Dans une ville imaginaire, Damien North vit tranquillement, presque timidement, sa vie de professeur de philosophie dans une université huppée. Veuf, depuis que sa femme s'est suicidée, il mène sa vie de manière retirée, sans faire de vagues.
Cette tranquillité bascule le jour où il est accusé d'avoir télécharger sur son PC des images à caractère pédopornographiques. Le prévenu a beau se savoir innocent, la machine infernale est en route, broyant tout sur son passage.
Alexandre Postel décrit, avec acuité, l'appareil judiciaire et pénitentiaire, dont certaines dérives sont amplement inquiétantes. Malheur à vous, si vous avez la malchance d'être pris dans les mailles de ces filets là, d’autant que vous savez pertinemment être innocent. Parfois les rouages de cette machinerie vous rejettent à la figure vos habitudes de vie, qui prises une à une dans un contexte neutre sont anodines, mais sous le grossissement de la loupe d'une accusation perfide, peuvent s'avérer tragiques et diffamatoires. Quand l'engrenage juridique s'ébranle, il devient quasi impossible d'arrêter ce mouvement de rouleau compresseur.
Le propos de ce roman, loin du monde scabreux de la pédophilie, est d'étudier les réactions d'un homme accusé d'un crime qu'il n'a pas commis, surtout si tout l'accuse. Donc de disséquer sa façon de réagir face à l'abject le plus avilissant, mais aussi de comprendre comment, petit à petit, la perception qu'il a de lui-même va être modifiée, et en symétrie, comment son entourage va réagir devant cet homme traîné dans la boue. L'auteur joue de cette altération sur tout ce petit monde, comme un chercheur qui étudierait la réaction d'un animal face à un stress.
Puis, naturellement, la question se pose de savoir si on peut être définitivement blanchi d'une telle accusation face à son cercle familial et à ses amis. Un doute subsiste-t-il toujours ? La souillure est-elle toujours là ? Comme une empreinte indélébile. Définitivement.
L'un des problèmes soulevés nage autour du processus de compréhension : on souhaite toujours qu'autrui nous comprenne, cependant soi-même, se connaît-t-on vraiment ? Une part de notre personnalité n'est-elle pas un mystère pour nous-même ? Qui sommes-nous vraiment ? Doit-on avoir peur de nous-même ? Sans en avoir l'air, ce livre triture et interroge nos propres existences.
De bout en bout, la narration se déroule dans une atmosphère hitchcockienne, prenante et angoissante. L'écriture est précise et froide comme la justice.
Un livre utile, forte fable morale, dont l'amplitude réaliste et rugueuse ondoie longtemps encore dans notre inconscient, après sa lecture.
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