" Les vertueux " de Yasmina Khadra 18/20
Une épopée à auteur d'homme.
Algérie, 1914 ; Yacine Chéraga, un garçon de 17 ans, a toujours vécu avec sa famille dans un village perdu dans l'arrière pays. Un jour, suite à une sale manipulation, il est envoyé en France pour se battre contre l'armée allemande en lieu et place du fils de Gaïd Brahim, riche propriétaire des terres de la région. Après l'armistice, de retour en Algérie, sa famille a disparu...
Le nouveau roman de Yasmina Khadra nous raconte l'itinéraire d'un jeune homme que le mauvais sort poursuit avec une assiduité indéfectible. Traqué, malmené par l'outrance d'un destin épouvantable, il n'a que sa candeur et son immarcescible humanité pour parer les coups du fatum qui l'envoie perpétuellement chuter de Caribe en Sylla. Ainsi, traité en paria, il devient clandestin puis bagnard.
Un lyrisme romanesque souffle sur l'Algérie coloniale, mille sentiments exacerberont les personnages : la discrimination, la suffisance, la solidarité, l'arrogance, l'insoumission, l'amour, la haine, le sacrifice, etc. Difficile de vivre dignement dans une période où la misère extrême côtoie la richesse des colons.
Le récit à la première personne de Yacine convoque toute notre empathie, on souffre avec lui, on crie à l'injuste flagrante avec lui, on éprouve et on partage ses maigres joies, ses bonheurs fugaces. Car même sous les plus terribles épreuves, il garde une ligne de conduite exemplaire faite d'honnêteté, de vaillance et de probité. Ô mille fois il aurait l'occasion de glisser vers l'inhumanité, mais son éducation, sa morale, son mental et sa foi en ses ancêtres l'envelopperont dans une immuable une carapace vertueuse. Personnage à la philosophie de vie inoubliable, à la sagesse abyssale et au pardon exceptionnel. Un homme qui sait se contenter de ce qu'il a, de surcroît, la beauté de son Algérie natale lui confère un éternel ravissement. Un saint homme quoi !
Quant à la plume de Yasmina Khadra, elle virevolte sur le récit toujours de façon élégante, intelligente et même poétique. ainsi, ces plus de 500 pages me semble bien courtes. J'avais envie d'en savoir encore plus sur l'entre-deux guerre algérienne, sur les luttes de pouvoir anticolonialiste, sur la magnificence des paysages algériens. Mon seul bémol vient de l'immortalité confondante du groupe de soldats algériens entourant Yacine, tous font les 4 ans de guerre dans les tranchées, et une bonne partie d'entre-deux revient indemne. Quand on sait que très peu de ceux qui se sont battus dès 1914 en sont revenus, cela interroge.
Néanmoins, cela reste une belle et effroyable histoire de ces algériens, considérés comme des sous-hommes par la France, mais qui n'ont jamais démérités et qui méritent toute notre reconnaissance. Et si j'osais, je dirais qu'il y a du Camus derrière les mots de Yasmina/Yacine. Cette sagesse universelle, cette volonté d'apaiser les colères et les rancœurs de ces gens, qui plus de 60 ans après l'indépendance algérienne, continuent de distiller un fiel caduque, une acrimonie malveillance face à ceux qui ne songent qu'à la paix entre les deux pays.
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