18 févr. 2019

" La possibilité d'une île "   de Michel Houellebecq   14/20


      Difficile d'entrer dans ce roman tant les premières pages, par leur nature éclatées, me plonge dans une grande perplexité. Puis, peu à peu, les brumes se dissipent laissant apparaître tout un univers houellebecquien où se retrouve les caractéristiques de l'auteur : impossibilité d'un amour durable, pessimisme radical, refus de vieillir, le tout emberlificoté dans un cynisme assumé.

      Ce roman, aux allures de conte philosophico-religieux, raconte la vie de David 1, un humoristique professionnel, qui, afin de connaître rapidement le succès, exploite la provocation dans des sketchs aux sujets brûlants : le conflit palestino-israélien, la mafia, la pornographie, etc. Ce cynique volontaire gagne son pari en s'enrichissant rondement. Par contre, en amour, Isabelle puis Esther finissent, malgré une bonne dose de volonté, par le quitter définitivement. Côtoyant depuis quelque temps la secte des Elohims, David 1 devenu mélancolique, apathique et désabusé, se laisse séduire par la bienveillance du groupe qui lui promet rien de moins qu'un retour à la jeunesse pour l'éternité. Oh, n'ayez crainte de la moindre spoliation, le roman est tellement riche, qu'il est beaucoup plus que cela.

      Cette satire sociale et sexuelle de notre monde peut désorienter par son propos sans limite, ou si peu. Outre la partie immergée et reconnaissable des romans de Michel Houellebecq : vie sociétale et charnelle de ses protagonistes, il y a toute une réflexion sur la déchéance et la sénescence du corps, l'homme est-il prêt à tout pour repousser l'inéluctable jusqu'à concevoir un hasardeux clonage ? Pourquoi ne peut-on se satisfaire du temps qui nous a été imparti ? Avec ce roman, Michel Houellebecq offre une solution, cependant, est-elle une acceptable résolution du problème ? Et puis, qui parmi nous mérite la vie éternelle ? D'autant que c'est long, surtout vers la fin, comme le disait en son temps Coluche !
      Ce roman d'anticipation dénote une grande force visionnaire poussée à la limite de l’exercice... c'est-à-dire jusqu'à la création d'un homme nouveau se positionnant au-delà de l'homo sapiens. Néanmoins, toute l'énergie déployée par l'auteur pour élaborer un futur admissible, ne part-il pas d'un sentiment universel face à la dégénérescence de nos corps, tout simplement : la peur de ne plus être ce que l'on a été, ou l'impossibilité de paraître ce que l'on a toujours essayé d'être ?

      Pour être honnête, je me suis un peu perdu dans ces presque 500 pages autour de considérations scientifiques, philosophiques, ou bien encore houellebecquiennes, un rien brouillardeuses. Certes, sans pour autant perdre l'essentiel de vue, mais avec quelques passages de grande solitude, tel un marin égaré en mer songeant et priant pour l'illusoire... la possibilité d'une île.

      Avec une plume authentique, crue et provocatrice, Michel Houellebecq dissèque l'âme humaine, exposant nos pensées les plus viles et les plus sombres, révélant beaucoup de choses sur le caractère immuable de la nature humaine.


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