristiques. De même, certains passages m'ont séduit comme Le repas autour du plat d'écrevisses, ou certaines phrases notamment : Ce pays n'est qu'un assemblage de prisons emboîtées comme des matriochkas. Quand on en ouvre une, on y découvre une autre à l'intérieur? Où encore les déclamations d'une bonne soeur devant une situation ingérable : Par la bite du Christ ! Que Dieu vous encule tous ! Cependant, ces petites pépites ne peuvent oublier cette course effrénée à travers le temps. Si l'auteur, avec un peu de recul s'était aperçu que son roman en contenait 1000, il aurait pu alors donner toute la dimension historique à chacun des événements bouleversant qu'il bâcle en quelques pages.
Devant tous ces "mots passants", ce roman incontournable pour une majorité du lectorat, que je peux comprendre : c'est facile à lire et plutôt plein d'espoir, pour ces gens là, c'est un roman qui fait du bien. Cependant, à mes yeux ce livre indubitablement contournable. Lisez plutôt, sur l'effroyable histoire de la Russie, l'intelligent roman de Robert Littell : Requiem pour une révolution. Là, vous en aurez pour votre argent, et pour votre plaisir de lecture. A bon entendeur, salut !
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