30 avr. 2018



HAÏKU   Partie  LXXXV

°°°°°°°°°

retombées parme
remontées parfumées
- éternelles glycines


la vue d'un bourgeon
d'une jambe nue
- renaissance


abeilles et bourdons
ivres de pollen
- valse de printemps


frileux vent d'avril
sous le pommier en fleurs
chute de neige


à force de contempler
tant et tant la lune
torticolis


26 avr. 2018


" Histoire du juif errant "   de Jean d'Ormesson   17/20


      Par pure jalousie, un cordonnier de Jérusalem nommé Ahasvérus, fou amoureux de Marie-Madeleine, refuse un verre d'eau à Jésus le nazaréen pendant son chemin de croix. Devant ce refus inexplicable, Jésus lui dit : " Je marche parce que je dois mourir, toi, jusqu'à mon retour, tu marcheras sans mourir ". Dés le lendemain, Ahasvérus quitte son échoppe, et, condamné à l'errance et à l'immortalité, il marche, il marche encore et toujours, jusqu'à la fin des temps, il est devenu le Juif errant !
      Deux mille ans plus tard, on le retrouve à Venise, au pied de la Douane de mer, en face du palais des Doges, sous le nom de Simon Fussgänger. Tous les soirs, il prend l'habitude de venir raconter ses improbables aventures à deux jeunes amoureux, qui l'écoutent fascinés, presque envoûtés. Ahasvérus ou plutôt Simon Fussgänger leur fait le récit de ses péripéties incroyables, à travers l'espace et le temps. Ses souvenirs, déballés pêle-mêle, éclateront comme un grand canevas de l'Histoire, avec ses figures incontournables : Christophe Colomb, Stendhal, Théodora, Néron, Chateaubriand, Saint François d'Assise, Poppée, et tant d'autres ! L'auteur nous fait voyager en Italie, en Russie, en Espagne, en Inde, au Caucase, et tout autour du bassin méditerranéen.
      Cependant, qui est vraiment ce Simon Fussgänger ? Un escroc de génie ? Un fou savant ? Un assassin recherché par la police ? Un séducteur aux talents infinis ? Les questions s'alignent par poignées, les réponses s'ordonnent en rang parfait en face, dérangeantes et troublantes parfois, néanmoins toujours opportunes. D'autant que les innombrables noms de notre juif errant, portés tout au long de son parcours, ne peuvent qu'ajouter du mystère au mystère, jugez-en : Cartaphilus, Démétrios, Isaac Laquedem, Omar Ibn Battûta, Esperendios, Luis de Torrès, Hiuan-tsang, ou encore Ragnar le Savant !

      S'inspirant de la légende du juif errant, Jean d'Ormesson y déploie tout son talent de conteur, tout son savoir d'érudit et toutes ses réflexions de penseur. Ce sujet mythique fait figure de folle récréation pour lui, il s'y défoule comme un gamin, bousculant et retournant allègrement nos certitudes, tel un polisson, aussi espiègle que licencieux, aussi futé qu'odieux. Le tour de force de l'auteur est de mêler astucieusement Ahasvérus aux grands événements du monde, de l'antiquité, jusqu'à aujourd'hui, de défiler une bobine sans fin, à l'instar du mythe de Sisyphe.

       Parmi les réflexions développées par l'auteur, et qui lui tiennent à coeur, il y a celle sur la vie et la mort, ou plutôt celle de la vie par rapport à la mort. Stipulant avec ferveur qu'elles sont si étroitement unies qu'elles n'ont de sens que par l'autre, ou grâce à l'autre. Jean d'Ormesson se complaît à détricoter ce thème, à le ridiculiser, comme tant d’autres, rien que pour le rebâtir à sa manière, c'est-à-dire avec une éblouissante argumentation aussi grandiloquente que probante. 
      Autre piste de réflexion : la foi. N'est-elle rien d'autre qu'une forme d'espérance ? Devant les injustices de ce monde : de tous les temps les riches y dominent toujours les pauvres, qu'ont-ils à attendre de cette vie de misère ? Et si, de l'autre côté de la nuit, une vie inconnue, nécessairement plus favorable leurs souriaient ? Toute l'histoire des religions n'est-elle pas dans ce sophisme ?

      Naturellement, à travers ce personnage arlequinesque, Jean d'Ormesson parle d'un mythe qui traîne dans nos cœurs, dans nos souvenirs, dans nos fantasmes, dans nos peurs, dans nos espérances, il est nous-même et tous les autres, il est l'homme prisonnier de lui-même, écartelé entre passé et avenir, il est l'humanité dans son entièreté, immonde et magnifique, effroyable et magnanime. Il est nous tous.

      Au long cours de la magie de la lecture, fortuitement, on peut entendre, au détour d’une phrase ou d'une expression, la douce voix  et légèrement acidulée de l'écrivain nous susurrer à l'oreille, et même d'y surprendre son oeil malicieux, tant ces mots sont les siens. C'est épatant !
      Peut-être quelques longueurs et quelques répétitions sont-elles à déplorer, cependant, vite le vent de la petite et de la grande Histoire regonfle nos voiles, et savamment nous emporte à nouveau vers d'autres lieux, encore plus magiques et plus envoûtants.

      Et comme rien n'épuise jamais l'histoire et le temps, il y a de forte chance pour qu'un événement s'achevant, un autre lui succède... Amis lecteurs, quand vous aurez refermé ce livre atypique, le monde vous reprendra dans ses bras pour vous emporter vers demain, car il y a toujours un demain à demain, jusqu'à la fin des temps, avant que d'autres temps ne se lèvent, et ceci indéfiniment...


21 avr. 2018



HAÏKU   Partie LXXXIV


1er avril -

tout à l'air faux
vivement demain


journée normale
à la SNCF
- aucun train  


aucun sourire

depuis trop longtemps
ne suis-je déjà plus ?


première chaleur d'avril
pourtant sur l'aubépine
une blancheur de neige


chaleur d'avril
malgré le dicton
les corps se dénudent



16 avr. 2018

" L'homme aux cercles bleus "  de Fred Vargas   14/20

      Depuis quatre mois, de bien mystérieux cercles bleus, tracés à la craie sur les trottoirs de Paris, laissent dans l'expectative tous les parisiens. D’autant qu'une inscription, tout aussi intrigante, vient s’inscrire autour de ces cercles : " Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors ? ". Au centre de ces cercles, comme prisonniers, des objets perdus ou abandonnés : trombone, bougie, patte de pigeon, vieux peigne, paquet de cigarette, etc. 
      Le phénomène fait les beaux jours des journalistes et de quelques psychiatres qui théorisent : un maniaque ? un joueur ? Le commissaire Adamsberg, lui, s'inquiète de cette manifestation visuelle, ces cercles et leur contenu hétéroclite lui font craindre le pire, comme si ces inoffensifs ronds annonçaient une tragédie sordide.
      Avec l'aide de deux nouvelles connaissances, Charles Reyer, un aveugle dans la trentaine, autant cynique que beau, et Mathilde Forestier, une scientifique spécialiste des poissons, qui, quand elle n'est pas en mission au fond des océans, passe son temps à étudier le comportement des gens dans la rue ou au bistrot.

      Pour prendre du plaisir à lire ce polar, il faut accepter de perdre ses repères classiques, car tout paraît décalé : les protagonistes, les dialogues, l'intrigue et le dénouement. En premier lieu : Le commissaire Adamsberg, un homme nonchalant, flâneur et flegmatique, semblant être constamment en vol libre, ne croyant qu'à ses sacro-saintes intuitions pour orienter sa réflexion, contrairement à son subalterne, l'inspecteur Adrien Danglart, un homme de logique qui construit un raisonnement le plus rationnel possible. Tous les personnages auront droit à un traitement de la sorte, frisant souvent l'invraisemblable et l'excentrique.
      Les dialogues, souvent baroques, loin d’éclaircir quelconque mystère, remettront du brouillard sur des ténèbres. L'intrigue, à l'image du reste, se révèle farfelue pour ne pas dire incohérente. Le dénouement final, des plus extravagant, laisse un goût d'inachevé, voire de burlesque. De plus, l'inscription autour des cercles ne sera jamais expliquée, on est peut-être pas là pour ça ? Allez savoir avec  Fred Vargas, l'inventeur du genre littéraire appelé " Rompol " !

      Cependant, les personnages, si loufoques soient-ils, se font attachants, leur charme finit par agir et l’empathie avec. De même, l'histoire, pour insolite qu'elle soit, possède une élégance surannée, le tout baignant dans une ambiance déphasée, oscillant entre liberté et poésie. Lire L'homme aux cercles bleus, c'est faire une expérience singulière, pleine de parfums burlesques et vaporeux, et pourquoi pas... capiteux ?

      A noter que ce roman est le premier dans lequel apparaît le personnage du commissaire Jean-Baptiste Adamsberg. Homme faisant peu de cas de la procédure classique, qui, à l'aune de sa créatrice rend un nouveau souffle au polar, en le décalant pour renouveler le genre, ou tout simplement pour l'appréhender... autrement !



6 avr. 2018



HAÏKU   Partie LXXXIII

°°°°°°°°°

chemin de Compostelle
voyage intérieur
malgré ses mille pèlerins


beauté d'une fleur sauvage

croix en pierre moussue
magie du chemin


voyager à pied
prendre le chemin
de son monde intérieur


à chaque instant du chemin
un tableau sous les yeux
- cathédrale de nature


même à Compostelle
pas de victoire
infini est le chemin


5 avr. 2018



HAÏKU   Partie LXXXII

°°°°°°°°°

chemin de Compostelle -
aller plus loin
pour aller plus haut


jamais seul le pèlerin
dans la nature
aux mille visages


au fil du chemin

détachement du monde
- renaissance


sentier bordé de pierres

coupé du monde
enfin seul avec soi


en appui sur le passé

le pèlerin d'aujourd'hui
songe à demain