Paris, fin des années 1980. Eric Duval est un trentenaire employé dans une entreprise de produits phytosanitaires de Cergy. Ce fils d'agriculteur du Perche reste nostalgique de la vie à la campagne, il ne peut parvenir à s'épanouir totalement dans l'hystérie de la vie parisienne. Valérie, sa femme depuis deux ans, est une citadine affirmée.
Quand survient le décès accidentel du père d'Eric, sa mère, malgré la solidarité de ses voisins agriculteurs, doit assumer seule les lourds travaux de la ferme. Sa santé lui faisant défaut, il faut songer à la vente de l'exploitation, à moins qu'Eric se décide à franchir le pas en reprenant la succession.
Ne supportant plus les remontrances de son irascible patron, Valérie, à la grande surprise de son mari, décide elle aussi, de quitter la capitale et de découvrir la vie d'agricultrice.
Tout comme son personnage, Jean-Luc Mousset est un fils d'agriculteurs. Lui aussi n'a pas repris l'affaire familiale, choisissant de vivre autrement. Cependant, toute sa culture du terroir paysan lui permet de dresser un portrait honnête et profond de la vie du peuple de la terre. Il n’omet pas la notion si primordiale de nos propres racines, celles qui s'ancrent dans l'histoire familiale, dans le substrat de notre passé, celles qui sont à la source de nos vies.
Autant l'auteur subjugue son lectorat par une fine description de la vie rurale, ponctuée par les saisons et leurs capricieuses météos, autant sa maîtrise des différentes énigmes jalonnant l'intrigue manque de rigueur. En effet, (attention je déflore) tout est mis en évidence pour nous faire croire que la mort du père d'Eric est tout sauf accidentelle, pour déboucher dans le final sur une absence aberrante de révélation. Le roman avait-il besoin d'alimenter pléthore de mystères pour captiver son lectorat, tant les thèmes abordés, par ailleurs, sont variés et passionnants ? Assurément, la richesse de sujets se suffit à elle-même, pêle-mêle l'auteur développe : les choix immanquables à chaque vie, la remise en question de la façon de pratiquer son activité professionnelle, l'élevage intensif, une certaine recherche d’authenticité, les luttes face au scepticisme des banquiers et parfois des collègues, envisager la rentabilité de son exploitation, la difficulté de bosser avec un associé, la notion de culpabilité, la possibilité d'expiation, le sacrifice, etc. Aucunement utile d'aller piétiner les plates-bandes de je ne sais quel roman à suspens à deux balles !
Derrière la plume sensible de l'auteur, on sent l’incarnation d'une sincérité qui parle de choix, de regrets et de blessures non refermées ; à chacun de ses protagonistes de vivre en s'arrangeant ou en s'accommodant de ces petits et grands traumatismes, qui, au gré de leur envie, refont surface un jour ou l'autre pour pourrir des moments de vie qui auraient pu être heureux. Ces faiblesses, ces fragilités sont notre lot quotidien, inhérentes à la condition humaine, à l'âpreté d'un monde où la noirceur humaine abîme trop souvent et inutilement tout.
Jean-Luc Mousset saisit le temps qui passe dans une période où la société rurale est une fois de plus en pleine mutation, des questions se posent sur le productivisme intensif, des voix contradictoires se font entendre prônant un retour à une culture plus douce, plus variée, débouchant sur une vente directe au public. Sans donner de réponses péremptoires, l'auteur amène le public à s'interroger sur le type d'agriculture qu'il souhaite. Et rien que cela, c'est déjà beaucoup.
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