7 juil. 2018

" Le complot contre l'Amérique "   de Philip Roth   17/20

      Lorsqu'aux présidentielles américaines de 1940, Charles Lindbergh battit Franklin Roosevelt, une peur atavique réapparut dans le coeur des juifs américains. Cette peur ancestrale se mua en terreur quand le trente-troisième président des Etats-Unis signa un pacte de non-agression avec Hitler, doublé de reproches adressés aux juifs, insinuant qu'ils voulaient embarquer le pays dans une guerre contre l'Allemagne nazie.

      Philip Roth, par le truchement du regard d'un enfant juif de 7 ans - qui n'est autre que lui-même - nous embarque dans un univers délétère où, une idéologie totalitaire se met petit à petit en place dans une indifférence quasi générale.

       Avec ce roman de politique-fiction, Philip Roth trouble son lecteur avec une efficacité redoutable. En effet, construit à partir d'éléments issus de documents authentiques si nombreux, on finit par ne plus savoir où s'arrête la réalité et où commence la fiction. Car, même le discours antisémite prononcé par Lindbergh en 1941 est réel, sans parler de sa remise, par le maréchal Goering sur ordre du Führer, d'une décoration honorifique pour services rendus au Reich en octobre 1938, ni de sa présence aux jeux olympiques de Berlin. Grâce aux archives américaines, enrichies de ses propres souvenirs d'enfance, Philip Roth, nous dresse le portrait d'une Amérique pusillanime, plus soucieuse d'assurer sa paix et sa sécurité, que de s'indigner, au nom de principe universel du respect des droits de l'Homme, face à une idéologie mortifère.

    Après l'électrochoc de l’élection de Charles Lindbergh et sa politique de déracinement, visant à disséminer les juifs américains dans tout le pays, tout comme l'ensemble des Etats-Unis, la famille Roth va se morceler en clans opposés. Rien ne pourra éviter les tensions, puis les déchirements entre chacun de ses membres, notamment avec Sandy le fils aîné séduit par un apprentissage estival en plein air, à l’exemple des jeunesses hitlériennes, censé le muer en modèle du bon américain. Le père, peut-être même plus américain que juif, si combatif au début, se verra réduit à l'impuissance par la force malfaisante des discours de Lindbergh, puis par l'apathie de la société américaine, si individualiste et si ostracisante... comme tant d'autres... d'hier, d’aujourd’hui et... de demain.

      Une fois de plus, Philip Roth séduit par son écriture gourmande et passionnée, multipliant les digressions pour mieux appuyer sur les maux de l'humanité. Un grand écrivain sans aucun doute.

     Dans cette uchronie, loin d'être aussi fantaisiste que cela, Philip Roth nous donne à penser avec une singulière audace et une rare intelligence à la condition juive, condamnée à n'être de nulle part.



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