13 mars 2020


" Ouragan "   de Laurent Gaudé   18/20



      A la Nouvelle-Orléans, humant l'air du petit matin, Joséphine, une femme noire bientôt centenaire, sait que la grande vicieuse est de retour et que sa force dépassera celle de tous les ouragans qu'elle a vu s'abattre sur son pays de cœur, la Louisiane.

      A partir de la catastrophe climatique de 2005, où les forces de la nature se déchaînent avec une fureur inédite, Laurent Gaudé nous propose une hétéroclite galerie de personnages n'ayant pas pu quitter la ville pour se mettre à l'abri. Devant la colère des éléments, chacun d'eux sera confronté à sa vérité profonde. En effet, quand le chaos et la peur règnent, quand il n'y a plus personne pour faire respecter la loi, l'anarchie prend le relais avec ce qu'elle a de plus détestable. Dans ce pays ravagé où tout repère social ou moral est banni, l'Homme se révèle à lui-même, les masques tombent.

      Parmi la dizaine de protagonistes qui vont se croiser, formant une chorale symbolisant les cris et les pleurs d'une ville abandonnée à son sinistre sort, l'une de ces voix, celle de Joséphine, rappelle la condition humaine du peuple noir. Elle chante la douleur de toutes les tragédies qu'il a vécues, de toutes les injustices qu'il a subies et subies encore aujourd'hui. Malgré tout cela, ou à cause de tout cela, Joséphine ne plie jamais le genou, sa dignité est sa seule force et sa détermination est d'être, en toutes circonstances, une femme debout.

      Dans ce capharnaüm, un religieux se croit autorisé à être la main de Dieu, la main qui punit, la main de l'apocalypse, celle qui poursuit l'oeuvre dévastatrice de l'ouragan. Puisque Dieu a décidé de punir cette ville, il m'autorise à parfaire sa dévastation. Je suis le prolongement de sa volonté, je suis l'homme qui condamne et l'outil qui châtie au nom du seigneur tout puissant ! Toute la folie du monde est représentée dans ce personnage illuminé.

      Une fois de plus, Laurent Gaudé évite les clichés et nous raconte l'histoire de miséreux non seulement démunis, mais usés, épuisés et vaincus par la vie. Ils devront, une fois encore, livrer un combat de plus, un combat de trop ? Quand ce n'est pas une lutte contre la discrimination absurde et assassine du peuple blanc, c'est une bataille contre un ouragan d'une force inouïe. N'ayant pu fuir par faute de moyen, contrairement à la majorité blanche, ce peuple de douleur devra faire le dos rond et prier pour implorer la clémence de forces incontrôlables : celle de la tempête, celle de l'eau qui monte, celle des alligators profitant d'une manne inespérée et celle des hommes sans morale.

      Ouragan est l'histoire d'une tragédie, portée haut par une langue incisive et poétique, et dont certaines phrases résonnent dans nos têtes, telles des incantations.


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