" Certaines n'avaient jamais vu la mer " de Julie Otsuka 12/20
Au début du XXème siècle, des milliers de japonaises ont tout abandonné pour épouser aux Etats-Unis, sur la foi d'un portrait, ce qu'il faut bien appeler : un inconnu ! Celui dont elles ont tant rêvé, et qui va tant les décevoir.
Ce livre se positionne comme un chorus, porté par mille voix qui s'élèvent dans la tourmente d'une société en mutation, pour raconter l'exil irrémédiable. D'abord une mémorable traversée du Pacifique, l'arrivée en terre californienne, puis la rencontre avec le promis, qui se transforme bien souvent en amère déception (là où certaines devaient épouser un banquier, elles n'ont droit qu'à un simple paysan), ensuite vient la nuit de noces (douloureuse et avilissante), les interminables et exténuantes journées aux champs, et surtout cette langue revêche, si étrangère à ces très jeunes et pauvres exilées.
Après passé de longs moments d'humiliation et de souffrance, certaines joies fugaces apparaissent aux détours des jours qui coulent. Comme la prise d'un point d'appui après ce traumatisant déracinement. Malheureusement nous sommes en 1941, et le 7 décembre, les forces japonaises sans aucune déclaration de guerre, ruinent leur maigre espoir en bombardant Pearl Harbour. Dés lors, considérées comme ennemies aux yeux de la population locale, elles seront victimes d'injustes soupçons d'espionnage. Puis d'innommables dénonciations pour trahison, gâcheront définitivement leur présent. Par ordre de l'état, elles finiront par être déplacées une nouvelle fois. Est-ce pour être établies ailleurs ? Où ? La question reste posée aujourd'hui encore ! Car apparemment, on ignore ce qu'elles sont devenues !
Ce fait historique, et surtout le rejet par la population locale de cette immigration n'est pas sans faire écho à ce que nous connaissons aujourd’hui en France. Mais une réflexion s'impose, surtout quand certaines personnes, une fois les "étrangers" partis, avouent regretter leur départ, rapport à la qualité inégalée du travail qu'elles fournissaient.
Cet épisode tragique de ces jeunes immigrées japonaises est très peu connu, d'où la pertinence de Julie Otsuka de l'écrire, soit, mais le mode de narration privilégiant le "nous" me laisse un rien déboussolé. Certes, je conçois qu'il fait davantage ressentir la solidarité, l'obstination et l'opiniâtreté de ces jeunes femmes abusées, néanmoins, il devient dès lors très difficile, de ressentir une empathie légitime pour ces victimes.
Même si les phrases sont précises et simples, sans pathos excessif, ce mode de narration s'apparente à une litanie, qui finit par faire naître une certaine lassitude, que l'on regrette amèrement de ressentir à la vue du tragique sujet traité. Malgré tout, cette double originalité (sujet et style) ne manquera pas d'étonner profondément le lecteur, qui n'oubliera pas de sitôt ce livre, contrairement à tant d'autres !
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