12 juin 2024

 Nouvelles réalisations patissières :



















A bientôt bande de petits gourmands !


 " La route " de Cormac McCarthy   19,5/20

      Effroyable et inoubliable odyssée.

      Le pire a eu lieu. Le monde est entièrement détruit. Des cendres partout, une demie pénombre perpétuelle, un froid omniprésent et des pluies successives.

      Sur une route, un père et son fils errent en poussant un caddie rempli de tout ce qu'ils ont pu récolter, nécessaire à leur survie. Le danger peut surgir de partout car il ne reste plus sur terre qu'un reliquat d'humanité retournée à la barbarie.

     Dès les premiers mots, tout est perdu, malgré tout, le père fait le maximum pour aider son fils à survivre. Comme il possède une arme, il pourrait décider d'en finir une fois pour toute, cependant, au fond de lui, un faible espoir vibre, et si plus loin, comme eux, d'autres personnes respectueuses de la vie faisaient la même démarche, alors ils avancent entourés d'incertitude.

      La plume ne s'encombre pas de chapitres, elle progresse par soubresaut, dépouillée à l'extrême, à l'instar de nos protagonistes. 

      Cormac McCarthy franchit le rubicond, il connaît la beauté du monde et le démon qui se cache au fond de chaque homme. Il sait que la plus belle chose de la terre : la vie, est grandement menacée par une seule espèce : L'homme. Alors ce roman d'anticipation est une mise en garde. Un rempart qui doit servir de leçon. Malheureusement l'Homme, de la hauteur de son intelligence, se fourvoie constamment. Une bonne partie des scientifiques lui montrent les dangers qui le menacent à court terme, rien n'y fait, il se précipite vers une destruction inéluctable. Rien qu'aux Etats-Unis, ce roman s'est vendu à plus de deux millions d'exemplaires, la leçon semblait enregistrée, des précautions n'avaient plus qu'à être prises, pensez-vous, l'Homme déçoit contamment, comme-çi sa propre disparition était dans ses gènes. Telle une magnifique machine du vivant qui se suicide tout en le sachant, allez comprendre, moi j'y renonce, je ne suis pas assez intelligent.

      En vérité ce roman visionnaire est un cadeau fait à l'humanité déboussolée. Pour aboutir à la réflexion d'écrire ce livre, on comprend à quel point Cormac McCarthy est littéralement hanté par la violence de l'Homme, ce Mal intrinsèque qui attend la moindre occasion pour bondir et tout détruire.

      Raconter un monde post-apocalyptique pour l'éviter. On sait que cela ne suffira plus. Alors à quoi bon ? On ne sait jamais, peut-être comme ce père et ce fils, il reste un minuscule fragment d'espoir quelque part...

 

6 juin 2024



 " A un souffle du passé "   de Patti Callahan   16/20

      Au matin du 13 juin 1838, le Pulaski, un bateau à vapeur de luxe, a pris la mer pour son quatrième voyage avec à son bord 90 passagers et 37 membres d'équipage. Il a largué les amarres à Savannah, dans l'état de Géorgie, à 8 heures sous le commandement du capitaine Dubois et du second Hibbert. Le Pulaski aborda Charleston le soir même, il y passa la nuit et pris 65 passagers supplémentaires, avant de repartir le jeudi 14 juin pour Baltimore. En pleine mer, à 23 heures 04, par la faute d'un machiniste une chaudière explosa. Briser en deux, le Pulaski coula en 45 minutes. 

   De nos jours, une professeur d'histoire de Savannah, Everly, est sollicitée à organiser une exposition sur cette tragédie humaine. Ses recherches l'amèneront à se pencher sur le parcours de deux survivantes du naufrages : Augusta Longstreet et sa nièce Lilly Forsyth. 

      Peut-être est-il utile de préciser qu'une fois l'élaboration de son roman engagée depuis trois semaines, Patti Callahan apprend la toute récente découverte de l'épave du Pulaski. Ce que j'imaginais comme étant l'invention de la romancière s'avère réelle, d'ailleurs de nos jours ce naufrage porte le nom de "Titanic du sud". A noter un remarquable travail de documentation pour aboutir à la reconstitution minutieuse de ce drame naval.

      Jonglant adroitement entre deux temporalités entremêlées, l'auteure nous raconte le dernier voyage du Pulaski, mais surtout elle nous fait revivre les conditions de survie des rescapés, de leur souffrance et de leur choix. Puis, parmi le petit nombre de passagers qui s'en sont réellement sortis, elle nous pose le problème de survivre au fait d'avoir survécu, ou comment avancer à nouveau dans la vie quand un traumatisme effroyable vous a ébranlé ?

      Dans la temporalité contemporaine, nous faisons la connaissance d'Everly, une jeune femme toujours secouée et déstabilisée par la mort violente de son amie, allant jusqu'à s'en croire responsable. Avant, Everly était une femme joyeuse, ayant le goût de la vie et aimant son travail de professeur ; depuis, la vie n'a plus de saveur, plus grand chose ne la passionne, si ce n'est mettre la main sur le chauffard qui a tué son amie, ou comment survivre à l'insurmontable ?

      Jouant sur ces deux tableaux, aux étranges similitudes, Patti Callahan déroule une myriade de thèmes, tous très intéressants, avec la question de la possibilité de changer de vie en se faisant passer pour mort. En effet, quand l'occasion nous est donnée qui osera réorienter sa vie, foncer vers l'inconnu, plutôt que de se satisfaire d'un vécu peu réjouissant ? Puis, l'auteur s'attarde sur la notion de classes sociales et donc de discrimination qui disparaît quand un grand danger surgit ; avec à la clef la remise en question de son quotidien et de ses valeurs. Enfin, le thème de fond du roman : celui de réapprendre à vivre après un drame effroyable, comment pouvoir oublier l'inoubliable ? La réponse est individuel et inévitablement multiple. L'auteure nous donne l'exemple de Charles, personnage ayant existé, il redoubla d'altruisme pendant la survie sur un radeau de fortune, pourtant, de retour à la vie normale, il n'aura aucune reconnaissance d'avoir survécu et deviendra un fervent ségrégationniste, allant jusqu'à faire la traîte des noirs, au point d'être surnommé "Le diable rouge". Chacun sa route, chacun son chemin.

      Quelques bémols : un épilogue que l'on sent venir depuis le début ; une pléthore de protagonistes difficiles à assimiler dans les premières pages ; certains chapitres contemporains un tantinet trop bavard. Et puis, peut-être suis-je trop pointilleux, mais j'aurais aimé mieux connaître la vie des habitants de Géorgie dans ces années 1830.

      Emotionnellement bouleversant, ce roman offre beaucoup de point de vue, chacun pourra s'y retrouver. Il questionne sur la nature humaine. Où est notre part d'humanité quand les bases de la société s'écroulent ? Comment réagira-t-on quand demain l'humanité tremblera sur son socle de papier ? Un livre universel.