20 juil. 2025

 


" Malheur aux vaincus "   de Gwenaël Bulteau   14/20

      Alger la Blanche en 1900. Dans la demeure de la riche famille Wandell un massacre vient d'y avoir lieu : six personnes y ont été assassinées : des maîtres et des domestiques.

      Les premiers éléments de l'enquête laisse croire que deux forçats, détachés du bagne et embauchés pour des travaux dans cette même résidence, auraient profité de cette aubaine pour prendre la poudre d'escampette et recouvrer leur liberté, quitte à tuer pour cela.

      L'enquêteur, le lieutenant Koesler, mêne les premières  investigations dans une ville où l'antisémitisme fait rage, divisant la population des colons français.

      Sous prétexte d'une enquête, Gwenaël Bulteau nous fait le portrait d'une Algérie française qui craque sous toutes ses coutures. Comment vivre apaissé dans un pays où les échos de l'affaire Dreyfus résonnent, où apparaissent des milices qui sillonnent les rues, où des vélléités d'indépendance s'expriment de plus en plus, où une jeunesse orpheline livrée à elle-même vie de vols et de pillages, et où la population algérienne de souche est toujours considérée comme sujets et non pas comme citoyens français à part entière avec leurs droits et leurs devoirs ? A partir de ce canevas surtendu, le lieutenant Koesler devra enquêter en louvoyant avec finesse, d'autant plus qu'il s'avère qu'une effroyable expédition coloniale en Afrique noire, menée quelques mois auparavant, est liée à l'affaire impliquant la famille Wandell.

      L'enquête est pleine de rebondissements et de suspense. Avec talent, l'auteur mélange intelligemment les hommes et les femmes avec leur époque. Il en tire un roman se basant sur un fait réel : afin de parachever la conquête de l'Empire français en Afrique Centrale, les capitaines Voulet et Chanoine étaient chargés de conquérir les territoires allant du Sénégal jusqu'au lac Tchad. Faute de moyens logistiques, ils pratiquèrent la technique de la terreur pour se faire obéir, en cas contraire, toute la population étaient massacrée ou menée en esclavage et les villages détruits. Tous ces carnages au nom de la sacro-sainte civilisation. En vérité, tout découle du contexte de concurrence entre les nations européennes pour la colonisation de l'Afrique. Toujours cette éternelle histoire de profit avant la moindre considération pour la vie humaine.

      Malgré tout, j'exprime quelques bémols : Aucun des protagonistes n'existent vraiment au yeux du lecteur, ils sont rapidement esquissés, empathie impossible ; l'assassinat de René Josse ne sera jamais clairement expliqué ; l'histoire d'amour, inhérente à chaque récit est ici réduite à sa plus stricte existence. Heureusement que le fond historique remet les pendules à l'heure dans un pays où même de nos jours, les passions sont encore exacerbées, comme si les feux de la colonisations ne pourront jamais s'éteindrent.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire