29 juin 2018



HAÏKU   Partie LXXXXI

°°°°°°°°°

toute cette foule
sous toute cette pluie
parapluie contre parapluie


grêle de juin
sur la carrosserie
un staccato endiablé


une goutte
puis dix gouttes
puis l'averse effrénée


déluge de juin
avec la montée des eaux
un océan de larmes


orages de juin
partout l'eau monte
ô rage eau désespoir



18 juin 2018



HAÏKU Partie LXXXX

°°°°°°°°°

à l'ombre du soleil de juin
fraîche pause lecture
mon chaton et moi


toujours à l’affût

d'une nouvelle bêtise
le chat pitre


au milieu du jardin
un chat immobile
seules ses oreilles bougent


sur son coussin
méditatif et zen
mon chat est bouddha


cabrioles du chat
dans un silence de velours
suis-je sourd ?


Souvenir d'une glycine pétulante.




















A bientôt !

14 juin 2018

     *


HAÏKU   Partie LXXXIX


°°°°°°°°°

tant d'océans de plastique
et cette journée des océans
une goutte d’eau...


toutes ces abeilles
butinant la mort
- requiem


depuis trop longtemps
plus aucun sourire
ne suis-je déjà plus ?


toujours
un demain à demain
même sans l'homme


parasite terrestre
bientôt disparu
l'homme


* photo empruntée à Greenpeace



9 juin 2018

" Croc-Blanc "   de Jack London   19/20

      Dans le Grand Nord canadien, blanc, glacial et sauvage, un louveteau se voit confronté à l'hostilité de la nature, puis à des chiens agressifs et ensuite aux hommes. Il doit faire preuve de bravoure pour suivre son parcours initiatique avant de devenir un mâle redoutable. Au gré de ses rencontres et de la forte lignée de ses aïeux, il se bâtira une personnalité tout en puissance et en haine, qu'une main charitable saura enfin métamorphoser en amour exclusif. Mais chut !... Difficile d'en dire plus sans déflorer toute l'originalité du récit. 

      Il y a une force qui traverse tout ce roman, la force de la nature dans ce qu'elle a de plus féroce et de plus prédatrice. Jack London possède tout l'art de la faire jaillir dans une belle écriture, d'apparence simple, mais qui recèle tant de complexités et de niveaux de lecture, qu’uniquement par la vertu de son efficacité, elle sait intelligemment emporter son lecteur plus loin qu'il ne l'imaginait. Une vraie expérience littéraire.

     Ce livre mythique tourne autour de quatre pôles : 1 / D'abord la description féroce et sidérante du monde sauvage où la survie est une lutte de chaque instant, la moindre faiblesse vous transforme aussitôt en proie. 2 / La cruauté des animaux, mue par un instinct naturel et légitime de se nourrir, est parfaitement mise en opposition face à  la cruauté humaine dont les motivations sont souvent bien moins nobles : pécuniaires, barbares, sadiques ou égoïstes. 3 / L'éventail des relations entre l'homme et l'animal, allant d'une vie sans la moindre affection avec celle où l'amour est le moteur essentiel. 4 / La magie de ce roman est de nous faire vivre toutes les épreuves de Croc-Blanc, toutes ses interrogations et ses humeurs sans jamais le faire parler, ni le faire aboyer, ce qui est le propre du chien d'ailleurs. Jack London s'y prend d'une telle manière que la question ne se pose jamais, tant la fluidité du propos est claire. Tout le charme et l'enchantement du travail de l'écrivain opère, même si l'histoire en manque cruellement. Pas de doute, cet homme maîtrise son art.

      Il est à noter que Croc-Blanc évoque les pas d'un animal, un loup en l’occurrence, vers ce qui est de bon ton de nommer "la civilisation", du Grand-Nord canadien jusqu'aux climats plus doux de la Californie. Cependant, trois ans plus tôt, Jack London avait remporté un grand succès avec L'appel du monde sauvage, l'histoire d'un chien qui suivait exactement le mouvement inverse du sud vers les terres du Grand-Nord. Certainement le souci de vouloir boucler la boucle !
      De même, on doit s'armer de patience pour voir apparaître le protagoniste éponyme. En effet, il faut attendre le deuxième chapitre de la deuxième partie pour entendre les premiers vagissements de Croc-Blanc, alors nouveau-né. Néanmoins, cette première partie est magnifique et grandiose. Elle nous donne à voir ces paysages gelés de blancheur immaculée, d'entendre la folie du monde sauvage quand la famine gronde, et de ressentir l'angoisse chevillée aux tripes de ces hommes prêts à braver l'inhospitalité de ce terrible univers de glace pour percevoir un pécule hypothétique.

      Le lecteur malin, en lisant entre les lignes, pourra de nombreuses fois faire des rapprochements troublants, pour ne pas dire similaires, entre l'histoire de ce roman et la vie de Jack London, comme dans tant d'autres de ses écrits. Croc-Blanc... c'est lui !



      

3 juin 2018





HAÏKU   Partie LXXXVIII

°°°°°°°°°

à contempler la nature
jaillit une grande envie...
de rien d'autre


au-dessus du compost
la danse hystérique
des moucherons de printemps


ce rouge-gorge à mes pieds
festoyant de lombrics
oublie ma présence


dans la chaleur de juin
sur le compost ombragé
un pique-nique de mouches


après une folle journée
retour dans le jardin
- apaisement



1 juin 2018

" Se perdre "   de Annie Ernaux   8/20
      
      Cette authentique histoire de passion ravageuse se déroule à Paris, entre 1988 et 1989. L'homme, 35 ans, de nationalité russe, est marié, il travaille à l'ambassade de l'URSS sans plus de précision. S'agit-il d'un diplomate, d'un apparatchik ou encore d'un membre du KGB ? Peu importe, il est le mâle dans toute sa splendeur ! D'ailleurs même son nom reste mystérieux : un certain monsieur S, Sergueï ?

      La femme, c'est Annie Ernaux, ayant fait de sa vie le sujet de tous ses livres, elle nous livre ici, jour après jour, les pages de son journal intime concernant l'aventure exclusivement sexuelle qu'elle eut avec S pendant plus d'un an. A l'époque l'auteure à 48 ans, est divorcée, mère de deux enfants et gagne sa vie en temps qu'écrivaine. Elle vit sa rencontre avec S comme une liaison incandescente, recherchant la perfection dans l'acte charnel, comme un aboutissement ultime de son corps. Quant à lui, il ne voit dans ces accouplements qu'une jouissance occasionnelle, avec, ce qui fait tout son intérêt à ses yeux : une femme de lettre reconnue, de surcroît une française experte dans l'art de l'amour. Elle est folle de lui, si folle que pendant toute cette liaison, elle ne pourra écrire autre chose que ses sentiments sur ce qu'elle vit avec S. De plus, fascinée depuis toujours par l'âme slave et la littérature russe, c'est peut-être plus le pays, à travers cet homme, qui l'attire inconsciemment.

     Ce roman est un empilement de sentiments diffus et divers qui la traversent, au propre comme au figuré. Avec une précision toute chirurgicale elle décrit l'état de déréliction dans lequel elle tombe quand il n'appelle pas pendant plusieurs jours, jusqu'à l'extase absolue quand son amant annonce son arrivée imminente. La confession n'élude pas grand chose, sans décrire les scènes de sexe, elle en parle à froid avec des mots crus, mais rien de vraiment choquant. Si elle décide de nous dévoiler tout son ressenti, cela la regarde, cependant, ce qui est gênant, avant de devenir franchement lassant, c'est la répétition de son désir sexuel pour S. Cette répétition devient vite excessive et insupportable. Dès lors, comme dans une journée sans fin, tous les jours se ressemblent à l'identique, les variations sont si infimes que l'effet de recommencement s'en trouve encore amplifié, si c'était but recherché c'est réussi. Mais il faut s'accrocher pour atteindre la page finale, pour ma part j'ai décroché à la moitié : chaque jour étant un plagiat du précédant. Une lecture finale en zig-zag a confirmé mes soupçons.

      Avoir le besoin viscéral de retranscrire l'entièreté de ses sentiments, ses besoins les plus charnels, ses expériences passées, ses rêves et ses fantasmes peut avoir un sens en tant qu'acte de libération, de compréhension, telle une catharsis. Cependant, faut-il pour autant absolument tout révéler à son lectorat, sans le moindre travail non pas de lissage ni d’édulcoration, mais de dégrossissement, de débroussaillage. Sous la forme d'un roman autobiographique, cette narration serait devenue plus lisible, plus harmonieuse. Ce texte me donne l'effet d'un champ d'herbes folles, où la nature n’est livrée qu'à elle-même. A nous de nous débrouiller avec ce fatras d'accumulation similaire. Certes, l'expérience est menée dans sa totalité et dans sa brutalité, mais le lecteur doit-il supporter cela ?

      Ce qui me dérange également dans ce récit, c'est cette notion d'incontrôlabilité. Le corps d'Annie Ernaux semble voué à une pulsion d'une puissance infinie, comme aliéné, sans la moindre retenue, l'instinct animal domine, à des lieues de toute notion basique d'amour. Notre corps ne serait-il qu'une redoutable machine sexuelle... qui doit fonctionner coûte que coûte ? Plus de 5 000 ans de civilisation humaine pour s'avouer vaincu devant ce désir irréprimable de coït ! La bête en nous est-elle toujours la plus forte ?

      Ce récit, où une femme est éperdument amoureuse d'un homme qui ne voit en elle que son statut social, est-il véritablement intéressant ? Intéressant et utile ? Utile et passionnant ? Passionnant et indispensable ? A vous de le dire !