Dans le Grand Nord canadien, blanc, glacial et sauvage, un louveteau se voit confronté à l'hostilité de la nature, puis à des chiens agressifs et ensuite aux hommes. Il doit faire preuve de bravoure pour suivre son parcours initiatique avant de devenir un mâle redoutable. Au gré de ses rencontres et de la forte lignée de ses aïeux, il se bâtira une personnalité tout en puissance et en haine, qu'une main charitable saura enfin métamorphoser en amour exclusif. Mais chut !... Difficile d'en dire plus sans déflorer toute l'originalité du récit.
Il y a une force qui traverse tout ce roman, la force de la nature dans ce qu'elle a de plus féroce et de plus prédatrice. Jack London possède tout l'art de la faire jaillir dans une belle écriture, d'apparence simple, mais qui recèle tant de complexités et de niveaux de lecture, qu’uniquement par la vertu de son efficacité, elle sait intelligemment emporter son lecteur plus loin qu'il ne l'imaginait. Une vraie expérience littéraire.
Ce livre mythique tourne autour de quatre pôles : 1 / D'abord la description féroce et sidérante du monde sauvage où la survie est une lutte de chaque instant, la moindre faiblesse vous transforme aussitôt en proie. 2 / La cruauté des animaux, mue par un instinct naturel et légitime de se nourrir, est parfaitement mise en opposition face à la cruauté humaine dont les motivations sont souvent bien moins nobles : pécuniaires, barbares, sadiques ou égoïstes. 3 / L'éventail des relations entre l'homme et l'animal, allant d'une vie sans la moindre affection avec celle où l'amour est le moteur essentiel. 4 / La magie de ce roman est de nous faire vivre toutes les épreuves de Croc-Blanc, toutes ses interrogations et ses humeurs sans jamais le faire parler, ni le faire aboyer, ce qui est le propre du chien d'ailleurs. Jack London s'y prend d'une telle manière que la question ne se pose jamais, tant la fluidité du propos est claire. Tout le charme et l'enchantement du travail de l'écrivain opère, même si l'histoire en manque cruellement. Pas de doute, cet homme maîtrise son art.
Il est à noter que Croc-Blanc évoque les pas d'un animal, un loup en l’occurrence, vers ce qui est de bon ton de nommer "la civilisation", du Grand-Nord canadien jusqu'aux climats plus doux de la Californie. Cependant, trois ans plus tôt, Jack London avait remporté un grand succès avec L'appel du monde sauvage, l'histoire d'un chien qui suivait exactement le mouvement inverse du sud vers les terres du Grand-Nord. Certainement le souci de vouloir boucler la boucle !
De même, on doit s'armer de patience pour voir apparaître le protagoniste éponyme. En effet, il faut attendre le deuxième chapitre de la deuxième partie pour entendre les premiers vagissements de Croc-Blanc, alors nouveau-né. Néanmoins, cette première partie est magnifique et grandiose. Elle nous donne à voir ces paysages gelés de blancheur immaculée, d'entendre la folie du monde sauvage quand la famine gronde, et de ressentir l'angoisse chevillée aux tripes de ces hommes prêts à braver l'inhospitalité de ce terrible univers de glace pour percevoir un pécule hypothétique.
Le lecteur malin, en lisant entre les lignes, pourra de nombreuses fois faire des rapprochements troublants, pour ne pas dire similaires, entre l'histoire de ce roman et la vie de Jack London, comme dans tant d'autres de ses écrits. Croc-Blanc... c'est lui !
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