22 mai 2016


" Les braises " de Sandor Marai     14/20



Au lendemain de la première guerre mondiale, après 41 ans de séparation, un général à la retraire nommé Henri reçoit le courrier annonçant le retour dans la région de son ami de jeunesse, Conrad. Le vieil homme l'invite aussitôt pour un dîner mémorable au cours duquel les grandes lignes de leur passé commun, mais aussi de leur divergence, seront évoquées avec une franchise totale. Henri, ayant eu 41 ans de réflexion, saura avec une justesse folle, combler tous les vides, que le départ soudain de Conrad avaient laissés en blanc.

Malgré une entrée en matière narrative classique, un monologue prend le relais pour en faire un livre très théâtral. Rendant ainsi, tout au long de cette longue soirée, le personnage de Conrad transparent, comme un faire valoir de son hôte. Cependant la réflexion, que dis-je, l’introspection d'Henri étant si fouillée, si précise de déduction et d'analyse, que quelques acquiescements succincts de la part de Conrad suffisent à emballer le tout intelligemment. L'auteur plaçant la réflexion sur un piédestal, comme une porte essentielle pour saisir toutes les nuances des comportements de chacun, et d'en sortir leurs tenants et par extension, leurs aboutissants.

Sandor Marai disserte ici sur la valeur réelle de l'amitié, ce lien humain le plus noble, comme le dit le général. Existe-elle vraiment l'amitié désintéressée qui perdure au fil du temps sans faillir ? L'auteur en doute fortement. Tout d'abord il narre l'histoire somme toute classique de ces deux amis qui se sont côtoyés plus de 20 ans, juste avant la fuite inexpliquée de Conrad vers des pays tropicaux. 

Ensuite, le personnage du Général en fait une toute autre histoire bien plus noire, faite de la jalousie de Conrad d'abord envers la richesse d'Henri, puis, au moment où la belle Christine passe, c'est Henri qui parvint à se marier ! Dés lors comment une telle amitié pourrait-elle persister dans le temps ? D'autant que Conrad se passionne pour la musique, celle qui élève l'âme, tandis qu'Henri en militaire bourru, l'exècre.

La forme du roman, se réclame du huis clos, pourtant la violence des sentiments éclate le cadre en mille morceaux. C'est la réussite de l'oeuvre, parler d'un ton presque neutre d'une animalité sous jacente, mais que les années ont su muer en circonspection.

Un petit roman, admirablement bien écrit, qui reste en mémoire pour la complexité des relations humaines qu'il développe, à l'effigie de tous ces non-dits, qui sans en avoir l'air, laissent dans nos consciences de sales empreintes indélébiles.



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