6 juin 2016



" Ce pays qui te ressemble "  de Tobie Nathan  15/20


En 1925 dans le ghetto juif du Caire, naît, presque par miracle, Zohar l'insoumis. Sa jeune mère, Esther, est une femme considérée comme possédée depuis une chute à l'âge de 5 ans qui la laissa plusieurs jours sans connaissance. Elle ne parviendra à tomber enceinte que grâce à la magie d'une femme usant de sortilèges. Son père aveugle, Motty, mène une vie de sagesse, entièrement tournée vers les textes sacrés. Ce couple atypique se conjuguera dans un amour sincère et entier.

Ayant trop peu de lait pour allaiter son enfant, Esther fera appel à une mère nourricière pour sauver son fils Zohar. Il aura une  soeur de lait nommée Masreya, en grandissant l'amour les étreindra dans une passion incandescente. Tout comme l'Egypte où ils vivent : pays en effervescence, dont les bouillonnements exacerberont une xénophobie latente.

L'atout de ce roman est de nous plonger dans l'histoire volcanique de cette Egypte sous colonisation anglaise, des années 30,40,50. Les juifs et les musulmans se côtoient pacifiquement même s'ils prient des dieux différents. Ces communautés cherchent-elles à se connaître ? Certes non, mais la vie commune l'emporte sur le reste. Puis, sous l'autorité et le mépris de plus en plus insupportables des colons anglais, des tensions nationalistes vont bousculer les consciences du peuple égyptien. D'autant que la seconde guerre mondiale alourdira encore plus le climat, au point de voir le peuple arabe souhaiter la victoire des armées nazies, afin de les délivrer du joug anglais. Et ce n'est pas le jeune roi Farouk, fallacieusement charmant devant son peuple, mais despote et pétri de névroses qui pourra assainir le climat délétère de l'époque. L'arrivée au pouvoir de Nasser en 1952, se conclura par l'expulsion des juifs, en tout cas de ceux qui n'auront pas été lynchés auparavant par la foule.

Ce roman foisonne de directions narratives et de péripéties, allant de la vie difficile dans le ghetto juif, aux coulisses du pouvoir égyptien, en passant par les vieilles superstitions des différentes communautés, jusqu'à la naissance du célèbre mouvement qui perdure malheureusement aujourd'hui : Les Frères Musulmans. 

Le roman brasse sans concession le parcours de trois jeunes copains qui finiront par s'éloigner les uns des autres, devant les balafres que l'histoire infligera à leur pays. Chacun devra faire ses propres choix, face aux mutations immuables que subira l'Egypte.

Un livre de souvenirs, d'une époque que beaucoup de personnes ont oubliée, ou ne connaissent pas, mais qui fait réfléchir une fois de plus, et non une fois de trop, sur la folie des hommes, sur leur divergente croyance, et malheureusement sur leur intolérable intolérance.

Un livre d'amour aussi, celui le plus pur, le plus total, mais aussi le plus inaliénable et le plus sauvage.

Il en ressort une lumière, une chaleur, un bouillonnement de vie émanant de cette Egypte millénaire, avec une admirable mise en perspective des événements du pays, mais aussi du monde, dispensant au lecteur un cours d'histoire s'entremêlant adroitement à la destinée de ces personnages. 

Seul bémol, ce surnaturel qui perdure sur pas mal de chapitres, comme une volonté de la part de l'auteur d'hésiter entre obscurantisme et progressisme. 

En tout un cas, un hymne flamboyant à une Egypte, éternelle, magique, exotique et traditionnelle.


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