" La case de l'oncle Tom " de Harriet Beecher Stowe 12/20
Ou la révolte d'une abolitionniste catholique.
Dans la première partie du XIXème siècle, en plein Kentucky, état sudiste, M. Shelby, un riche planteur se voit contraint, pour raison financière, de vendre deux de ses esclaves les plus emblématiques. Esclave étant un bien grand mot, car sur sa propriété règne une atmosphère paisible où la bonté est le maître mot. Le premier des deux esclaves à être vendu se nomme Tom, régisseur du domaine, un homme intègre. De surcroît, il possède patience et noblesse d'âme, très religieux, il fait tout pour être en accord avec la parole biblique. Le deuxième est Henri, un jeune enfant plein de charme et d'espièglerie. Surprenant une conversation sur la vente et le départ imminent de son fils, Eliza, la servante de Mme Shelby, décide le soir même de s'enfuir avec Henri, sa magnifique progéniture.
A partir de ce point de départ, le roman nous raconte la réalité de l'esclavage : le travail harassant, les coups, la malnutrition, les séparations des familles, notamment de la mère avec ses jeunes enfants, tous considérés comme des marchandises vendues ou achetées, sans la moindre considération. Une multitude de personnages apparaissent au fil des pages, du plus humain au plus abject.
Publié en 1852, ce livre fut un tel événement à son époque que pendant la guerre de Secession l'on prête à Abraham Lincoln, lors de sa rencontre avec l'auteure, cette phrase symptomatique : " C'est donc cette petite dame qui est responsable de cette grande guerre ! " Ce roman anti-esclavagiste obtient un si vif succès qu'il fut le plus vendu au XIXème, juste après la bible. Aujourd'hui, c'est surtout la littérature jeunesse qui s'en est emparé, le publiant avec de grandes coupes. Cependant, ce texte n'a rien de la comptine enfantine, au contraire, il révèle toute la noirceur de l'âme humaine.
Si parmi toute la production littéraire du monde, certaine publication relève d'un fort prosélytisme pour la foi catholique, nul doute que celui-ci en fait partie. En effet, dès les premiers chapitres, il apparaît clairement qu'il est éclairé de part en part par la foi chrétienne. Tout du long, c'est le souffle d'une âme totalement empreinte de l'esprit divin qui tient la plume. Ainsi, le talent littéraire passe au second plan, l'essentiel étant de dénoncer les exactions de l'ancien monde, en réveillant le nouveau par un cri d'amour régénérateur gorgé d'une foi aveuglante en la puissance divine. En toute logique, le personnage central Tom, confronté à l'innommable, se réfugie dans sa croyance inextinguible pour vaincre le mal, combattre avec sa non-violence son nouveau maître : M. Legris, l'incarnation même de Satan, celui-ci, ivre de colère face à l'insoumis, au moribond expirant, finira, à contrecœur, par reconnaître sa défaite.
Tout le roman est à l'aune de l'éternel combat entre le Bien et le Mal, entre le païen et le pieu, entre l'impie et le dévot. Et honnêtement, cette façon de voir les choses soit en noir ou en blanc m'a gêné puis agacé. En effet, est-il nécessaire de croire pour s'abstenir de faire le mal ? Les religieux, chrétiens en l'occurrence, sont-ils les seuls à être altruistes ? L'histoire de la religion catholique est là, et bien là pour nous prouver le contraire, faut-il ici que j'aligne les exactions commises au nom de la foi chrétienne ? Ainsi, l'altruisme est un sentiment partagé par un grand nombre d'athées, ce fait détruit sans recours la colonne cérébrale du roman submergée de bondieuseries assommantes. Le principal intérêt de ce roman, aujourd'hui, est sans conteste de nous décrire les conditions de vie du peuple noir victime de préjugés infâmes, d'un peuple qui a souffert dans son âme et dans sa chair d'une déclassification dans l'échelle sociale au nom du profit, uniquement du profit, d'un effroyable profit. Dans sa critique amère du peuple américain, même les nordistes sont sermonnés pour l'exploitation des ouvriers dans les usines, cette accusation résonne encore de nos jours, comme un fléau sociétal inhérent à une partie du peuple blanc américain, incapable de vivre sans considérer l'altérité comme une richesse.
En dehors du personnage de Tom, une autre protagoniste illumine le roman de son aura indélébile, il s'agit de la toute jeune Évangeline, dite Eva, pétrie d'une humanité sans égal, tel un ange, elle transforme en nectar divin tout ce qu'elle touche. Sa voix sage traverse la nuit mortifère de l'esclavage à la manière d'une émanation céleste qui pénètre chaque être, chaque conscience. Pareille à une étoile qui brille sans compter, sa vie sera brève. Néanmoins, sa fulgurante bienveillance brillera longtemps encore après sa disparition dans l'esprit de tout ceux qui l'ont connue. Heureux sont-ils d'avoir vu et coudoyé un tel être de lumière !
Ainsi, ce roman aux vertus abolitionistes est criant de révolte et de vérité, il faut juste avoir la patience de se coltiner de nombreuses pages de religiosité pour enfin s'imprégner de l'horrible condition que dut supporter toute la communauté noire américaine.