14 nov. 2016


" Dans la maison de l'autre "    de Rhidian Brook   15/20


En 1946 à Hambourg, pendant l'après guerre, le Colonel Lewis Morgan se retrouve à la tête des troupes d'occupation. Il est chargé d'opérer la dénazification de toute la partie allemande attribuée à l'Angleterre, et d'ébaucher la reconstruction de la zone dévastée. La tâche s'annonce lourde et épuisante devant l'état de ruine quasi totale du pays, sans parler d'une population parfois hostile mais toujours famélique et indigente, qui n'a qu'un seul but, subsister. Rien ne leur sera épargné à ces malheureux, d'autant que l'hiver 1946 fut très rigoureux.

Logé avec sa famille dans une grande et belle maison d'architecte réquisitionnée, le Colonel Lewis, par souci d'altruisme, propose aux propriétaires de continuer à demeurer dans leur bâtisse, au grand dam de sa femme Rachel. Cependant, les circonstances et les différents vécus vont vite rendre ce huis clos étouffant, oppressant, faisant monter un sentiment de haine, surtout de la part de Frieda, la fille d'un propriétaire allemand, très marquée par la mort de sa mère, victime comme tant d'autres des bombardements alliés (Hambourg détruite à 90 %).

Rhidian Brook éclaire de son talent cette page peu connue de l'histoire, celle ou les vainqueurs et les vaincus sont forcés de vivre ensemble, le temps de réorganiser un semblant de vie, après les dévastations inhumaines subit par les deux camps. Toutes les aigreurs, les rancœurs et les haines farouches sont dévoilés et combattu afin d'apporter un début d'apaisement aux souffrances inhérentes à la guerre. Une vie dite "normale" doit reprendre ses droits, après ces années d'hostilités. 

C'est un roman où l'absence est omniprésente, celle des couples séparés par les péripéties de la vie en temps de guerre, celle des disparus face à la douleur ineffable des survivants, celle d'un pays détruit si agréable hier encore, celle d'une époque révolue à jamais noyer sous les ruines et les cendres, et enfin, absence criante de nourriture et de logements décents.

La relation entre la femme du colonel, Rachel, et Edmund, le propriétaire de la maison, s'affiche comme étant le noeud du roman, passionnante de rigueur, de sévérité, puis enfin, d'humanité. Bien sûr les débuts de cette vie en communauté furent houleux et orageux, bâtis d'individualisme, d'ignorance et de bêtise, cependant petit à petit ces deux "ennemis" vont apprendre à se connaître, à s'apprivoiser, puis à s'apprécier, entre autre grâce à l'art... mais chut, je ne voudrais pas en dire de trop !

Petit bémol à mes yeux, il manque au récit un soupçon de souffle épique, un brin d'envergure européenne, un courant dynamique et décoiffant, bref un élan ébranlant protagonistes et situations. De plus les descriptions de la ville et du fleuve (L'Elbe) me semble un rien succinctes, et auraient grandit le propos et nos horizons géographiques, mais j'en demande sûrement trop !

A noter que cette histoire fut inspirer à l'auteur par celle de son grand-père le Colonel Walter Brook. Nommé à Hambourg "Gouverneur de district", et responsable de la reconstruction d'un territoire aussi vaste qu'un comté anglais. A la recherche d'un toit, il réquisitionna la demeure d'un riche marchand, mais autorisa ses propriétaire à y rester. Cette situation atypique due à un fond d'altruisme si bienvenu, prouve que égocentriste n'est pas encore omniscient.

Bref un roman mêlant avec délicatesse et sensibilité des vies lourdement éprouver, dont Rhidian Brook sait parfaitement mettre en exergue leurs profondes complexités. Qui bouleversera certes, mais résonnant d'une bienveillante humanité.

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