Afin de crédibiliser de façon troublante l'histoire, la narratrice s'appelle Delphine, elle est romancière, divorcée, a deux enfants quittant le nid familial, et vit épisodiquement avec un compagnon nommé François, présentant une émission littéraire et dirigeant un mensuel.
Delphine, depuis la parution et le grand succès de son dernier roman autobiographique sur sa mère, a la plume sèche, et cela depuis de très longs mois. Panne totale d'inspiration au grand dam de son éditrice.
Au cours d'une fête où elle n'avait aucune envie d'aller, Delphine fait la connaissance de L. Une femme de son âge, veuve sans enfant, plutôt belle et à l'allure sophistiquée. L. est nègre pour célébrités en quête de biographie. Vite, très vite L. va s'immiscer dans la vie de Delphine au point de se rendre indispensable, jusque dans l'écriture de son prochain roman. L. lui explique que si elle est sans inspiration, c'est uniquement parce qu'elle refuse d'écrire ce qu'elle doit vraiment écrire, et ce que souhaitent ses lecteurs : la suite du précédent roman en plongeant encore plus dans ses secrets de famille.
Tout ceci n'est que le début d'un processus, d'une trame qui ne fera que s'enfoncer dans une manigance et une mystification troublante.
Delphine de Vigan dissèque avec brio une emprise, une intrusion, et finalement une colonisation venue de nulle part, dont chacun de nous pourrait être la victime, malheureusement consentante. Elle bluffe le lecteur par un adroit ciselage de l'art du suspens ; cela débute par une rencontre apparemment fortuite, qui peu à peu prend son envol vers une singulière ambivalence, avant de s'enfoncer nettement dans l'antre sombre d'un vrai thriller.
Tout au long de sa lecture, le tour de force de ce roman est de ne plus pouvoir distinguer le vrai de la fiction ; puisque cette histoire part d'un récit autobiographique (comme l'énonce le titre), pour s'achever dans l'inventivité d'un écrivain en quête d'un vrai/faux suspens. Force est de reconnaître, que justement ce tour de force est parfaitement réussi, donc maîtrisé, puisqu'il rend le lecteur suffisamment addict pour dévorer fiévreusement l'intégralité du livre. A lui, après, de séparer le bon grain de l'ivraie, s'il souhaite s'approcher au plus près de la Vérité. Mais est-elle vraiment saisissable et appréhendable ?
D'ailleurs la question mise en exergue relève de cela : Les lecteurs veulent-ils des intrigues bien huilées, gorgées de péripéties et de rebondissements, écrites dans le seul but de vendre des livres en plaisant au plus grand nombre, ou attendent-ils autre chose de moins formel comme du vrai, du vécu, de l'authenticité, des livres qui sentent le réel, le sincère, l'honnête et le véridique ? Par l'intermédiaire de cette interrogation Delphine sonde, en partie, le mystère de l'écriture. Là est le point fort du livre : l'écriture doit-elle être une recherche de vérité au risque de n'être rien d'autre, ou doit-elle s'affranchir de cette idée, l'essentiel étant ailleurs, dans le romanesque, dans l'artifice, le mensonge et les faux semblants ? Cette réflexion sur le travail d'écriture se mêle et s'emmêle intelligemment à la l'intrigue du roman, c'est ce qui en fait sa force, même longtemps après sa lecture.
Ecrit avec une redoutable efficacité et un singulier cynisme, D'après une histoire vraie est un bouleversant drame psychologique, admirablement bien positionné sur la fragilité de la frontière entre le Vrai et le Faux, d'où la dimension supplémentaire du roman. A n'en pas douter: un grand moment de lecture !
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