9 oct. 2016


" Un goût de cannelle et d'espoir "  de Sarah McCoy  13/20


En 1944 à Garmisch en Bavière allemande, la famille Schmidt, malgré les restrictions draconiennes, parvient toujours à faire tourner sa boulangerie-pâtisserie. Entre ses parents patriotes, sa soeur volontaire au Lebensborn (complexe de naissances pour les aryennes pures) et son prétendant officier de l'armée nazie, la jeune Elsie, 16 ans, vit jusqu'alors des odeurs alléchantes du fournil et d'insouciance pure. Cependant, le soir du réveillon de Noël 1944, le destin, par l'intermédiaire d'un enfant juif chétif qui vient toquer à sa porte, va bouleverser sa vie pour toujours.

Soixante ans plus tard, au Texas, la journaliste Reba Adams s'apprête à rencontrer la patronne d'une boulangerie-pâtisserie allemande, afin de compléter un ensemble d'articles sur les traditions de Noël dans différents pays. Cette rencontre sera pour la vie personnelle de Reba le début d'une catharsis salvatrice.

Sarah McCoy nous décrit une Allemagne nazie dont les habitants prennent peu à peu conscience de la réalité des faits. Devant la disparition des juifs, leur biens confisqués, la violence des hommes de la Gestapo, beaucoup préféraient fermer les yeux. Cependant, quand leur pays fut mis à feu et à sang par les forces alliées, leur confiance au Führer s'est vite émoussée. Les lettres d'Hazel, la soeur d'Elsie sont là pour témoigner de cette perte de convictions flagrantes. Et parmi ces allemands déboussolés, certains, les plus humanistes d'entre eux, au péril de leur vie et de celles de leur entourage, ont recueilli des juifs chez eux. De même, certains soldats ou officiers vivaient très mal le fait d'être les exécutants des abjects ordres nazis, psychologiquement ils furent détruits totalement, ne supportant cette situation dégradante que grâce aux drogues et médicaments.

Elsie se métamorphosera devant l'inqualifiable attitude nazie, n'ayant plus aucune fierté d'appartenir à la race dite supérieure, elle veut fuir ce pays de haine, de souffrance, et d'injustice épouvantable, comme une avide envie d'autre chose, loin, loin ailleurs, sous des cieux plus cléments.

Puis 60 ans plus tard, il y a l'histoire d'une autre femme, Reba. Traumatisée par un père, un ancien militaire du Vietnam, tyrannique et alcoolique. Sa mère fera tout pour sauver les apparences. Comment dès lors pour Reba s'ouvrir aux autres, quand l'exemple de sa mère s'affiche à elle. Pourtant un homme l'aime profondément, un garde-frontière nommé Riki, qui cherche à réagir avec humanité devant les hordes de réfugiés mexicains qui déferlent sur la frontière.

Ce roman est entièrement rempli d'odeurs de bons pains chauds, de viennoiseries attrayantes, et de pâtisseries gourmandes. D'ailleurs Sarah McCoy donne toutes les recettes bavaroises à la fin du livre, comme une suite logique en cuisine de son roman.

En vérité il y a deux histoires fortes et atypiques dans ce roman, l'une et l’autre auraient très bien pu faire l'objet de deux différents livres, il y a de la matière pour les étoffer suffisamment. Sarah McCoy par ce moyen de narration que j'estime superficiel, emberlificote les deux récits, pour en faire un pudding littéraire. Hélas ! La digestion s'en ressent. Parfois je ne savais plus si j'étais en 1944 ou en 2007 ! Et puis, vous vous laissez prendre par une belle et tragique histoire, dont vous avez une grande impatience de connaître la suite, et vlan, on vous embarque 60 ans plus tard à des milliers de kilomètres de là, dans un nouveau récit qui n'a rien à voir, ou si peu, comme-ci vous débutiez un autre roman !  Perturbant ! Personnellement ces procédés d'écriture m'ennuient, cela sent trop la construction volontairement hachée pour forcer artificiellement les lecteurs à une lecture plus addicte.  

De ce fait, l'histoire se déroulant à la fin de la seconde guerre mondiale aurait mérité une plus ample exposition. Hazel n'intervient que de manière épistolaire, c'est frustrant ! Une description de sa vie dans cette antre de la reproduction organisée de la race aryenne aurait grandi intelligemment le roman. De même une plus grande exposition de la jeune vie du prétendant de Elsie, Josef, aurait accru le roman d'un parcours perturbé et traumatisant, très constructeur pour le récit. Quel dommage de vouloir absolument relier le passé au présent, dans un aller-retour incessant et facétieux.

La partie se déroulant en 2007 au Texas, m'apparaît comme un bouche trou, cherchant absurdement à faire le pendant avec celle de 1944. Je ne dis pas que la narration est insipide, mais son développement reste à faire, les réfugiés mexicains sont comme un prétexte, un ersatz de ce qu'aurait pu être cette partie. Elle méritait avec un sérieux développement un sujet de livre à lui tout seul.

Malgré tout je peux comprendre que certains lecteurs se satisfassent et s'enthousiasment même pour ce roman, où le passé vient hanter le présent. D'autant que finalement après lecture, ce qui reste malgré toutes les horreurs de ce roman, c'est comme un goût d'espoir sur les lèvres des pauvres gens du monde entier !



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