Mei est une jeune ouvrière chinoise de 17 ans. Toute sa vie se résume à son métier de couturière en usine ; elle travaille énormément et elle dort peu. Heureusement ses rêves sont là pour qu'elle s'évade un temps de son univers quasi concentrationnaire.
Un beau jour, l'amour lui tombe dessus comme une nouvelle possibilité de songe éveillé. Cependant, cet ardent et insatiable désir, est-ce vraiment une chance ?
Avec ce court roman, l'auteure met le doigt sur l'âpre réalité de toutes ces femmes chinoises, qui, penchées sur leur machine à coudre, passent leur vie à produire des chemises, des tee shirt ou des robes, pour un occident ignorant ou ne voulant pas connaître les conditions de vie de toutes ces petites mains.
En vérité, toute l'histoire tragique de Mei est contenue dans la façon d'écrire de l’auteure, à la fois tout en délicatesse et désespérance, sensibilité et souffrance. Dans sa prose, il y a un ton incantatoire, où, une rythmique saccadée creuse un sillon de vie mettant à jour des pierres d'émotion qui s'arqueboutent contre une réalité épuisante et sans espoir. Cependant, sa plume n'est pas que cela, elle penche aussi sous le vent de la poésie du haïku japonais, par son côté raccourci. D'ailleurs, Sophie Van Der élague le superflu, elle écrit à l'os, directement dans le dur, comme un long cri de rage, puis d'amour et encore de rage ! Un cri à l'allure universelle. Le côté imprégnation de l'histoire dans l'écrit m'a rappelé le magnifique roman de Carole Martinez, La terre qui penche.
Grande dénonciation de condition ouvrière féminine de l'Empire du milieu, où tous leurs gestes deviennent des automatismes, elles ne pensent plus, elles sont des robots de chair et d'os. Victimes d'un capitalisme tout puissant, dont nous ne sommes pas innocents et qui serait rendu moins puissant... sans ELLES.
La fabrique du monde est un texte bouleversant et révoltant. Magnifié par une écriture au goût amer. Acte de lucidité extrême. Belle et courte oeuvre littéraire, comme la foudre !
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