31 déc. 2014


" Le ruisseau des singes " de Jean-Claude Brialy 15/20


Avec l'élégance naturelle qui le caractérise, Jean-Claude Brialy nous offre une autobiographie d'une richesse incroyable par le nombre impressionnant de personnalités rencontrées (Romy Schneider, Marlène Dietrich, Jean Gabin, Alain Delon, Jean Cocteau, Edith Piaf, Marie Bell, Arletty, Claude Chabrol, etc... ) . 

Oh ! Pas seulement rencontrées, mais dont il partagea d'innombrables moments de leur vie, et malheureusement, inhérent à cela, de leur mort aussi. C'est d'ailleurs ce qui frappe à la lecture de cette ode au métier de comédien, c'est la présence constante de la sinistre faucheuse. En effet, le hasard le mêlera souvent aux derniers jours de ces hautes personnalités, comme si le destin s'amusait macabrement à l'unir aux départs de ses collègues de travail. Incluant inévitablement une grande part d'émotion au livre.

Ne souhaitez-pas ici lire des règlements de compte, des révélations croustillantes dénigrant ses collègues de jeu, non , l'homme est la classe, la discrétion et le tact personnalisés, à des lieues d'une certaine Valérie !

Cette autobiographie, bourrée d'anecdotes ébouriffantes, émouvantes et absurdes, nous fait tournoyer dans l'univers aléatoire et incertain, mais dieu merci jubilatoire, de son désir le plus profond : jouer la comédie.

Quand on pense qu'il acheta le château de Monthyon sans le visiter ! Qu'il acheta, suite à une série de rencontres fortuites, le théâtre des Bouffes Parisiens en 1986, alors qu'il n'en avait pas les moyens !  Le hasard, encore lui, qui lui fait acheté au cimetière de Montmartre une concession juste à côté de... la tombe de Marie Duplessis, celle dont la vie tumultueuse donna à Alexandre Dumas fils l'idée d'écrire cette si célèbre " Dame aux camélias ".

Telles sont les excentricités d'un homme qui aimait son prochain, au point de recueillir dans son château des gens célèbres, qui pour un temps, avaient besoin de l’éloignement de la folle vie parisienne, afin de se ressourcer ou se reconstruire dans la sérénité d'un espace vert et calme, loin des médias.

Mais ce qui m'a le plus surpris, c'est sa faculté inouïe à se faire des amis véritables dans ce milieu où règnent trop souvent jalousie, concurrence, égo disproportionné. Sa capacité à engendrer l'amitié, la camaraderie, l'attachement, puis la fraternité, c'est peut-être la force cachée de sa vie, et, de ce livre. 

Un homme d'exception, comme il en existe si peu, dont un humanisme certain transpire à toutes les pages. 

Victime d'un cancer, il disparaît trop tôt le 30 mai 2007 chez lui à Monthyon. Par discrétion ultime il n'en averti personne, même ses proches restèrent dans l'ignorance de cette maladie.  Dès lors, ilaissera un trou béant dans le monde artistique. Je salue ici l'artiste qu'il fut, mais aussi et surtout, l'homme remarquable.



12 déc. 2014

Mon châtaignier.


Il a trôné tout l'été, solennel, dans mon humble jardin,
Son aura distillant douceur et paix à nous autres, baladins.

Mes oreilles se sont enchantées, toujours alertes,
Du bruissement de ses maintes plumes vertes.

Magnanime, il en a imposé ce seigneur des bois,
Sachant offrir son ombre à ses fidèles aux abois.

Quand notre sphère ardente a dardé trop fort,
Il fut comme un dieu, un sauveur, un mentor.

Depuis, sa robe a glissé vers des tons plus chaud, plus enivrés,
Pour conclure en apothéose, après hésitation, dans le cuivré.

Par un matin chagrin, un vent frivole et matois fit choir ses bébés hérissons,
J'ai anticipé en pensée, une gourmandise odorante autour de leur cuisson.

Hélas un novembre vorace lui a arraché sa noble parure,
Telle est la sempiternelle et immuable loi de la nature.

Aujourd'hui, il ne reste qu'une silhouette esseulée mais robuste,
Prête à braver fièrement les rigueurs hivernales d'un froid rustre.

A ses pieds, souvenir d'une gloire partielle,
Un tapis divin, comme une coulée de miel.

Mais demain, à l'heure où raccourciront les ombres, 
Où les abeilles butineront derechef en grand nombre.

Un doux printemps saura réveiller d'un élan grandissant,
Ses petits bourgeons, s'identifiant aux griffes d'un géant.

Et sa magnificence resplendira de nouveau,
Arbre de vie, de mon univers il est le pivot.