27 mai 2018




HAÏKU   Partie LXXXVII

°°°°°°°°°

miracle du printemps
partout la nature explose
- résurrection verte


parmi tant d'herbes folles
trois taches rouges
des coquelicots


le nez dans les pivoines
fermer les yeux
une idée du paradis


sur l'allée de graviers blancs
papiers rouges froissés
pétales de coquelicots


rangement de printemps
accessoire essentiel
une poubelle


22 mai 2018

" Les frères Holt "   de Marcia Davenport   16/20



      A New-York, dans les années 50, deux cadavres en état de décomposition avancée sont retrouvés dans les ruines de ce qui fut une belle maison bourgeoise. Les corps sont ceux des frères Holt, Seymour et Randall, les propriétaires de la demeure. Issus de la bourgeoisie new-yorkaise, éduqués, cultivés et distingués, ils ne pouvaient que réussir dans la vie. Que leur est-il arrivé ? Et pourquoi l'intérieur de la maison ressemble à un vrai capharnaüm ! Le mystère est total !

      S’inspirant d'un fait divers terrible, Marcia Davenport en fait une oeuvre inouïe et cauchemardesque. Elle remonte à l'enfance des deux frères pour élaborer une emprise psychologique due à leur grand-mère tyrannique. Marqués à vie, ces deux charmants bambins aux caractères pourtant bien opposés - l'un étant aussi extraverti et colérique que l'autre est timide et tendre - ne parviendront jamais à faire leur propre vie. De manière inexpugnable, des fils invisibles les lient à cette machiavélique maison familiale, jamais ce cordon ombilical ne pourra être coupé, telle une malédiction glissant de génération en génération. Dès lors, chamboulant l'ordre d'un roman classique, cette bâtisse à étages devient le véritable protagoniste de l'oeuvre. Il y a comme un relent hitchcockien derrière cette diabolique histoire.

      Ce qui est remarquable, c'est cette savante construction du livre, qui, peu à peu, fait subir à son lecteur une oppression allant toujours croissante, à l'instar de celle des deux frères. La fin tombe comme une libération. Heureusement, quelques échappées salvatrices - notamment aux couleurs du lac de Côme et de son charmant village de Bellagio - ouvrent une fenêtre sur un grand bol d'air pur, permettant de clore la lecture en apnée. 

      Le point fort du roman est l'étude psychologique très approfondie des deux frères. Tel un jeu de construction, Marcia Davenport édifie patiemment, étape par étape, leur progression psychique, grossissant d'agoraphobie jusqu'au point de non retour.

      Ce récit nous donne un excellent exemple de cette manie appelée "syllobomanie", consistant à une accumulation excessive d'objets indépendamment de leur utilité et de leur valeur. Cet entassement démesuré peut aller, en cas extrême, jusqu'à empêcher toute circulation dans les pièces d'une maison.

      Un roman où la puissance néfaste du passé empêche l'homme de s'accomplir, un roman où la dignité morale brise des destins, enfin un roman où il faut savoir donner ou jeter, sous peine de se voir réduit à l'impossibilité de vivre, tout simplement.


14 mai 2018


" La nuit des béguines "   de Aline Kiner   15/20


      Paris 1310, dans le quartier du Marais vivent une assemblée de femmes appelées "béguines". Cette communauté atypique fut créée suite à un souhait de Saint Louis. Ces femmes, suivant le désir de feu le roi, sont libérées de l'autorité des hommes, c'est-à-dire : refus du mariage et du cloître. Les béguines, mi-religieuses ou mi-laïques, sont actives, charitables, instruites, intellectuellement à l'écoute de tout, elles forment une communauté inclassable et inenvisageable pour l'époque. Justement, cette période est celle de l'inquisition, et beaucoup d'autorités, notamment Philippe le Bel ou encore le Pape Clément V, sans parler des hauts religieux extrémistes, qualifient cette assemblée de dérangeante, de subversive, d'immorale, de provocatrice, à deux pas de l'hérésie. Leur existence est dès lors inexorablement comptée.
      Parmi elles : la vieille Isabelle qui connaît tous les secrets des plantes... et des âmes, veille avec amour sur la communauté.
      Cependant, l'arrivée d'une jeune inconnue trouble leur quiétude. Elle s'appelle Maheut, est dangereusement rousse (signe du diable) et fuit un mariage imposé. Humbert, un inquiétant franciscain la recherche...
      A une période où l'hérésie hante le royaume, où on s'entête à poursuivre les Templiers et qu'en place de Grève on brûle Marguerite Porete pour son manuscrit interdit Le miroir des âmes simples et anéanties, les béguines de Paris vont devoir jouer de savoir faire et de prudence pour protéger Maheut, leur vie d'indépendance et leur sacro-sainte liberté.

     L'auteure, Aline Kiner excelle dans les connaissance du moyen-âge. Ses recherches historiques résonnent à toutes les pages. Elle n'omet aucun détail : les odeurs délétères des rues, des cachots, des vêtements, issues d'une hygiène détestable dont Paris était baignée. Sans oublier la plus immonde, celle de la chair brûlée venant des bûchers, condamnation suprême des soit-disant hérétiques. Par ailleurs, tout en contraste, elle nous décrit la délicate odeur des fleurs et des plantes aromatisantes des jardins des béguines, tel un oasis de paix dans un monde de folie furieuse.

      Aline Kiner nous interroge avec une vive intelligence sur l'obscurantisme, sur l'extrémisme, sur toutes ces figures historiques, ivres de pouvoir, condamnant sans appel quiconque pense différemment, agit autrement ou prie sans intermédiaire. Le protestantisme mettra encore de longs siècles avant de s'épanouir au grand jour, mais désormais le ver est dans le fruit, inexorablement. De plus, dans la période actuelle, ce roman évoque la condition féminine, toujours si ouvertement bafouée.

      L'écriture, le choix des mots, le déroulé des phrases, leurs rythmes s'accordant à l'époque, magnifient le texte, lui donnent une vraie crédibilité, une signature littéraire.

      Néanmoins, en filigrane, malgré le contexte captivant, malgré toutes les qualités intrinsèques de ce roman, ma " béatitude " n'est pas au summum. Peut-être du fait d'une narration qui fonctionne par ellipse, ou par d'incessants flash-back nichés dans chaque chapitre, contrariant ainsi la fluidité de l'ensemble ? Peut-être vu l'usage d'un vocabulaire spécifique au moyen-âge, gênant une lecture épanouie au point de relire certains passages trop abscons à saisir d'un premier jet ? Au point de percevoir plus l'historienne que la romancière ! Manque-t-il un souffle, une dynamique, un peu de chair autour de nos chères béguines afin d'augmenter l'empathie, vis-à-vis d'elles ? Sans doute un peu de tout cela à la fois, ou suis-je un rien trop tatillon ?

      La nuit des béguines est un roman aux indéniables qualités, nous narrant un pan de l'histoire peu connu. Un livre tout en noirceur et en jaillissement de lumière, un petit feu d'espérance au sein d'un monde de ténèbres. A lire donc !


13 mai 2018



HAÏKU   Partie LXXXVI

°°°°°°°°°

printemps pluvieux
nous apprend la patience
cette vertu en perdition


cadeau du printemps
tous les matins
les trilles des oiseaux


passage de la tondeuse
baissant la tête
l'orvet toujours entier


plaisir de sentir
en fermant les volets
l'odeur de l'herbe coupée


petit coin tranquille
être enfin seul
pour songer aux autres

10 mai 2018



" Ta deuxième commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une "  de Raphaëlle Giordano   12/20



      Une simple crevaison de pneu, sur une route pluvieuse, va tout remettre en question pour Camille, une femme de 38 ans, mariée avec un enfant. Sa rencontre fortuite avec un routinologue (un enseignant du bonheur) lui fera entrevoir une nouvelle façon de s'épanouir et de recouvrer le chemin de la joie de vivre. Elle qui, depuis quelques années, avait eu la forte impression de voir le bonheur lui filer entre les doigts.

      Partir à la reconquête de ses rêves trop vite enfouis sous les occupations chronophages du quotidien, voilà le fil conducteur. Ou comment reprendre le contrôle de sa vie en changeant sa manière de réagir face aux aléas ? Tel est le spitch de ce livre, qu'un affolant bouche à oreilles a propulsé au plus haut des ventes. Mérité ou pas ?

      Certes l'intention est louable, digne de faire partie de ces romans appelés feel good book, ces fameux livres qui font du bien. Cependant, une fois la lecture achevée, il me reste comme une sensation d'inachevée. Le livre relève plus d'une thérapie sur le bien-être, plutôt qu'un vrai roman narrant le parcours d'une femme déboussolée en quête de plaisir de vivre. Voilà le souci, il s'agit plus d'une suite de règles de conduite, plutôt qu'un parcours initiatique affublé de digressions romanesques, qui souvent font toute la saveur du plaisir de lecture.
      Ne s'agit-il pas avant tout d'une littérature de consolation pour femmes ayant passé leur temps à s'écarteler entre l’éducation des enfants, leur vie de couple et un épanouissement hypothétique au travail ? Ceci dit, ce roman semble s'adresser plus aux femmes affaiblies ou déclassées psychologiquement, qu'aux femmes rabaissées ou déclassées socialement. Car pour appliquer les conseils de libération de nos entraves, avoir des ressources financières parallèles s'avèrent essentielles. Ainsi, ce livre s'adresse ouvertement à des bobos en recherche de bonheur, plutôt qu'à des smicardes arrivant difficilement à joindre les deux bouts. Néanmoins, sans permettre de sortir personnellement de son fade quotidien, il diffuse un parfum de rêve et de liberté, qui ouvre comme un havre de paix, une parenthèse enchantée, un voyage aux pays des bisounours, etc. Attention au retour sur terre !

      Toutefois, l'écriture de Raphaëlle Giordano est loin d'être neutre ou bâclée, elle exprime une vive passion pour cultiver le mot juste, cela redonne ainsi un intérêt à tout lecteur trouvant fastidieux cette liste de conseils de développement personnel.

        Avec le style et la manière d'un conte féerique moderne, Raphaëlle Giordano nous donne des clés pour partir à la reconquête d'une certaine joie de vivre, qui, sous l'influence néfaste de la routine avait tendance à ne plus faire que de brèves apparitions. Transformer un essai en roman, voilà bien la volonté de son auteure, mais une fois passé le moment de la lecture, combien de personnes affectées changeront réellement quelque chose à leur vie ? Le bonheur n'est jamais si simple, ni si aisé à construire. Sinon, le sourire serait de rigueur partout !



6 mai 2018

" Mémé dans les orties "   de Aurélie Valognes   5/20



      Un octogénaire seul, bougon et acariâtre s'ennuie dans son appartement. Sa fille unique est partie vivre au bout du monde. Il déteste sa concierge qui le lui rend bien. Quand sa chienne meurt, son moral tombe au plus bas. Surgit alors dans sa vie une fillette de 13 ans, très délurée, qui va lui redonner le goût à la vie.

      Devant l'engouement fiévreux qui entoure ce livre, j'ai tenté l'aventure. Malheureusement, ce livre n'est pas pour moi ! J'aurais peut-être dû me méfier de l'étiquette Feel good book, genre " littéraire "qui fait fureur en ce moment, en effet, comment résister à un livre qui rend heureux ? Une vraie mine pour les écrivaillons désireux de toucher un grand public. Le pire, c'est que cette catégorie se vend de plus en plus. Remarquez, si cela permet à nos chers libraires de mieux vivre, c'est toujours cela. Mais franchement, toute cette mièvrerie, ces bons sentiments à la pelle, ces invraisemblances et rebondissements attendus, ce sirop qui coule d’entre les pages, dans quel état d'esprit faut-il être pour succomber à ce point sans la moindre résistance ? Les aléas de la vie quotidienne ont-ils donc, par leurs côtés néfastes et répétitifs, réussi à supprimer tout sens critique ? Honnêtement, cela me désole et je n'ai vraiment pas envie d'être méprisant, chacun est libre de choisir sa lecture. Il doit quand même y avoir moyen d'orienter ce lectorat vers d'autres livres mieux écrits et qui contiennent les mêmes ingrédients, mais où la recette s'avère cette fois-ci excellente. Par exemple, vous qui avez adoré ce livre-ci, faites-moi confiance et lancez-vous dans L'ombre du vent, de Carlos Ruiz Zafon, là vous entrerez réellement dans un univers littéraire, avec aussi une belle histoire humaine, mais d'une dimension toute autre. 

Soyez sympas, faites l'expérience et envoyez-moi vos commentaires. Je me ferai un plaisir de vous répondre.