" Arcadie " de Emmanuelle Bayamack-Tam 11/20
Dans le sud de la France, près de la frontière italienne, réside une communauté bien particulière en zone blanche : Le domaine de Liberty House, formé de naturistes, de personnes électrosensibles, de végétariens, de gens souhaitant se passer d'internet et de portable pour raison de santé. Ils vivent tous sous la coupe d'un gourou autant bisexuel que grassouillet. Dans cette phalanstère, Farah, une ado de 14 ans et ses parents y ont trouvé refuge. Malgré une atmosphère de liberté absolue, Farah ne parvient pas à s'épanouir dans ce paradis reconstitué. D'autant plus que sa certitude d'être une fille vient de voler en éclats !
Même s'il y a de beaux discours de tolérance et d'amour universel, notamment sur les gens disgracieux ; même s'il y a toute une réflexion légitime sur la nourriture industrielle ; même s'il y a une antienne sur les gens vivants en marge : les LGBT, les hermaphrodites, les syndromes d'Asperger et les syndromes de Rokitanski ; même s'il y a ce droit à vouloir vivre autrement : sans onde, sans gaz carbonique, sans dioxine et autres engrais chimiques, même s'il y a un bel altruisme face à l'arrivée de migrants ; même s'il y a des regrets, des erreurs, des goûts amers et des secrets, le compte n'y est pas ! Ou plutôt tout y est en excès sous l'amplification outrancière d'un ratissage à tous les étages. De surcroît, on est à deux doigts de nauséabonds relents pédophiles, ça couche de partout, c'est merveilleux, faisons l'amour entre nous : les oubliés d'une société inique, et tant pis si cela implique les vieux avec des jeunes ou le contraire. En vérité, entre les coucheries et les repas en collectivité, le roman s'étire inexorablement en longueur, comme une idée distendue à l'extrême, fauchant en passant, tous les biens-pensants, l'essentiel étant de choquer le chaland. Et que dire d'une jeune fille qui voit ses seins régresser et une paire de testicules venir prendre leur place entre ses jambes ! Ne peut-on pas traiter de l'identité sexuelle sans faire appel à de tels artifices ?
Tous les sujets sont abordés de façon trop caricaturales. Certes, l'auteure y apporte de belles pelles de subversivité, mais leur traitement ne supporte aucune controverse, tout part dans la même direction, sans nuance, ou si peu, comme si dans notre monde si déchiré tout était soit noir, soit blanc.
Néanmoins, le point fort du roman est sans conteste l'efficacité de la plume. Riche d'un vocabulaire prolixe et impétueux, il réveille une histoire qui en a bien besoin. En effet, 400 pages pour nous dire qu'il faut décaler notre façon de voir le monde, cela a failli me perdre en chemin, l'écriture m'a ainsi permis d'atteindre le mot fin avec soulagement.
Avec une folle extravagance, un souci de provocation, un zeste d'humour, une singulière rudesse et une généreuse dose de délayage, Emmanuelle Bayamack-Tam nous livre un brûlot, pas dénué d'intérêts, mais qu'une substantielle épure aurait rendu plus digeste, plus vindicative. A moins que tout ceci, sous la couverture d'un style jovial et folâtre ne soit, après tout, qu'une bonne blague !?!
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