30 juil. 2016



HAÏKU   Partie  XI

°°°°°°°°°

géante du jardin
elle ose exhiber ses fesses
la citrouille !

afin qu'elles se recoiffent
je laisse mon peigne
aux herbes folles

la nuit magicienne
fait disparaître
les couleurs

l'aube est l’élixir
qui redonne au monde
ses couleurs

entre bonheur et malheur
trop souvent
juste un souffle



29 juil. 2016


" Inch Allah, Tome 1 : Le souffle du jasmin " de Gilbert Sinoué 15/20



Remonter à l'origine du conflit Israélo-Arabe au travers de la vie de quatre familles, égyptienne, palestinienne, israélienne et irakienne, tel est le sujet brûlant et ambitieux de ce roman de Gilbert Sinoué. De 1916 avec l’éclatement de l'empire Ottoman, à 1956 et la crise du barrage de Suez, l'auteur nous décrit pas à pas les raisons de la décadence de cette magnifique région du monde, devenue un bourbier inextricable, aujourd'hui, et pour longtemps encore. Revenir à la source du conflit, en pointant du doigt la lourde responsabilité anglaise. Mêlant le destin des membres de chaque famille à l'histoire en train de se faire... tragiquement. 

Candidement, je pensais que les tensions entre les pays arabes et Israël n'avaient débuté qu'après la seconde guerre mondiale, quand la population juive cherchait un endroit pour pouvoir enfin vivre en paix. J'étais bêtement dans l'erreur, puisque dès les années 1920, 1921 de fortes échauffourées sont apparues entre ces deux peuples, versant déjà le sang de nombreuses personnes.

L'arrogance anglaise en prend nettement pour son grade, et dans une moindre mesure, la France. D'ailleurs Lawrence d'Arabie, (celui qui a réussi à unifier les tribus arabes pour leur donner une vraie force et unité, face à l'époque, à l'hégémonie Turque) dégoûté par les promesses non tenues données aux arabes par ses supérieurs, ira jusqu'à refuser une haute distinction pour son travail sur le terrain, choquant ainsi toute la royauté britannique, giflée par son mépris.

Mais ne nous méprenons pas, d'inestimables ressources naturelles, notamment le pétrole, expliquent en grande partie la cynique main-mise de grands pays européens dès 1919 sur le Moyen-Orient, prétextant leur assistance assidue dans une organisation administrative de certains nouveaux pays ( Liban, Syrie, Irak). Personne n'est dupe, mais dès lors le ver était dans le fruit, telles les prémices d'un apocalypse.

Stupeur de ma part, il existe un courrier signé de la main de Winston Churchill, recommandant, si besoin en était, d'user de gaz mortel à l'encontre de ce qu'il appelait : des tribus non civilisées (les Kurdes, les Druzes entre autre). Sans vouloir déboulonner la statue du futur premier ministre anglais, on est en droit de douter des qualités humanistes de ce grand dirigeant... un peu moins grand maintenant !

Gilbert Sinoué s'appuie sur bon nombre de bibliographies, citées en exergue, afin d'enraciner sa narration dans une véracité historique. C'est simple, on a parfois l'impression d'un cours de géopolitique. Prof Sinoué nous balançant sans répit un nombre incalculable de protagonistes plus ou moins célèbres. Mais rien n'empêche une relecture plus posée, ou une prise de notes, afin de garder en mémoire les tenants et les aboutissants de ce bouillon de culture moyen-orientaliste !

Malgré tout, la narration de l'auteur reste totalement impartiale, ne prenant jamais le parti de tel ou tel camp. En effet, chacun a des raisons parfaitement légitimes de revendiquer le territoire palestinien. Et comme d'habitude, ce sont les extrémistes juifs et arabes qui verseront allègrement de l'huile sur le feu. Un brin de réflexion aurait permis de se poser, de se parler, de se comprendre réciproquement, et de tenter de chercher ensemble la meilleure solution pour essayer de vivre en harmonie et en paix. Un semblant d'irénisme quoi ! Mais les fanatiques ne l'entendaient pas de cette oreille, ils réclamaient du sang et des larmes, qu'ils n'auront aucun mal à obtenir. Résultat : des centaines de milliers de morts pour rien ! Et demain combien encore ? Qui pense toujours que la guerre est la solution ? Qui ? Alors soyons raisonnable, cessons immédiatement tout combat et ouvrons nos cœurs. En fin de compte, et comme le chantait si bien Valérie Lagrange au siècle dernier :  Tout monde meurt d'amour ! 

Je citerai une phrase d'une logique implacable dite par Dounia, une irakienne : Je suis convaincue que nous devons apprendre à vivre ensemble, sinon, tôt ou tard, nous mourrons ensemble comme des idiots.

Malheureusement, dans ce roman puissamment historique, Gilbert Sinoué oublie de nous décrire les paysages, les odeurs, le soleil, le vent, la nature, les vieilles pierres, les bruits naturels, et les peuples. Le projecteur de la narration cible l'histoire avec un grand H, au détriment du décor d'un Moyen-Orient flamboyant, traditionnel, exotique et éternel ! Dommage !

Et puis les personnages fictifs sont un peu trop caricaturaux. Je me suis même amusé devant toutes les histoires d'amour idylliques des quatre familles, tant l'harmonie règne dans les couples respectifs. De plus, ils sont tous beaux et intelligents, idem pour leur progéniture, qui à leur tour, etc, etc... De plus chaque union perdure dans le temps sans le moindre nuage : pas de divorce, pas de maîtresse, pas d'amant à l'horizon, rien que de magnifiques alliances éternelles. On rêve les yeux ouverts ! Est-ce bien crédible monsieur Sinoué ? Comme si les malheurs abominables de l'extérieur garantissaient l'amour et une paix absolus du couple ! Encore dommage !

Cependant, la pertinence du roman n'est pas là, elle est dans la vision toute objective de l'auteur, qui nous propose un roman instructif et hautement pédagogique, essentiel pour revenir aux balbutiements d'un mal, qui est loin d'avoir dit son dernier mort.

26 juil. 2016


HAÏKU   Partie X

°°°°°°°°°

éclats de soleil
tombés au sol
fleurs de pissenlit

girouettes végétales
dansant au vent
les herbes folles

été dresse
automne courbe
hiver enterre

automne de la vie
main invisible
appuyant sur l'homme

si la nuit est noire
c'est juste pour économiser
les couleurs du jour



20 juil. 2016




" Les années " de Annie Ernaux  8/20

A partir de l'après guerre jusqu'à aujourd'hui, Annie Ernaux nous propose une série de chroniques sur le temps qui passe. S'aidant de photos d'époque, elle articule un discours fait de souvenirs sur sa vie, sa famille et l'histoire                                                               politique du moment.

Ce roman étant porté aux pinacle par certains critiques, il m'apparaissait évident de m'y plonger un jour, certain d'y prendre beaucoup de plaisir. Malheureusement le bonheur recherché ne fut point au rendez-vous ! Grosse déception ! Et pourtant j'ai adoré la magnifique illustration de couverture, comme quoi la façade ne veux rien dire !

Certes quelques passages sont forts, notamment la dénonciation d'un état absent au sujet des avortements clandestins (il faudra attendre la loi Weil, en 1974 pour autoriser l'IVG). De belles images aussi sur le temps qui passe, qui s'enfuit déjà, et aux regards que nous portons à nos enfants, qui vite n'en sont plus. 

Néanmoins, je suis rapidement tombé dans l'ennui, la monotonie. Cela est certainement de ma faute, cependant, l'empathie n'a pas pris ! Pourtant je me suis appliqué à aller jusqu'à la toute dernière page, comme un lecteur discipliné et assidu, cherchant vainement où certains trouvaient du génie pur. Le livre à beau ne faire que 250 pages, cela m'a semblé long, mais long ! Comme une insomnie sans fin !

Pourquoi cette désagréable impression ?  

D'abord parce que employer le " Elle" pour parler de soi m'insupporte au plus haut point, soit on assume sa vie, ce qui semble être le cas, soit on écrit une oeuvre romanesque et puis c'est tout ! Comme si cette posture distante relevait d'un snobisme incongru, déplacé, malpoli !

Ensuite, l'ensemble paraît décousu, chaotique, désordonné, confus, ne comportant aucun chapitre, tout s'enchaîne sans fin, dans un mouvement commun, comme-ci tout se valait, sans nuance. La vie a beau être un long fleuve, tranquille ou pas, il y a quand même différents degrés d’intérêt et d'enthousiasme dans les événements qui la jonchent.

Et puis il y a ce côté enfilage de perles. Notamment quand elle dénonce le côté mercantile de Noël, ou des fêtes religieuses : Ah bon, on nous pousse à acheter tout et n'importe quoi ! Non ? Pas possible !

Sans oublier ces dénonciations rapides des hommes politiques, de la guerre, d'un état rigide, qui ne vont pas bien loin. Autant lire un livre de l'histoire contemporaine de la France. 

Et le cliché typique du 11 septembre où chacun se rappelle où et ce qu'il faisait ! Fallait-il vraiment en parler pour en dire si peu ?

Sans oublier le côté radotage populiste en citant toutes les marques qui ont fait sa vie, qui ne peuvent être qu'un remplissage stérile. Elle veut dire quoi ? Qu'avant c'était mieux ! Que maintenant tout est nul ? D'autant que les plus jeunes d'entre-nous doivent s'interroger devant ces noms qui ne veulent plus dire grand chose aujourd'hui ! Ou alors qu'elle s'en serve pour aller de l'avant. 

Enfin, ses commentaires politiques affleurent trop souvent le niveau zéro.

J'ai été franchement perdu dans ses élucubrations, sans GPS littéraire pour me guider. Une bio plus explicite, courant sur une durée moindre, m’aurait nettement plus contenté.

S'agit-il d'une suffisance mélodramatique, parfois caricaturale parfois pompeuse, avec quelques phrases aussi longues qu’alambiquées, dont j'avoue modestement n'avoir pas saisi tout le sens profond ! 

Mais peut-être que je suis bêtement et candidement passé à côté, que je l'ai lu trop vite, que ce n'était pas pour moi, que je suis un incorrigible atrabilaire, ou tout simplement : que je ne sais pas lire !

Attention, je ne juge aucunement son oeuvre littéraire abondante. La généralité est si dangereuse, mais celui-ci, il m'est totalement impossible de le conseiller sans mentir !

14 juil. 2016


HAIKU   Partie IX

°°°°°°°°°

dos à la lune
je sais qu'elle est là
dans les prunelles d'un hibou

grande coquette
la falaise
se coiffe de nuages

vol d'un corbeau
déjà l'automne
mon dos se voûte

la tristesse du monde
fait voler
les oiseaux sur le dos

sous nos pieds arrogants
qui entend
les vers de terre pleurer




5 juil. 2016



" L'homme qui savait la langue des serpents " de Andrus Kivirähk  18/20


Jadis, les Estoniens vivaient au coeur de la forêt en totale osmose avec la nature. Au point de parler admirablement le langage des serpents, permettant aussi de discuter avec une bonne partie du monde animal. Avantage leur procurant ainsi une nourriture sans effort, en appelant simplement les animaux au lieu de les poursuivre dans une chasse effrénée. Ainsi les Estoniens étaient un peuple libre, qui se gouvernait lui-même. Cependant au XIII ème siècle, venus par la mer, des chevaliers-prêtres teutons bouleversèrent les habitudes de vie des autochtones en apportant une nouvelle religion, l'agriculture et de nouvelles nourritures et boissons. Dès lors, fuyant le monde boisé, une grande partie de la population s'établit dans les plaines, changeant radicalement de mode de vie. Peu de gens résisteront aux attraits d'une soi-disante modernité, puisque seule, une poignée de personnages préféreront suivre les habitudes ancestrales des anciens, mais pour combien de temps encore ?

Sous les allures d'une fable d'un réalisme magique inspiré des foisonnantes sagas des pays nordiques, l'auteur estonien Andrus Kivirähk nous propose un magnifique réquisitoire contre tout obscurantisme.

Et puis pour réhabiliter le monde des serpents, il n'y a pas mieux, d'autant que ces créatures très fières, ne supportent ni la bêtise, ni l'étroitesse d'esprit des humains qui renient leur passé. Rien que ce paramètre promet déjà une lecture enthousiasmante.

Andrus Kivirähk ne ménage en aucun cas son personnage principal, Leemet, puisqu'il est le dernier homme de sa famille, le dernier garçon à être né dans la forêt, le dernier à parler la langue des serpents, le dernier à résister aux croyances affligeantes des humains, le dernier à avoir rencontré un poisson gigantesque, et le dernier à s'être occupé de la mythique salamandre : le puissant animal volant, symbole de la nostalgique suprématie du peuple de la forêt estonienne. Bref Leemet, c'est le dernier gardien des traditions, en somme : le dernier des Mohicans !

Il y a beaucoup de paroles qui résonnent étrangement sur le monde actuel, notamment quand Leemet s'exprime face à un chef du village en déclamant : J'ai vécu toute ma vie dans la forêt et je te le dis : les génies, ça n'existent pas. Ce n'est pas d'eux qu'il faut avoir peur, mais des gens qui croient en eux ! En effet dans ce roman, les superstitions n'ont pas de bornes, et d'elles découleront tout un processus de malheurs et de violences, ensemençant des drames successifs.

Néanmoins, tout aurait pu tourner autrement, avec juste un zeste de jugeote, un rai de lucidité, une ombre de clairvoyance, mais l'humanité n'est que ce qu'elle est : un être s'illusionnant de sa propre ignorance, avec les conséquences désastreuses que cela engendre fatalement.

Un roman sur la nostalgie d'un monde passé, trépassé, sans aucun espoir de retour, face à l'arrivée d'un modernisme arrogant de suffisance. A l'instar de Leemet, ayant grandi trop longtemps dans la forêt et ne pouvant plus s'adapter au village. Andrus Kivirähk nous dit avec pertinence que s'il est difficile de ne pas être de son temps, il est tout aussi vain et terrible de s'enfermer dans la défense d'un mode de vie ancien, dont quasi plus personne ne se reconnaît, tel un fantôme du passé, plus qu'un passé concret. D'où deux mondes qui s'affrontent dans une incompréhension totale, avec comme toujours le refus absolu d'écouter l'autre, de le considérer, et de lui donner simplement le droit d'être, d'exister, de vivre quoi ! 

Paradoxalement, malgré le côté tragique et dramatique de cette épopée, le ton est souvent léger, badin et même parfois humoristique, charme supplémentaire de ce roman complètement atypique.

L'écriture est à la fois si fluide si extravagante et si emballante, que la lecture progresse vite et sans effort malgré ces 450 pages, avalées pour mon cas en très peu de temps. C'est simple j'ai eu l'impression de lire une simple grosse nouvelle !

N'oublions pas de saluer l'imagination débordante d'Andrus Kivirähk, avec ses ours libidineux, ses anthropopithèques éleveurs de poux, son vieillard cul-de-jatte qui s'envole dans les airs, son Ülgas le sage des forêt qui le deviendra de moins en moins, mais surtout cette langue des serpents, permettant de communiquer avec le règne animal, comme une possibilité que nous aurions eu jadis, et qui au fil du temps, se serait diluée dans les méandres hasardeux de l'évolution. Grosse perte pour l'humanité !

Bref, une pure tragédie, un bijou de fantaisie, historique et philosophique, une oeuvre universelle, mais surtout un fervent plaidoyer contre toute croyance mystique. Inoubliable. A lire d'urgence !