27 déc. 2019


" Salina, les trois exils " de Laurent Gaudé   19/20



      Abandonnée bébé à l'entrée d'un village niché dans le désert africain, Salina ne doit sa survie qu'à l'amour inconsidéré de Mamambala, une femme du clan Djimba, débordant de tendresse et bravant le refus du chef de village, Sissoko, de secourir le tout petit enfant en pleurs. Ses larmes de sel la feront nommée Salina.
      Au décès de Salina, c'est son dernier fils qui nous raconte toute la vie de sa mère, dans le dessein que les portes de l'île-cimetière s'ouvrent afin de lui accorder la sérénité et le bonheur que la vie lui a toujours refusé. Peut-être ainsi sa vie de combats se haussera à la stature d'une légende, la sienne.

      D'emblée, le récit prend aux tripes et ne lâche plus le lecteur avant une fin digne des plus grands contes ou des plus grandes légendes.
      En cette période où deux sujets brûlants : l'arrivée de bateaux de migrants et le respect des femmes, bousculent régulièrement l'actualité, le récit de la vie de Salina est un hurlement de douleur et une gifle cinglante au visage de l’intolérance. En effet, Salina supportera avilissements, puis bannissements répétés. Toute sa rage, toute sa colère n'existe que par le refus de l'altérité et inhérent à cela, un manque de considération d'autrui. Parce que l'on est né d'aucun père et d'aucune mère doit-on être soumis et humilié ? Parce que l'on vient d'une autre contrée doit-on être jaugé comme être inférieur ? 

      Découpé en dix chapitres formant chacun un tableau à eux seuls, le texte vise à transcender la haine, l'amour et la vengeance, pour les porter au pinacle de l'absurdité de l'aberration et de l'ineptie.
      Grâce à une écriture épurée de toute ornementation autant ostentatoire qu'inutile, Laurent Gaudé va à l'essentiel, à l'os, avec un semblant de facilité et de fluidité digne des plus grands. Ainsi le récit prend une force supérieure, sans effort apparent.
      En dehors de sa plume belle et tranchante, la puissance de l'histoire vient aussi de son universalité et de son intemporalité, comme tous les contes.

      A travers du parcours de la vengeance d'une femme hautement mortifiée, hurlant son désespoir aux pierres du désert, Laurent Gaudé nous offre une tragédie antique où le texte est sublimé par la puissance du verbe. Un petit bijou !

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