12 oct. 2019

" Manifesto "   de Léonor de Récondo   11/20


      Proche de son dernier souffle, Félix, ancien peintre et sculpteur, repose sur son lit d'hôpital. A son chevet, sa femme Alice et sa fille Léonor, dans un dernier rendez-vous d'amour et d'émotion. Léonor se souvient des moments de tendresse artistique avec son père. Pendant cette ultime nuit, l'esprit de Félix revit sa jeunesse espagnole, avant la guerre civile et l'inéluctable exil. Ainsi il y rejoint le souvenir d'Hemingway, ils se racontent la vie, la mort, les femmes et la guerre.

      Ce roman largement autobiographique fait se chevaucher alternativement les pensées de Léonor et celles de Félix, telle une dernière danse tourbillonnante de joie partagée entre amour et force créatrice, avant que la mort ne tire définitivement son lourd manteau sombre.

      Il n'est pas toujours aisé d'exprimer sa déception pour une romancière pour qui on éprouve une certaine sympathie grâce à de vrais moments de bonheur littéraire, notamment avec le jouissif Amours et le magnifique Point cardinal. Là, je suis resté dubitatif. Oh certes, la belle plume de Léonor de Récondo répond toujours présente, oscillant entre poésie et émotion ; certes, elle aborde le périlleux sujet d'un décès imminent avec délicatesse et retenue ; certes, elle nous distille un beau dialogue inventé et imagé entre Félix et Ernest ; certes, les pages évoquant les notes musicales de la jeune apprentie violoniste au milieu de l'atelier de son père sont touchantes ; cependant, j'ai eu l'impression de ne vivre que des fragments ou des éclats de vie, si petits et si restreints qu'ils s'apparenteraient aux pièces d'un puzzle incomplet. Pourtant cette vie partagée était faite de lumières, de douleurs et de forces créatrices, mais au point final, le compte n'y est pas. Ce roman me semble n'être que le synopsis d'un vrai roman. Il aurait fallu développer, et non pas caresser ; il aurait fallu dilater et non pas ratatiner ; il aurait fallu éclabousser et non pas butiner. Ah, la richesse de la vie de Félix, à elle toute seule, aurait dû m'entraîner dans une effervescence pleine de bruit où le bouillonnement des couleurs, les brûlures du soleil, les ténèbres du fascisme, la musique des vents chauds, les passions amoureuses auraient dû faire exploser le cadre des possibles. Là que nenni ! Arrive là-dessus un Hemingway venu d'on ne sait où ! Sans doute là pour crédibiliser les terribles années espagnoles et pour créer un ancrage littéraire, car Ernest aurait aussi bien pu être ailleurs qu'ici. De même, n'y a-t-il pas une sorte d'impudeur à révéler, aux yeux de tout lecteur, des moments si forts émotionnellement qu'ils auraient peut-être dû restés privés ? Enfin, jamais l'auteure n'appelle sa mère Maman, c'est toujours le prénom de Cécile qui est choisi, comme si une distance devait être de mise dans cette histoire si intime. En tout cas, cette distance m'a tenu à l'écart d'une écrivaine si talentueuse par ailleurs.
      A moins que Léonor de Récondo, dans un besoin vital et cathartique, n'aie éprouvé le désir bien compréhensible de coucher sur le papier une ode à l'amour paternel. Bel hommage à un père adoré. Une chose est certaine, là où il est, il doit être fier de sa fille !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire