27 juin 2020


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" Troisième humanité " Tome I, II et III
de Bernard Werber   12/20

      Quel avenir pour notre humanité ?
      De quoi seront faites les décennies à venir ?
      Quelle direction choisiront nos futurs dirigeants ?
      Quelle voie d'évolution pour demain ?
      Peut-on être optimiste ou faut-il s’apprêter aux pires malheurs ?

      Par le truchement de ce triptyque, Bernard Werber nous répond en nous proposant 7 possibilités :

      1 : La voie de la croissance, celle d'un capitalisme absolu.
      2 : La voie mystique, celle d'un totalitarisme religieux.
      3 : La voie de la robotique, celle de l'intelligence artificielle.
      4 : La voie de l'espace et de sa colonisation.
      5 : La voie de la génétique en supprimant la mort.
      6 : La voie de la féminisation universelle.
      7 : La voie de la miniaturisation de l'homme.

      En corollaire de ces possibilités d'avenir, ouvertes, logiques ou  légitimes, Bernard Werber nous gratifie de rien de moins que trois tomes, soit 1800 pages environ, et accouche d'une monumentale fantaisie autant cynique que pertinente, autant imaginative qu'effroyable. Car ces postulats initiaux engendrent plus une dystopie cauchemardesque qu'une ode à l'altruisme. En effet, sous la plume implacable de l'auteur, l'Homme, du haut de toute sa vanité, s'affirme comme immature et irresponsable, pour ne pas dire venimeux et machiavélique. A l'image d'un noir boulet funeste qu'il traîne depuis La nuit des temps. N'est-ce-pas Monsieur Barjavel ? Ainsi, l'auteur applique à la lettre la locution de Plaute : L'homme est un loup pour l'homme.

      En dire plus sur l'intrigue relèverait d'un déflorage au combien inutile et supprimerait une grande partie du plaisir de la découverte, et les découvertes, elles sont pléthores, au point de se demander sérieusement où Bernard Werber va dénicher toutes ses idées et tous ses rebondissements ? Assurément, son inspiration est débridée, son inventivité déborde de partout, il n'a peur de rien, il trace sa route facétieusement au fil des pages tel un baroudeur de l'écriture, bravant tous les dangers, toutes les chausse-trapes de l'Histoire, en deux mots : il invente l'ininventable. En effet, si Bernard Werber possède un talent certain, c'est celui d'harmoniser ensemble tous les grands faits, plus ou moins avérés et plus ou moins historiques du monde entier. Grâce à ce procédé astucieux et hasardeux d'unification, il élabore une trame capable d'amalgamer en un seul mouvement toute l'histoire de l'humanité depuis son origine, et même bien avant. Et peu importe les illogismes, contradictions et compagnie, il fait fi de toute crédibilité, tel un doux rêveur à la Don Quichotte, allant parfois jusqu'à s'aventurer sans vergogne au milieu d'une forêt gigantesque d'incohérences. Même certains articles de l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, dont l'auteur nous gratifie toutes les 20 pages, relèvent quelquefois de l'exagération la plus subjective et fantaisiste. Néanmoins, l'essentiel est-il là ? Après tout, ce récit est avant tout un miroir qu'il nous tend, et l'image qu'il renvoie est glaçante de vérité : Comment l'Homme dit civilisé peut-il stagner dans un tel marécage de médiocrité ? Pourquoi n'évolue-t-il pas au fil des siècles ? Pourquoi est-il fondamentalement impossible de hisser l'Homme à un niveau supérieur ? Est-il condamné ad vitam aeternam à errer dans sa mesquine petitesse suicidaire ? Là est le point majeur de ce triptyque.

      Autre élément d'importance à mes yeux de lecteur exigeant : le manque d'aspiration à élever le niveau de rédaction. En effet, devant l'exercice de funambule que l'auteur s'est imposé avec cette intrigue ratissant toute l'histoire du monde, aucune impression ne m'a assailli aussi promptement que celle de la prépondérance de l'écriture facile. Sans pour autant tomber dans un style lourd et ampoulé, Bernard Werber devrait hausser sa qualité littéraire, ses histoires y prendrait un autre relief, une autre stature, à l'image d'un Jules Verne, d'un Isaac Asimov ou d'un Arthur C.Clarke.

      L'une des idées intéressantes du roman est celle de faire parler Gaïa : notre Terre, de connaître ses pensées profondes, elle qui a plus de 4 milliards d'années doit être à l’acmé de la sagesse, imaginez, comme un Gandhi de 4 000 000 000 ans ! Malheureusement, à l'instar de l'Homme, Gaïa est susceptible, ses humeurs peuvent être terribles, elle se préoccupe plus de son nombril que de toutes les espèces qui l'habitent. Cette anthropomorphisme est trop simpliste et significativement dommageable, car une telle trouvaille aurait mérité mieux, il y avait tant et tant à lui faire dire à cette vieille dame bénéficiant d'une telle longévité.

      Il y a chez Bernard Werber une ardente volonté de créer de l'inédit, une profonde lucidité sur notre société, une façon à la fois généreuse et tragique d'aborder la géopolitique et une manière de côtoyer au plus près l'ombre ténébreuse de la condition humaine et de tout le malheur qui en découle. Cet effort est notoire, fâcheusement cette énergie est quelque peu noyée par un désir de tout expliquer même l'inexplicable. Dès lors, ses trois romans en pâlissent inéluctablement. Et je ne parle pas des tombereaux d'incohérence liés à l'intrigue même. Néanmoins, le message souhaité passe malgré tout, mais il me laisse tant de regrets. Alors, il y a encore un gros effort à produire, Monsieur Werber, avant que vous puissiez entrer dans la cour des très grands.

      En conclusion, malgré une généreuse flopée de bémols, Troisième humanité I, II et III est une saga bancale mais étonnante, bâtie comme un thriller aux mille rebondissements, dépaysante à l'extrême... et dont le sujet traite de notre avenir proche. A lire avant tout pour ceux qui s'interrogent ardemment sur demain. Car les visions futuristes de Bernard Werber sont loin d'être dénuées d'une part de vérité. Oui, mais laquelle ?


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