A Montepuccio, petit village du sud de l'Italie, vit chichement la famille Scorta. Fondée à la suite d'un viol, cette lignée va courir sur des décennies, chacun de ses membres se battra à sa manière pour se sortir d'une vie de dur labeur. Mais chaque génération devra gravir à nouveau la montagne... indéfiniment... jusqu'à la nuit des temps.
Laurent Gaudé nous propose un roman sur les générations qui se succèdent, sur la vie qui passe, puis trépasse, mais renaît dans le sang de sa progéniture, qui, à son tour tentera de défier le destin, enfin, fera tout ce qu'elle peut avant de laisser le relais à ses enfants.
Le soleil des Scorta est un roman sur l'insupportable mythe de Sisyphe. Une réflexion sur le sens de la vie. Au final : a-t-elle un sens ? N'est-il pas vain d'y chercher un sens ? La vie est là, et puis c'est tout. A chacun de faire avec. A chacun de s'en accommoder. A chacun de vivre sa vie avec ses convictions profondes. A chacun de s'en sortir à sa manière, dans la flamboyance ou le minimalisme. Le choix est là, il n'y a qu'à se servir... ou pas.
D'emblée, la langue de l'auteur séduit son lecteur. Pour décrire avec autant de justesse la puissance du soleil faisant s'incliner, comme devant un dieu : les hommes, les paysages, les parfums, les pierres et la mer, il ne peut descendre, en droite ligne, que d'un Giono. Sa force de description est telle que ce roman est une expérience sensorielle : il se respire, il se goûte, il se regarde... et il nous brûle.
Cependant, sans nier la qualité stylistique de la plume, ce récit me laisse un goût d'inachevé, comme si j'avais lu le résumé ou le brouillon d'une fresque historique. En effet, vouloir raconter la vie de quatre générations en un peu plus de 200 pages, oblige à des ellipses inévitables. Devant cette coercition volontaire, certains personnages ont peu de place pour exister, quand ils ne passent pas carrément à la trappe. De plus, les deux guerres mondiales n'ont aucune incidence sur la tribu. Et de surcroît, les velléités de hors-la-loi et d'assassin de Rocco ne sont jamais développées. Naturellement on peut être en révolte face à une naissance et à une enfance de merde, mais de là à aller trucider ses voisins !?!
Néanmoins, l'essentiel est-il là ? Laurent Gaudé ne visait-il pas d'écrire sur les joies, les peines, les secrets et les valeurs d'un clan issu d'un hasard malheureux ? Écrivant ainsi un hymne à la famille, une ode à la suite générationnelle, peu importe son origine et ses errements, il ne faut retenir que la fraternité clanique, comme une allégorie de leur richesse, non issue de biens matériels, mais de la puissance de l'amour.
Plusieurs prix dont le Goncourt, énormément de lecteurs dithyrambiques, et je les comprends, mais pour le perfectionniste ou le chiatique que je suis, il me manque comme la chair sur les os ou l'enrobé de chocolat autour d'un coeur de praliné. Dommage.
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