4 juil. 2017



" La folle du logis "   de Rosa Montero   17/20

      Ce livre se veut à la fois un récit autobiographique (mais l'est-il vraiment ?) et un essai qui tente de décrypter ce qui constitue l'état d'écrivain : l'imagination, l'écriture et le style, mais attention, avec un ton léger, jubilatoire et parfois désinvolte, bien loin de toute plombante démonstration méthodique et rationaliste.
      Car oui, pourquoi écrire ? Pour braver le temps ? Par catharsis ? Pour assouvir une addiction ? Pour laisser une trace ? Pour mieux appréhender le monde ? Par narcissisme pur et simple ? Pour s'affranchir des convenances ? Pour le plaisir de créer ? Pour frôler l'extase d'écrire l'oeuvre parfaite ? Pour tout ça à la fois, et bien plus encore !

      Toutes ses considérations autour du travail, bien mystérieux, de l'écriture, emportent mon adhésion, tant elle domine son sujet, au point de nous surprendre par sa folie créatrice, par ses élans subversifs, jusqu'à nous faire avaler certaines couleuvres. Difficile d'en dire plus sans dévoiler ses intentions ou ses emportements.

      Au travers d'écrivains célèbres, qu'elle n'hésite nullement à égratigner quand il le faut, Rosa Montero, exprime une certaine recherche d'honnêteté dans sa démarche d'auteure. Tant d'écrivains ont vendu leur âme au diable, tant ont sacrifié leur immense talent sur l'autel d'un bien-être castrateur pour quelques avantages en nature : Nous les humains sommes des créatures si paradoxales que le talent le plus sublime peut coexister avec la plus stupide et la plus vulgaire de nos faiblesses. Rosa Montero, en fervente stakhanoviste de la droiture comportementale, nous fait une éloge de la déontologie telle qu'elle la conçoit, et cette clarification fait un bien fou, en osant épingler, avec espièglerie, quelques noms de la littérature mondiale et pas des moindres. Et penser que de grands hommes comme eux n'étaient pas toujours des êtres parfaits irréprochables et désintéressés, cela relativise bien des choses.

      L'écriture de Rosa Montero s'avère particulièrement brillante et intelligente, avec une finesse, un style, qui dénotent un certain vécu. Cette baroudeuse des mots a le don d'harponner avec une justesse rare le mot idoine. Je m'étonne d'ailleurs que cette auteure ibérique ne soit pas plus connue que cela dans notre hexagone, elle le mérite.

      Certaines anecdotes sont singulières, d'autres, toujours habilement racontées pêchent par un intérêt tout relatif. Néanmoins, il y a dans ce chemin littéraire plein de surprises, une soif de vie, une jubilation à confesser, un ravissement à honorer l'écriture, qui font de cette oeuvre un livre foutraque, peut-être, mais plein d'énergie et de références, au point de renvoyer implicitement à d'autres auteurs, même si certains d'entre eux manquent parfois d'hauteur.

      Dans ses questionnements, cette question vitale : Peut-on vivre sans lecture ? Interrogation à nous tous, lecteurs, qui pourrait-être d'ailleurs une interrogation digne de figurer au programme du BAC. Rosa Montero en fait des tonnes, incluant sinon une mort instantanée, du moins la folie, le chaos total, l'asphyxie. Elle ne s'interdit rien, et c'est pour cela qu'elle fait de nous de fidèles addicts.

      Vision personnelle, certes, mais avant tout un hymne à l'imagination, à la littérature et à l'amour inconditionnel des livres. Et c'est bien là l'essentiel !




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