26 juil. 2025


" Les enfants du capitaine Grant "  de Jules Verne 18/20

      En prenant de l'âge, certaines lectures de jeunesse me reviennent en mémoire ; et pourquoi ne pas en relire certaines dans le dessein de s'imprégner de cette adolescence, quelque peu égarée dans les limbes notre mémoire ? L'autre intérêt est d'en avoir une lecture plus mature, donc plus critique, mais avec toujours l'insoucience de nos premières années.

       Le 26 juillet 1864, dès la découverte de trois messages tronqués retrouvés dans une bouteille issue de l'estomac d'un requin-marteau, Lord Glenarvan et sa femme Lady Helena décident de secourir le capitaine Grant et deux de ses hommes, rescapés d'un naufrage et perdus depuis deux ans sur un rivage de l'hémisphère sud quelque part le long du 37° de latitude. Sans attendre, ils prennent la mer sur leur propre bateau : Le Duncan, un rapide yacht marchant à voile et à vapeur. A bord, le couple est accompagné des deux enfants du capitaine Grant, d'un cousin de Lord Glenarvan et d'un géographe français. Ensemble ils affronteront mille dangers, qu'ils soient dus à la nature elle-même ou aux autochtones.

      Il s'agit du plus long roman écrit par Jules Verne, décliné en trois parties : la traversée de la Patagonie, puis du sud de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. La géographie tient pour une large part de l'aventure, en effet, pour l'époque, ce roman à des intentions pédagogiques incontestables destinées à la jeunesse de cette deuxième partie du XIXème siècle ; d'où le rôle du savant Paganel, un homme aussi érudit que distrait. D'ailleurs cette distraction apporte une note humoristique allègeant la montagne de connaissances intarissables de cet homme de science.

      Outre la géographie, moult thèmes viennent enrichir l'oeuvre, notamment la toute puissante Providence ; le ressenti suite à la disparition d'un parent ; la force inébranlable de la volonté ;  une grande foi dans la solidarité ; l'altérité avec la représentation et l'acceptation de l'autre, ici le sauvage ou du moins l'étranger ; la terrifiante anthropophagie des peuples Maoris et le parcours initiatique du jeune Robert Grant. 

      Malgré toute la richesse de ce roman il faut noter deux choses : Primo, l'invraisembabilité de l'histoire narrée, en effet, nos personnages auront à vaincre toutes les galères possibles et imaginables, rien ne leur sera épargné : un séisme dans la Cordillère des Andes, une avalanche de pierres, l'attaque d'un condor puis d'une horde de loups rouges affamés, des tornades de poussière, une inondation gigantesque dans la Pampa, une tempête colossale dans l'océan Indien, la confrontation avec une terrible bande de brigands, la condamnation à mort par une tribu cannibale, une éruption volcanique au Chili, et j'en oublie, bref, malgré tout cela, l'équipage du Duncan et tous nos protagonistes rentreront entiers !?! Et je ne parle pas des lois du hasard qui les favorisent constamment, surtout quand le pire semble inévitable. La volonté de Jules Verne est que chaque épisode soit un prétexte à enseigner la géologie, la faune, la flore, la culture des peuples des contrées traversées, et l'essentiel est d'apprendre tout en se distrayant, peu importante donc le manque de crédibilité du roman.

      Secondo, bien sûr il faut remettre le récit dans le contexte de l'époque, néanmoins, je me suis senti gêné par les comparaisons des aborigènes avec les singes ; et tous ces peuples autochtones que les colons veulent civiliser de gré ou de force. De surcroît, il y a les "bons sauvages", ceux qui aident nos voyageurs dans leur périple, et les "mauvais sauvages", ceux qui n'acceptent pas d'être envahis par des européens colonisateurs. Sans compter une allusion ambiguë à un requin appelé poisson-juif, référence aux relents antisémites. Et que dire des préférences d'un jaguar concernant la couleur de peau de ses victimes. Une fois encore, ce roman écrit en 1865/1866 donne l'état d'esprit d'une époque révolue qui ferait un scandale grandement justifié aujourd'hui. 

      En gardant tout cela en tête, il est très agréable de voyager en compagnie de telles personnages et de partager avec elles ce tour du monde improbable mais si extraordinaire.


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