13 sept. 2017

" Décadence "   de Michel Onfray   18/20


      Cet essai est une fresque épique narrant 2 000 ans de notre civilisation judéo-chrétienne, depuis le "concept" de Jésus, dont l'Ancien Testament prédit l'arrivée jusqu'à l'édification d'un état islamique nommé Daesch. Face à ce qui ressemble à la fin de la société judéo-chrétienne, en Europe du moins, Michel Onfray, à la manière d'un constat, nous dessille les yeux devant une succession de faits et leurs inéluctables répercussions sur la société, lui permettant de conclure à la déliquescence de notre époque contemporaine. Monde actuel, notoirement perclus d'individualisme et affublé d'un consumérisme effréné, où seul des notions de profits et de plaisirs immédiats semblent avoir notion de priorité.

      Il y a une telle somme d'érudition et de pertinence dans ce pavé, que je suis obligé de m'incliner devant la masse de travail, mais Michel Onfray est connu pour être un forçat, un stakhanoviste de l'écriture. Tout y est, de l'hypothétique naissance et enfance de Jésus, sa vie, son oeuvre, ses disciples, à l’empereur Constantin qui incorpore la chrétienté à son empire, lui permettant tous les excès, certes, mais au nom de Dieu, ce qui change tout ! Suivent les innombrables conciles, les croisades, l'inquisition, la colonisation de l'Amérique, les guerres de religion, les totalitarismes et la Shoah, avec la position du Vatican sur cet acte effroyable. La liste est très loin d'être exhaustive tant les données afflues. D'ailleurs lire cette rétrospective en une seule fois s'avère roboratif à l’excès, telle une nourriture "spirituelle" trop riche, l'indigestion menace, mieux vaut picorer chapitre après chapitre avec de grands sas de décompression afin de mieux absorber et apprécier ces connaissances autant diverses qu'impitoyables.

      Cette épopée inflige une sévère raclée aux idéologies de tous bords, elle met le doigt sur la fourberie de tout roi, tout empereur ou tout dictateur, gouvernant plus pour consolider leur pouvoir que pour apporter des bienfaits au peuple, tels ces intégrismes religieux, multipliant les autodafés, niant ainsi le moindre esprit de contradiction. Michel Onfray n'est jamais tendre, mais le sujet ne s'y prête guère ! Beaucoup en prennent pour leur grade, allant souvent à contre-courant des idées reçues, notamment avec Saint Paul à Pie XI en passant par Saint Augustin, l'empereur Constantin, et tant d'autres. Dans le sens contraire, certains (trop peu) ont droit aux louanges du philosophe : le curé Jean Meslier, Pie XII et Jean XXIII. 

      Certes, à la lecture de cette accusation de 650 pages, certains dénonceront un dénigrement systématique et caricatural de tout l'ensemble du judéo-christianisme, une orientation des faits, un bilan trop à charge où l'on va d'assassinats en massacres allègrement, au rythme de l'humeur d'un pouvoir politico-religieux en place. Cependant, cela ne retire rien à la véhémence du propos et ne peut le discréditer en aucune manière, en effet, comment peut-on défendre raisonnablement et rationnellement une religion basée sur une femme vierge et enceinte qui accouche avant terme au septième mois, mais qui possède encore son hymen. Ou ce Jésus, nom signifiant comme par hasard celui qui sauve, cet homme résistera six heures à une crucifiction avant d'avoir la force de prononcer une phrase de pardon, puis de décéder. Néanmoins, il réapparaît en pleine forme trois jours plus tard ! Ou encore ces quatre évangiles synoptiques, sinon hagiographiques à l'égard de Jésus, l'homme imperturbable : en effet, jamais il ne rit, ne chante, ne dort, ne rêve, n'écrit, ne boit, ne mange (autre chose que des nourritures symboliques), il ne possède aucun désir et n'est jamais affectueux. De plus il change l'eau en vin, multiplie les pains et les poissons (toujours du symbole), il marche sur l'eau, il ressuscite les morts, il guérit les malades. La crédibilité de tout ceci est proche du zéro absolu. Sans oublier que d'après les archéologues, la ville de Nazareth n'est apparue qu'au IIème siècle ! De plus, les évangiles synoptiques ne le font apparaître qu'à 30 ans, comme s'il n'avait jamais eu de jeunesse. Bah voyons ! Le plus grand mystère dans tout cela, c'est comment 2 milliards de chrétiens dans le monde peuvent prendre cette belle légende pour vérité absolue ?

      Peut-être ai-je trop écouté Michel Onfray en interview, puisqu’en lisant son livre, tout du long comme par magie auditive, j'ai eu l'étrange impression d'ouïr la voix calme et sagace du philosophe lui-même, comme s'il m'en faisait la lecture.

      En conclusion, Décadence est un livre dense d'enquêtes et d'investigations religieuses et historiques, donc forcément polémique. En dehors de toutes les batailles qu'il suscite inévitablement parmi les érudits de tout poil, pour un simple quidam comme moi, il est d'une richesse incommensurable sur ce que fut et que représente encore la société judéo-chrétienne, et rien que pour cela, il mérite grandement d'être ouvert et lu par toute les personnes avides de mieux appréhender le présent. Ensuite, à chacun, à l'aune de son vécu, de sa conscience et de sa sagesse de se faire sa propre opinion.



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